Roger apprécie le calme de son appartement, Marianne n’a jamais réussi à y passer une nuit sans être réveillée par le roulement du train passant non loin de là. Rien d’étonnant à cela: chaque individu a une perception très personnelle du bruit. Il existe cependant des repères incontournables: un son inférieur à 0 décibel A – abrégé dB(A) – n’est pas audible par l’oreille humaine, le seuil de la douleur est atteint à 120 dB(A) et il y a risque mortel au-delà de 200 dB(A). Les scientifiques estiment, quant à eux, que les réactions végétatives commencent dès 65 dB(A).
L’Ordonnance sur la protection contre le bruit (OPB) s’est fondée sur ces données pour fixer les valeurs limites d’exposition au bruit du trafic routier. Ainsi, dans une zone d’habitation où aucune entreprise gênante n’est autorisée, la valeur limite est
de 55 dB(A) – 45 dB(A) la nuit – et la valeur d’alarme de 65 dB(A) – 60 dB(A)la nuit.
Pourtant, treize ans après l’entrée en vigueur de cette ordonnance, un quart des Suisses est encore exposé à des émissions sonores supérieures aux valeurs limites. Un pourcentage confirmé par l’Office fédéral de la statistique, qui a calculé que les 65 dB(A) étaient dépassés sur plus de 3000 km de routes en zones d’habitation et les 70 dB(A) sur plus de 800 km! L’Association Transport et Environnement (ATE) est d’autant plus choquée par ces chiffres qu’il lui semble possible de rapidement diminuer les nuisances, comme elle l’explique dans une étude récente très bien documentée (*).
En fait, constate l’ATE, la lutte est surtout menée contre les conséquences (murs spéciaux, fenêtres insonorisées, etc.), pas contre les causes du bruit. Or, les nuisan-
ces sonores de la circulation routière proviennent surtout de la propulsion (moteur, boîte à vitesses, échappement...) et du roulement (frottement des pneus).
Côté propulsion, les producteurs d’automobiles ont fait de gros progrès. Ils y sont d’ailleurs contraints: l’Office fédéral des routes refuse en effet l’immatriculation d’une voiture de tourisme dépassant les 74 dB(A) dans les pires moments (accélération à plein gaz à partir de 50 km/h en 2e vitesse). Mais en telle circonstance, de nombreuses voitures affichent des valeurs bien inférieures, jusqu’à 69 dB(A). Or, rappelle l’ATE, comme l’intensité du son n’est pas linéaire, en réduisant le bruit de la circulation routière de 3 dB(A), on obtiendrait le même effet qu’en divisant cette même circulation par deux!
Frottement indésirable
Malheureusement, cet effort est réduit à néant, puisqu’en même temps les voitures deviennent de plus en plus lourdes et les pneus de plus en plus larges! Or, à partir de 50 km/h, le frottement des pneus d’une voiture de tourisme est plus bruyant que le moteur et l’échappement. Sur l’autoroute, c’est même presque exclusivement la seule source de nuisance sonore, à mettre bien sûr en relation avec le revêtement de la chaussée et le contact du vent sur la carrosserie.
Certes, les autorités recouvrent de plus en plus les autoroutes, mais parfois aussi certaines routes, de revêtements spéciaux. Les premières expériences ont toutefois montré que leur efficacité diminuait avec le temps, les larges pores nécessaires à l’absorption du bruit se remplissant peu à peu de saleté. Il faut donc parallèlement agir en amont, auprès de l’automobiliste.
Ne pas croire la pub
Le choix des pneus est très important. Des mesures ont clairement démontré que, pour un même véhicule, les modèles étroits sont moins bruyants que les larges, actuellement si cotés (et tant vantés par la publicité...). En faisant fi de la mode et en optant pour des pneus normaux, l’automobiliste contribue donc à réduire le bruit de la circulation routière. Mais il le fera encore plus s’il adopte une conduite circonstanciée (lire l’encadré).
Christian Chevrolet
(*) Bruit et circulation routière, à commander à l’ATE, Service documentation, CP, 3000 Berne 2.
conseils
Roulez feutré
Pour limiter le bruit émis par votre véhicule, mettez-vous à l’ecodrive, préconisé par l’ATE:
• Lancer le moteur sans donner de gaz.
• Passer presque aussitôt de la 1re à la 2e (après env. 5 m déjà).
• Accélérer brièvement avant de changer de vitesse et passer à la suivante à 2500 tours/min.
• Rouler systématiquement au rapport le plus élevé possible, même à la montée.
• Lorsque c’est possible, sauter des vitesses (par exemple, passer directement de la 2e à la 4e).
• Rouler en anticipant pour éviter les freinages inutiles.
• Rouler de façon aussi constante que possible.
• Ne pas rétrograder pour freiner. Passer la 1re à l’arrêt seulement.
• Arrêter le moteur même lors d’attentes brèves.