Ah, «le succulent gigot d’agneau au gingembre mitonné par Mireille» que conseille votre guide! La recette n’est plus préparée depuis trois ans et le chef du resto recommandé s’appelle désormais Toni. Quelle déception! Vous avez fait confiance à ce satané bouquin et vous avez eu tort. Mais vous n’êtes sans doute pas le seul. Notre enquête, réalisée en collaboration avec l’émission On en parle (RSR – La Première), révèle que les guides touristiques contiennent de nombreuses fautes.
Erreurs dans les prix, numéros de téléphone hors service, imprécisions historiques, spécialités culinaires plus préparées, manifestations et établissements disparus, etc. Il n’est guère de domaines où les cinq guides que nous avons passés au crible pour la ville de Lausanne (lire l’encadré) ne recèlent pas d’inexactitudes. Notre tableau comparatif se base sur cinq sortes d’erreurs. Sur ces critères, trois des cinq guides affichent une moyenne globale de plus de 20% d’informations erronées (voir tableau) avec des pointes par type atteignant 55,6%. Seul le Michelin peut se targuer d’un taux d’erreurs global inférieur à 10%. De quoi relativiser fortement la confiance qu’il convient de leur accorder.
Horreurs à la pelle
A titre d’exemple, la seule lecture du Routard a de quoi stupéfier tout voyageur qui se respecte. Dans l’édition 2007/2008, il y est question du «métro entre Ouchy, la gare et le centre-ville que l’on appelle plus familièrement la ficelle, aussi délicieusement rétro que pratique». En l’occurrence, le commentaire est plus rétro que pratique puisque la fameuse «ficelle» n’est plus en activité depuis janvier 2006! Et que penser de cette mention de «la salle du Grand Conseil qui y siège depuis 1806»? Elle a brûlé le 14 mai 2002 et n’est plus aujourd’hui qu’une ruine! On pourrait citer encore d’autres exemples comme «L’international Roller Contest et le Bluewin Urban contest» soit disant «au programme à mi-août et mi-septembre» alors qu’ils n’existent plus depuis des années.
Bref, si l’on y ajoute les erreurs mentionnées dans notre tableau, les imprécisions historiques et les recommandations de restos mentionnant des recettes qui n’y sont plus préparées, voilà qui fait vraiment beaucoup. Nous avons donc contacté le Routard.
Le Routard s’explique
André Poncelet, responsable du guide suisse, avoue que ses troupes «ne sont pas venues à Lausanne depuis… trois ans»! Des équipes de deux collaborateurs effectuent bien deux voyages de quinze jours chaque année en Suisse, mais elles ne se rendent pas partout pour des questions de temps et de moyens. Alors, pour mettre à jour son contenu, le Routard se base sur des questionnaires qu’il envoie par poste aux établissements mentionnés dans le guide et prend en compte les courriers de ses lecteurs. Visiblement, ces dispositions ne suffisent pas. «Par rapport à d’autres guides, nous fournissons une masse d’infos, avec des petites adresses, des renseignements pratiques, se défend André Poncelet. Cela présente le risque de ne pas être toujours à jour. De plus, nous ne pouvons pas travailler en temps réel. L’édition est bouclée début septembre et le livre ne sort qu’en février. Entre-temps, pas mal de choses auront changé».
Tout à jeter?
L’argument n’est pas dénué de fondements. Les choses évoluent vite, que ce soit au niveau des menus de restaurants, des prix d’entrée ou des évènements culturels. Tous les guides en sont victimes. Si certaines erreurs sont impardonnables du fait de leur ancienneté, d’autres sont tout simplement inévitables, et toutes ne portent pas vraiment à conséquence. Faut-il s’irriter que le prix d’entrée d’un musée ait passé de 6 fr. à 8 fr. après la parution du guide?
Malgré les fautes, les guides de voyage restent des compagnons souvent utiles. Il convient par contre de se souvenir que leurs indications peuvent être inexactes. Un coup de fil, un e-mail ou des recherches sur le Web permettent d’avoir des certitudes lorsque le besoin s’en fait sentir. A l’heure d’internet, il est relativement simple, pour autant que l’on dispose d’un peu de temps, de multiplier les sources d’informations en consultant les sites des offices de tourisme, des hôtels, des restaurants, les forums, les récits de voyage, etc. Les guides restent donc des compagnons de route appréciables et pratiques en voyage, mais ne constituent plus qu’une source parmi d’autres, dont le contenu ne doit jamais être considéré comme parole d’évangile.
Sébastien Sautebin
Notre méthode
Toutes les infos passées au crible
Comment évaluer la fiabilité d’un guide touristique? En vérifiant les informations fournies, pardi! Nous avons donc acheté cinq guides bien connus dans leur dernière édition disponible en date du 5 mai pour la Suisse: le Routard, le Petit Futé, le Guide Voir (Hachette), le Guide Michelin et Lonely Planet. Comme il était hors de nos capacités de vérifier l’intégralité des infos fournies dans chacun des guides, nous nous sommes limités à la ville de Lausanne, partant du principe que l’analyse d’une zone déterminée donnerait de bonnes indications sur la qualité globale du produit.
Concrètement, nous avons vérifié toutes les infos fournies dans chacun des guides en contactant directement les établissements concernés. Pour notre tableau, nous n’avons retenu que des types d’informations que l’on retrouve dans l’ensemble des ouvrages et qui peuvent être quantifiées en termes de statistiques.