Après une opération de la cataracte, Eric Chevalley, qui a retrouvé toute son acuité visuelle, va découvrir l’opacité des tarifs en matière de soins ambulatoires. D’abord, lui parvient une facture de 1133,60 fr. à l’attention de l’Assurance invalidité (AI), établie par le Centre chirurgical de l’œil à Lausanne, où il a été opéré. Puis, comme l’AI refuse de prendre en charge l’intervention, notre lecteur reçoit une nouvelle facture de 3400 fr. pour sa caisse maladie.
«Une telle variation des tarifs est-elle possible?» demande Eric Chevalley.
Disparités tarifaires
La réponse est non, car, en l’occurrence, la première facture était incomplète. Mais il peut exister d’importantes disparités tarifaires selon où et à qui une opération de la cataracte est facturée.
En effet, les assurances fédérales, comme l’assurance invalidité (AI), ont un système de facturation «au point», valable dans toute la Suisse. Alors que les tarifs pris en charge par les caisses maladie varient d’un canton à l’autre. Dans le canton de Vaud, c’est le tarif Hôpital de jour (HDJ) qui s’applique à l’ensemble des hôpitaux et cliniques. Mais pas au Centre chirurgical de l’œil – un établissement privé de ce type n’étant pas considéré comme un hôpital – qui a convenu de tarifs forfaitaires avec certaines caisses maladie, dont celle d’Eric Chevalley. En fait, son opération aurait coûté plus cher si elle avait été facturée à l’AI!
Ainsi, une même opération de la cataracte sera facturée:
• 3900 fr. à l’AI (dans toute la Suisse);
• 3400 fr. par le Centre chirurgical de l’œil à la caisse d’Eric Chevalley;
• 3600 fr. par un hôpital selon le tarif officiel HDJ dans le canton de Vaud;
• mais 4700 fr. selon le tarif officiel valable dans le canton de Genève.
Attention cependant: ces chiffres – à l’exception dupremier – restent approximatifs. Ils comprennent l’ensemble des prestations: salle d’opération, matériel, salaire du médecin, de l’anesthésiste, etc.
Tarmed controversé
«On ne sait plus vraiment à quoi correspondent ces tarifs et pourquoi il existe de telles différences, commente Peter Marbet, responsable de la communication à Santésuisse, l’association faîtière des assureurs maladie. Mais, en établissant une même base tarifaire pour toute la Suisse, Tarmed devrait rétablir une meilleure transparence».
En principe, cette nouvelle tarification médicale unifiée (Tarmed) devrait entrer en vigueur l’année prochaine: dès lors, chaque acte médical – avec une position tarifaire correspondante – vaudra un même nombre de points. Toutefois, la valeur du point pourra varier d’un canton à l’autre. Le nouveau système ne va donc pas gommer les disparités cantonales. Mais théoriquement, un patient genevois pourra comparer sa facture avec celle d’un Vaudois et y retrouver les mêmes positions tarifaires.
Tarifs trop élevés
Cyrus Tabatabay, président des ophtalmologues genevois, reste très circonspect: «Tarmed devrait certes faciliter la comparaison intercantonale. Mais ce système de facturation sera très compliqué, vu le nombre de positions et même de sous-positions tarifaires qu’il comporte. De plus, la valeur du point pourra désormais varier au sein d’un même canton, car les caisses maladie pourraient négocier des tarifs forfaitaires avec certains groupes de médecins.»
De toute façon, les opérations de la cataracte coûtent trop cher, du moins dans certains cantons: «A l’époque où les tarifs officiels ont été établis, cette intervention prenait une heure et demie. Aujourd’hui, quarante-cinq minutes suffisent», reconnaît Christian de Courten, président de l’Association des ophtalmologues vaudois.
Récemment, Werner Marti, le surveillant des prix, avait jeté un pavé dans la mare en affirmant que le coût de l’intervention ne devrait pas dépasser 1500 fr.! «A ce tarif-là, impossible de pratiquer, dénonce Cyrus Tabatabay. Il reconnaît toutefois que les tarifs pourraient légèrement baisser: un coût moyen de 3200 fr. serait envisageable.»
Conséquence de Tarmed sur les tarifs? «Du moins ne devraient-ils pas renchérir!», estime Peter Marbet de Santésuisse. Autre son de cloche du côté des ophtalmologues: «Ils vont tellement baisser, que les prestataires de soins ne rentreront pas dans leurs frais et que le déficit devra être comblé par l’Etat, donc par nos impôts», estime Cyrus Tabatabay. Conclusion: on n’est pas prêt d’ y voir plus clair!
Sophie Reymondin