Le droit à l’image fait partie des droits de la personnalité, dont l’atteinte peut être portée devant la justice (lire l’encadré). L’image d’une personne est de surcroît une donnée sensible, au sens de la législation sur la protection des données. Il est par conséquent illicite de prendre quelqu’un en photo sans «motif justificatif», c’est-à-dire sans son consentement, ou en l’absence d’une base légale ou d’un intérêt prépondérant (public ou privé).
Si un commerçant peut parfois invoquer un «intérêt privé prépondérant» (la prévention du vol) pour filmer les clients avec des caméras de surveillance, un simple quidam ne peut pas avancer un tel argument pour photographier un inconnu dans la rue ou sur la plage. Ainsi, pour les images prises par les particuliers, le seul «motif justificatif» admissible est le consentement de la personne photographiée.
Cependant, l’application de la loi doit tenir compte de la réalité et du développement des technologies, reconnaissent les services du Préposé à la protection des données ainsi que le professeur Philippe Meier, de l’Université de Lausanne. Selon ces spécialistes, on ne peut en principe pas parler d’atteinte à la personnalité lorsqu’un inconnu figure en arrière-plan sur une photo de vacances.
Cette notion d’atteinte à la personnalité est donc relative. Décodage sur la base de quelques scénarios fréquents.
> La photo de vacances
Vous prenez vos amis en photo (devant un monument, sur la plage) et découvrez par la suite qu’un inconnu y figure de manière reconnaissable. Vous n’avez pas violé son droit à l’image car il a un statut accessoire sur le cliché. Sont toutefois réservés les cas où la photo comprend des éléments sensibles, précise Philippe Meier, par exemple parce que l’inconnu se trouve dans une attitude déshonorante.
> La photo d’un inconnu
Vous avez envie de photographier une personne dans la rue parce qu’elle vous plaît, ou parce qu’elle est au centre d’une scène pittoresque (en vacances, par exemple). Vous devez d’abord lui demander son accord, à moins que celui-ci puisse se déduire de son comportement (elle prend la pose, elle sourit).
> La photo volée
Discrètement, avec votre téléphone portable, vous avez pris la photo d’un inconnu sans qu’il s’en aperçoive. Vous avez porté atteinte à son image et s’il en avait connaissance, il pourrait exiger la suppression du cliché. Si vous refusiez, il pourrait porter l’affaire devant la justice (lire l’encadré).
> La diffusion d’une photo
Vous publiez parfois des photos prises en vacances ou lors de soirées entre amis sur votre site internet ou votre blog. Vous devez requérir le consentement des personnes présentes pour cette diffusion. Ce n’est pas parce qu’elles ont été d’accord d’êtres prises en photo qu’elles consentent à une publication ultérieure. Et elles ont le droit de changer d’avis par la suite et d’exiger le retrait de la prise de vue (ou un floutage qui les rendra méconnaissables).
Vous pourrez néanmoins vous permettre de publier une photo de vacances sans demander l’accord d’éventuels inconnus en arrière-plan, sous réserve des cas où ces personnes sont en mauvaise posture. Mais pas question de retravailler les tirages pour faire d’un inconnu le centre de l’image!
> L’album photos en ligne
Lorsque les photos en ligne ne sont accessibles qu’aux personnes qui détiennent l’adresse internet exacte (compliquée, donc impossible à trouver par hasard) ou après indication d’un code d’accès, on ne peut pas parler de diffusion. Le consentement n’est dès lors pas nécessaire.
Suzanne Pasquier
action en justice
Protection de la personnalité
Si vous êtes pris en photo sans le vouloir, ou qu’une image de vous est diffusée sur internet sans votre accord, vous pouvez en exiger la suppression. Si vous n’êtes pas entendu, vous avez la possibilité d’intenter contre l’auteur de l’atteinte une action en protection de la personnalité (art. 28 lit. a du Code civil).
Les actions préventives servent à empêcher la diffusion si elle est imminente, tandis que les actions défensives visent au retrait des photos. Enfin, les actions réparatrices permettent de réclamer des dommages et intérêts ou une réparation du tort moral.