J’ai jeté mes lunettes! – Je suis libéré! – Une intervention miraculeuse!… Ces exclamations de joie proviennent des nombreuses personnes qui ont fait corriger leur vue par la chirurgie au laser. Avec quelque 10 000 interventions par an en Suisse, il s’agit en effet d’un véritable engouement.
Mais est-ce si anodin de se faire inciser, râper... l’œil? Réponse avec deux spécialistes FMH en ophtalmologie et ophtalmo-chirurgie, les Drs Christian de Courten et Auguste G.-Y Chiou à Lausanne.
Quelle opération pour qui
La chirurgie réfractive au laser excimer remédie à certains problèmes visuels (myopie, hypermétropie, astigmatisme) en modifiant la structure de l’œil. Cela selon diverses procédures, dont principalement:
> Le Lasik: le chirurgien découpe et soulève un fin volet sur la cornée, avant de la traiter au laser en profondeur. Le volet est ensuite refermé et fait office de pansement.
– Indications: myopie –1 à –8 D (=dioptries); hypermétropie +1 à +3 D; astimagtisme –1 à –5 D.
– Les +: très peu douloureux, vue récupérée en quelques heures.
– Les –: infections ou inflammations ou plis du volet cornéen pouvant nécessiter un traitement spécifique.
> Le Lasek (PRK): variante du Lasik avec laquelle la découpe de la cornée est plus fine.
– Indications: myopie –1 à –4 D.
– Les +: idéal pour les cornées trop minces pour être traitées au laser Lasik.
– Les –: inconfort voire douleurs pendant environ 4 jours après l’opération, récupération visuelle plus lente (10 à 14 j. environ).
Lorsqu’on ne peut recourir au laser, il existe d’autres interventions, dont les plus éprouvées sont:
> Les implants intraoculaires: une lentille synthétique est placée directement dans l’œil, devant ou derrière l’iris.
– Indications: myopie jusqu’à –25 D; hypermétropie +10 D; troubles de la cornée empêchant une chirurgie au laser.
– Les +: peu douloureux, vue revient en 24 h. En cas de correction insuffisante, nouvelle intervention possible. Réversible en cas d’intolérance ou problème.
– Les –: anesthésie de tout l’œil. Suivi médical à long terme.
> L’extraction du cristallin clair: le cristallin est enlevé puis remplacé par une lentille intraoculaire.
– Indications: à partir de 60 ans, myopie –10 à –25; forte hypermétropie non opérable au laser ou par implants.
– Les +: permet une vision nette à des personnes très myopes.
– Les –: capacité d’accommodation pour la lecture perdue (doit être compensée par des lunettes).
Les risques
Même si ces techniques ont fait leurs preuves, le résultat ne peut jamais être garanti à 100% et les inconvénients et risques existent. Pour la chirurgie au laser excimer, il s’agit notamment de:
> Port de lunettes de soleil larges obligatoire pendant un an (après toute chirurgie au laser).
> Défaut surcorrigé ou sous-corrigé; peut nécessiter une opération complémentaire.
> Plus rarement: infections, troubles de la cicatrisation, perception de halos, baisse de la vue même avec des lunettes, déformation des images, gêne à la vision nocturne, vision double, etc. qui peuvent nécessiter des traitements par collyres ou une intervention supplémentaire.
> Cas très rares (1/1 mio. de cas) rapportés: perte de la vision.
Avec des implants, il faut procéder à des contrôles réguliers à long terme pour s’assurer de la bonne santé de la cornée et du cristallin.
Aux risques s’ajoute le prix: en Suisse romande, l’intervention au laser coûte environ 2000 à 2500 fr./oeil, les implants environ 3200 fr./œil et la chirurgie du cristallin clair environ 3000 fr./oeil, plus les frais de consultation avant et après.
«De nombreuses personnes vont en France voisine, où se pratique une véritable sous-enchère, mais parfois avec des appareils plus anciens et moins contrôlés», déplorent les deux spécialistes. Seulement, le suivi est alors plus difficile, surtout en cas de complications. La différence de prix ne vaut pas le risque.
Ellen Weigand
conseils pratiques
Les questions à poser avant
«Quand on utilise le laser pour corriger un défaut de la vue, c’est une pure chirurgie de confort, très chère et non remboursée par l’assurance maladie de base, soulignent les Drs Chiou et De Courten. En général, nous ne la proposons pas aux patients. C’est eux qui la demandent.» Dans tous les cas, il est conseillé de vérifier plusieurs points au préalable:
> L’opération n’est-elle pas contre-indiquée? En effet, il faut être âgé de 20 ans au moins, et avoir un défaut de vue stabilisé depuis 2 ans. Sont exclues: les personnes souffrant de maladies rhumatismales, d’herpès dans l’œil, de diabète, celles qui cicatrisent mal et les sportifs de combat.
> Le chirurgien est-il expérimenté?
> L’âge de l’appareil (1 à 5 ans au max.); est-il contrôlé régulièrement?
> Le médecin utilise-t-il un set d’opération par œil, pour éviter qu’une éventuelle infection n’atteigne les deux yeux?
> Le suivi du patient est-il assuré par le chirurgien?
> Quels coûts sont inclus dans le prix?
> Etes-vous bien informé des risques?