Un caméscope en location, c’est le beurre et l’argent du beurre. Du moins s’il y a cession de propriété à la clé après un certain nombre de mensualités. C’est ce que s’est dit Zoran Milo en novembre 1997, lorsqu’il a loué un caméscope JVC de plus de 4000 fr. chez la filiale biennoise de Radio TV Steiner. Selon le vendeur, moyennant un supplément de 10% sur la valeur à neuf, M. Milo pourra en devenir le propriétaire.
50 mensualités
Mais trois ans plus tard, lorsque l’épouse de M. Milo se renseigne auprès de Radio TV Steiner, on lui explique que la cession de propriété n’intervient qu’après 50 mensualités. Or, ni le contrat ni les conditions générales n’évoquent une durée limite ou un éventuel rachat. A force d’insister, Séverine Milo obtient une réponse: elle peut racheter le caméscope pour 1400 fr.; à défaut, le contrat sera «bouclé» après 50 mensualités – sans que Radio TV Steiner ne précise ce qu’il entend par là.
Solutions fantômes
«Comme il est fréquent que des clients désirent résilier un contrat de location avant ou après un délai de 12 mois, nous leur offrons des solutions ad hoc, explique Guido Martin, chef de vente à Radio TV Steiner. Mais ces solutions doivent s’adapter à un commerce en rapide évolution, et ne sont donc énoncées ni dans le contrat ni dans les conditions générales. En revanche, elles sont détaillées dans une brochure remise aux clients.»
Cette brochure ne dit pourtant rien sur une limite supérieure à la validité du contrat. En revanche, elle contient d’autres précisions: par exemple, le preneur dispose de 30 jours après la livraison pour décider s’il préfère louer ou acheter l’objet; et s’il décide d’acheter l’objet dans les 12 premiers mois, les mensualités versées sont déduites du prix de vente.
Caméscope surpayé
Ce qui n’est pas le cas des Milo: leur caméscope leur a déjà coûté 6150 fr. «Nous avons payé plus que sa valeur à neuf!» argumente Mme Milo. Elle souhaite donc le racheter aux conditions conclues oralement durant la «vente», ou obtenir le remboursement de ses mensualités contre reprise de l’appareil. Impossible? Peut-être pas, si l’on considère, comme le fait le Tribunal fédéral, qu’un prétendu contrat de location est en réalité un contrat de location-vente si les deux parties considèrent que l’objet loué pourra être racheté par le locataire. Ce qui semble bien être le cas en l’espèce (voir encadré).
Juridiquement soutenable, cette argumentation risque d’être difficile à faire valoir en pratique. Ce ne sera heureusement pas nécessaire: suite à l’intervention de Bon à Savoir, Radio TV Steiner a fait une nouvelle proposition – dont Guido Martin souligne le caractère exceptionnel – aux Milo. Ceux-ci ont pu racheter leur caméscope pour 150 fr. «Ça ne se refuse pas», conclut Séverine Milo.
Blaise Guignard
un contrat peu clair
Location ou location-vente?
A suivre le TF, le contrat signé par M. Milo semble être une location-vente: le vendeur a évoqué le rachat lors de la signature du contrat, et Radio TV Steiner a fait des propositions en ce sens.
Pour être valable, ce contrat doit cependant respecter les conditions légales de la vente par acomptes, énoncées à l’article 226a du Code des obligations: un délai de réflexion de 5 jours après la conclusion du contrat durant lequel le preneur peut résilier ce dernier sans condition; une durée minimum de cinq mois et une durée maximum de deux ans, un premier versement couvrant 30% du prix de vente et un minimum de quatre acomptes, y compris le premier.
Contrat nul
Si ces conditions ne sont
pas réalisées, le contrat est nul. Une piste possible pour
M. et Mme Milo, même s’il ne serait sans doute pas aisé de le faire admettre en procédure — et sans doute la raison pour laquelle la possibilité de rachat ne figure nulle part dans le contrat et les CG de Radio TV Steiner.
Mais il faut le dire: faire figurer ces conditions dans un contrat de location ôterait tout intérêt à ce dernier. Or, pour une durée moyenne comme le contrat de Radio TV Steiner en offre la possibilité, la location n’est pas dénuée d’avantages pour le preneur.