«J’aurais bien aimé être très agréablement surpris ne serait-ce qu’une fois, mais ça n’a pas été le cas.» Fabien Pairon, maître d’enseignement sénior à l’Ecole hôtelière de Lausanne et Meilleur ouvrier de France 2011 ne mâche pas ses mots. Et il se fait l’écho d’un sentiment partagé par notre jury de dégustateurs (lire encadré). Les quinze mozzarellas di bufala achetées dans les grandes surfaces ont tout sauf enthousiasmé les fines bouches réunies par Bon à Savoir et son partenaire On en Parle (RTS – La Première). «Aucune ne donnait envie d’en manger de nouveau. Je ne les servirais pas dans mon restaurant», lâche même le grand chef Carlo Crisci.
Une partie de l’explication se trouve dans le mode de fabrication. «La mozzarella di bufala est, au départ, un produit strictement artisanal. L’industrie s’en est emparé avec les moyens qui sont les siens. Ce décalage se ressent dans le goût et on ne peut pas attendre de miracle», résume, un brin fataliste, Pierre Thomas, journaliste spécialiste en vins et en gastronomie. Mais si, au vu des moues grimaçantes, la dégustation ressemblait parfois à un chemin de croix pour nos fins palais, une poignée de fromages obtiennent tout de même des notes relativement clémentes, à défaut d’être remarquables.
Suisse en tête… et en queue
Surprise, c’est un produit élaboré dans le Val-de-Travers (NE), avec du lait suisse, dont 10% de vache, par les frères Stähli, qui squatte le haut du podium. Sans en faire un fromage, Daniel Stähli explique ce résultat par «les recherches effectuées, la mise en application de ce que j’ai appris en Italie et une touche de rigueur suisse».
On mettra peut-être un peu de baume sur le cœur de ses concurrents italiens en relevant que le Neuchâtelois écope aussi, de manière surprenante, de la pire note pour ses Mini Mozzarella qui seraient pourtant produites de manière similaire. Daniel Stähli, présume qu’il s’agit d’«un défaut de goût» dû à la météo pluvieuse qui a modifié l’équilibre alimentaire des bufflonnes, et donc leur lait. Le fromager affirme qu’il aurait détruit la matière concernée s’il avait détecté le problème. Mais, vu la production – deux tonnes par semaine –, il lui est difficile de goûter tous les échantillons…
Fraîcheur essentielle
Un manque de fraîcheur, dû à une rupture de la chaîne du froid ou à une date de fabrication lointaine, peut aussi contribuer à expliquer les plus mauvais résultats. Car, comme le rappelle le maître fromager Nicola Antonicelli, «une mozzarella di bufala est à son apogée quatre à six jours après sa production et reste bonne jusqu’à trois semaines. Après, elle commence à baisser.» A défaut de connaître le jour de la fabrication, qui n’est pas mentionné sur les emballages, préférez donc une date de péremption aussi éloignée que possible du jour de l’achat.
De leur côté, les grands distributeurs nous ont fourni leurs réponses habituelles lorsqu’ils écopent de mauvais résultats. Denner, Migros et Coop – dont la Fine Food termine en avant-dernière position – affirment à l’unisson que leurs aliments ont obtenu de très bonnes notes lors de tests à l’interne. Denner lance aussi l’hypothèse d’un accident, «en raison d’emballages endommagés de manière invisible ou d’une interruption de la chaîne du froid».
Des signes qui ne trompent pas
Mais, au final, qu’est-ce qu’une bonne mozzarella di bufala? Elle est brillante, bien ferme, ce qui est un signe de fraîcheur, à tel point qu’elle «devrait presque rebondir si elle tombe par terre», plaisante Nicola Antonicelli. Lorsqu’on la découpe, du lait en sort et, «en la mangeant, on sent le goût du lait et du pâturage», précise encore le spécialiste.
Sébastien Sautebin
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.
LES CRITÈRES
Quatre fins palais
Pour cette dégustation, nous avons réuni un jury de trois spécialistes du goût: Nicola Antonicelli, maître fromager à la Casa Mozzarella de Genève, Fabien Pairon, maître d’enseignement sénior à l’Ecole hôtelière de Lausanne et Meilleur ouvrier de France 2011, Pierre Thomas, journaliste spécialiste en vins et en gastronomie. Auxquels s’est joint un consultant: le grand chef Carlo Crisci, du Restaurant Le Cerf à Cossonay (VD). Nous avons parcouru les rayons des grandes surfaces romandes et acheté les quinze mozzarellas di bufala trouvées, bénéficiant ou non d’une dénomination d’origine protégée (DOP) Mozzarella di Bufala Campana.
La dégustation a eu lieu à l’aveugle avec quatre critères pondérés d’appréciation – goût, odeur, texture, aspect – établis sur le conseil de nos experts.
Test ADN conforme
Nous avons aussi demandé à un laboratoire cantonal de vérifier si le lait utilisé correspond à celui déclaré sur l’emballage. Les analyses ADN n’ont détecté aucun problème à ce critère.