Soyez prudents lorsque vous achetez une voiture d’occasion: son compteur affiche peut-être un kilométrage bien en deçà de la réalité, dans le but de revendre le véhicule plus cher qu’il ne vaut réellement. Le phénomène est méconnu, pour ne pas dire tabou. Pourtant, selon l’ADAC, cousin allemand du TCS, le compteur kilométrique de près d’une occasion sur trois est trafiqué outre-Rhin. Au niveau européen, une étude affirme que le taux atteint 5 à 12%, avec des pointes à 30% pour les importations. Le passage des frontières facilite le travail des fraudeurs en rendant l’historique du véhicule plus difficile à tracer.
Et en Suisse? Le discours du TCS se veut plutôt rassurant. Le club automobile estime qu’«entre 5 et 10% des compteurs sont trafiqués, mais plutôt 5 que 10…». Selon ses spécialistes, il est «quand même très compliqué de changer le kilométrage d’un véhicule», notamment parce que l’information «kilométrage total» se trouve inscrite dans la mémoire de plusieurs modules électroniques du véhicule, ce qui complique la modification des données.
Facile, selon la Police fédérale belge
Oui, mais voilà: tout le monde n’est pas d’accord avec cette analyse. A commencer par l’ADAC, qui affirme que l’opération est un véritable «jeu d’enfant» ne nécessitant que quel ques secondes avec l’appareil adapté. Un avis partagé par la revue spécialisée française L’argus pro, qui dénonce un trafic facile et bien caché, à la portée de Monsieur Tout-le-monde grâce à des boîtiers de réinitialisation vendus quelques centaines d’euros sur internet.
Paul Vandermeulen, spécialiste du domaine à la Police fédérale belge ajoute qu’on peut même truquer un compteur avec un simple laptop équipé du programme adéquat et d’une fiche OBD pour le relier au véhicule.
Internet fourmille de vidéos démontrant la facilité de l’opération ainsi que les noms de vendeurs proposant les boîtiers et les fiches nécessaires. En Allemagne, une jurisprudence permet d’ailleurs aux équipementiers de vendre librement leur boîtier, alors même que la modification du kilométrage est interdite par la loi! Et, avant que la Belgique n’introduise un système (www.car-pass.be) efficace contre la fraude, «les occasions trafiquées étaient qua si ment la règle», se souvient Paul Vandermeulen.
Une affirmation stupéfiante qui amène à se demander si le nombre des véhicules trafiqués en Suisse n’est finalement pas largement supérieur aux estimations. Une chose est sûre: la fraude est à la portée des particuliers malintentionnés, sans parler des garagistes qui possèdent les machines adéquates.
En Belgique, une enquête de police révèle que ces estimations se portaient sur plusieurs dizaines, voire centaines de milliers de kilomètres par véhicule, souvent dans le but de descendre au-dessous du chiffre symbolique de 100 000. Les bénéfices variaient selon les modèles, mais étaient de plusieurs milliers d’euros en moyenne. Un appareil de fraude est donc vite amorti. Et, en ce qui concerne l’achat de ce matériel sur internet, la douane est tout sauf un obstacle infranchissable. Déclarés la plupart du temps comme matériel électronique, les boîtiers «ont de bonnes chances de passer entre les gouttes», concède l’Administration fédérale des douanes.
Comment ne pas se faire rouler
Il convient en premier lieu de consulter attentivement le carnet de service du véhicule d’occasion, souligne le TCS. Celui-ci indiquera les kilométrages relevés lors des services. La comparaison entre le dernier service et le nombre de kilomètres actuel permet d’éviter une grosse fraude. Qui se risquerait en effet d’acheter une voiture affichant 95 000 km, alors qu’elle en avait 180 000 lors du dernier service? A défaut, l’absence d’un carnet de service doit être considérée comme suspecte.
D’autres signes, notamment l’usure générale du véhicule et particulièrement de certains éléments, comme les pédales et le volant, permettent aux connaisseurs de déceler les fraudes. Le TCS propose ainsi une analyse des véhicules d’occasion mêlant contrôles visuel et électronique, toute intervention, dans ce dernier cas, étant susceptible de laisser des traces.
Ce «test occasion» coûte 120 fr. pour les membres (240 fr. pour les autres).
Finalement, acheter une occasion dans un garage de marque est aussi une bonne précaution. Ces derniers ont trop à perdre pour tenter de truquer des compteurs, estiment Paul Vandermeulen et le TCS.
Sébastien Sautebin