Que ce soit à Lausanne, Sion, Delémont ou dans toute autre ville du pays, chaque pigeon répand 12 kg de fiente par an sur les trottoirs, façades, monuments, etc. Des salissures qui peuvent provoquer des dégâts considérables. C’est pourquoi propriétaires et administrations installent toutes sortes de systèmes destinés à chasser ou tuer ces oiseaux des villes. Une lutte menée avec beaucoup d’imagination. Car en matière de pigeons, la loi sur la protection des animaux reste souvent purement théorique. Une étude, commandée par l’Office fédéral vétérinaire, a pour la première fois examiné ces pièges sous l’angle de la loi. Elle dresse une liste des méthodes utilisées et de leurs conséquences pour les animaux.
Si, en cours de promenade sur la place du Château à Lausanne, vous levez les yeux, vous remarquerez les pics métalliques garnissant les rebords des façades. Ailleurs, comme à la Bahnhofstrasse à Zurich, on aperçoit encore des treillis électrifiés, des balcons entourés de clôtures métalliques et des appareils tournants, émettant des ultrasons. Certaines de ces installations sont sans danger pour les volatiles. Mais Daniel Haag-Wackernagel, auteur de l’étude précitée, en a identifié d’autres carrément cruelles:
Les aiguilles, aux pointes acérées: invention américaine pour empêcher les détenus de franchir les murs des prisons. M. Haag a observé comment, en vol, les pigeons tentent sans relâche de pousser ces pointes avec leur poitrine et s’y blessent grièvement. Car ils ont pour habitude atavique d’écarter tout obstacle avec leur poitrine.
Les griffes: munies de crochets aiguisés. Les oiseaux s’y coupent en tentant de les évincer.
Les gels: censés donner une sensation désagréable aux pattes. Une couche de vernis ou de poudre devrait protéger leurs plumes contre cette pâte. Mais le gel reste sur les pattes, peut coller les yeux et le plumage, diminuant considérablement la capacité de vol des pigeons.
Résultat le plus choquant de l’étude: les systèmes brutaux ne sont pas plus dissuasifs que les méthodes plus douces. Parmi ces dernières, l’auteur recommande les filets en métal, à tendre correctement, sans laisser le moindre espace. Ce qui n’est souvent pas le cas. Si bien que les pigeons restent coincés entre deux filets ou, une fois l’interstice franchi, ne retrouvent pas toujours la sortie.
En fait, les systèmes efficaces sont rares: «Les pigeons franchissent n’importe quel système, s’ils sont motivés», note l’expert. Rien ne pourra par exemple les dissuader de construire leur nid. «Et ce faisant, les animaux acceptent aussi de se blesser.» C’est pourquoi, «la lutte ne reste qu’une lutte contre les symptômes. D’ailleurs, si un système est dissuasif, les pigeons iront tout simplement s’installer sur une maison voisine». Pour vraiment endiguer l’invasion ailée, l’expert ne voit donc que l’interdiction stricte de nourrir les pigeons: ils se reproduiraient moins et seraient moins attirés par les cités.
Le canton de Vaud interdit déjà le nourrissage sous peine d’amende. Et en janvier dernier, la commune de Lausanne a décidé de se conformer à la loi cantonale. Car certains continuaient à distribuer autre chose que les graines anticonceptionnelles fournies aux particuliers par la Ville.
La Ligue vaudoise pour la défense des animaux et contre la vivisection est opposée à la décision communale. Pourtant, en nourrissant les pigeons, leurs défenseurs ne leur rendent pas forcément service. Car plus il y a de pigeons, plus il y aura de pièges plus ou moins dangereux.