«Lorsqu’un client me de-mande si une moquette d’une certaine couleur irait bien dans sa maison, je réponds que c’est une question de goût.» Jacques (1), la quarantaine, patron d’une entreprise de pose de revêtements de sols, est daltonien: «Je n’ai pas souvenir de difficultés particulières dues à mon daltonisme, ni quand j’étais enfant, ni en apprentissage de carreleur. Excepté lorsque je jouais au foot: mon équipe portait des maillots rouges. Et lorsque l’équipe adverse était en vert, je devais me concentrer pour ne pas leur passer le ballon.»
Trois formes d’anomalies
Mais être daltonien ne se réduit pas à confondre le rouge et le vert, comme le rappelle le Dr Auguste Chiou, ophtalmologue à Lausanne: «Normalement, l’œil perçoit trois couleurs: le bleu, le rouge et le vert qui, combinées, forment un certain nombre de teintes.» Le cerveau élabore l’impression colorée à travers les intensités respectives de ces trois couleurs, transmises par des cellules de la rétine: les cônes bleus, rouges et verts. Ainsi, une personne à vision normale est dite trichromate normale.
Il existe trois anomalies de la vision colorée:
1. La dichromatie: un cône sur les trois manque. Le dichromate ne voit les couleurs qu’à l’aide des deux autres. Si:
- le vert manque, il est deutéranope (le plus fréquent);
- le rouge manque, il est protanope;
- le bleu manque (extrêmement rare), il est tritanope.
2. La trichromatie anormale: plus rare. Le trichromate anormal perçoit les trois couleurs, mais l’une d’entre elles avec une intensité anormale:
- manque de perception du rouge (protanomal);
- faible perception du vert (deutéranomal);
- faible perception du bleu (tritanomal).
3. Monochromatie: plus rare encore (1/40 000 personnes), le monochromate ne distingue que du noir, du blanc et des nuances de gris.
Pas une maladie
Le daltonisme est une anomalie génétique héréditaire qui ne peut être prévenue à ce jour. Mais c’est rarement un handicap, car les daltoniens ont leur propre système de références de couleurs, remplaçant les nuances absentes par différents gris.
Ainsi, Jacques ne s’est aperçu de son daltonisme qu’à l’âge de 18 ans, au moment de l’examen de vue pour obtenir son permis de conduire: «Je n’ai vu qu’un chiffre sur plus de dix, lors du test d’Ishihara» (réd.: test de distinction de chiffres ou de dessins formés de points de couleur sur un fond en d’autres couleurs).
De nos jours, son daltonisme aurait été dépisté plus tôt, car désormais, dans les cantons romands, la vision des couleurs est contrôlée dès la petite enfance, à l’école enfantine ou primaire.
Métiers au cas par cas
En Suisse, contrairement à la France (lire l’encadré), il n’existe pas de liste des métiers interdits aux daltoniens. Toutefois, un daltonien ne peut pas exercer un métier lié à la sécurité (pilote d’avions et de bateaux, électricien, etc.). En cas de doute, comme l’indique la SUVA (caisse nationale en cas d’accidents), une personne daltonienne peut demander à un médecin du travail (p.ex. à la SUVA) d’évaluer s’il peut exercer un métier en particulier.
D’ailleurs, si de prime abord certaines professions semblent d’accès moins aisé, l’exemple de Jacques démontre que rien n’est impossible. Tout comme les témoignages d’artistes peintres et d’autres auteurs de bandes dessinées daltoniens sur le forum du site spécialisé www.daltonisme.com, sur la question.
Ellen Weigand
(1) Prénom d’emprunt
Certains métiers sont interdits
Contrairement à la Suisse, la France a établi une liste des métiers interdits aux personnes daltoniennes. Celle-ci donne une indication sur les métiers qui peuvent être plus difficiles d’accès:
Sécurité publique
- Policiers, gendarmes, douaniers, pompiers.
Transports
- Armée: pilotes, conducteurs, mécaniciens.
- Aviation civile: pilotes, mécaniciens, contrôleurs aériens.
- Chemin de fer: conducteurs, mécaniciens.
- Marine marchande: marins, officiers.
- Transports en commun: autobus, métro, etc.
Autres professions
- Electriciens, électroniciens, pharmaciens, métiers du textile et de l’imprimerie, de la peinture et de la photographie, métiers de la lumière, théâtre, cinéma et télévision, métiers du tri dans l’alimentation.