Fin 2001, l’opérateur téléphonique Econophone, soupçonné dans nos colonnes de bidonner des contrats de présélection n’était pas parvenu à se disculper d’une façon crédible (BàS 10/2001). Hasard? L’an 2002 nous a aussi amené des lettres de lecteurs indignés par la désinvolture commerciale de la société de démarchage mandatée par cet opérateur.
Ainsi, en octobre, Yolande Roulet a-t-elle eu la mauvaise surprise de recevoir une facture d’Econophone pour le mois de septembre. «Je n’ai pourtant jamais eu de contact, par téléphone ou en direct, avec un de leurs représentants», précise notre abonnée de Lausanne. Deux coups de fil à Econophone restent sans effet, et Yolande Roulet reçoit bientôt de Swisscom une lettre au titre de circonstance: «Vous nous avez quitté.»
«Mais pas du tout! s’insurge cette énergique septuagénaire. Je suis veuve d’un employé des PTT et bénéficie à ce titre d’un abonnement gratuit à vie chez Swisscom. Pourquoi irais-je payer ailleurs?» Mme Roulet demande donc par lettre-signature à Econophone une copie du prétendu contrat. Pas de réponse. En revanche, sa demande de rétablissement de son contrat auprès de Swisscom ne pose pas de difficulté. L’opérateur remboursera d’ailleurs les taxes d’abonnement des deux mois durant lesquels Yolande Roulet a été, malgré elle, liée à Econophone.
Florilège
En 2002, plusieurs lecteurs nous ont écrit pour se plaindre des méthodes de Com’Plus, la société mandatée par Econophone pour recruter de nouveaux abonnés. Entre autres:
• Un démarcheur se présente au domicile d’une personne, laisse entendre qu’il travaille pour Swisscom et offre un tarif préférentiel. La personne démarchée signe en fait un contrat d’abonnement à Econophone.
• Sur la voie publique, un démarcheur demande à un autre lecteur ses coordonnées afin de lui envoyer ultérieurement de la documentation. Les coordonnées sont en réalité apposées sur un contrat que l’employé n’a plus qu’à parapher d’une griffe... fantaisiste.
• Le démarcheur se présente au domicile d’un client potentiel en son absence, établit à son nom un contrat à Econophone et le fait signer à un tiers présent – de préférence un parent âgé ou très jeune (une personne handicapée ou malvoyante fait aussi l’affaire).
Une fois encore, Com’Plus, dans une lettre signée par l’administrateur Jürg Lenz et le directeur commercial Alexandre Adjiman, conteste totalement avoir de telles méthodes. Les signatures imitées? «Ni vous ni personne d’autre n’avez jamais rien démontré à ce sujet.» Les contrats donnés à signer à des tiers? «Lorsqu’une personne se déclare être suffisamment proche du titulaire, il nous paraît injustifié de lui refuser l’accès aux très bons tarifs d’Econophone.» Le forcing sur les personnes âgées ou handicapées? «Elles ne nous paraissent pas devoir être exclues du bénéfice de l’ouverture des tarifs téléphoniques à la concurrence.»
Méthodes discutables
Une philanthropie connue même de Swisscom, qui, dans le courrier adressé à Mme Roulet, mentionne les «méthodes discutables» de certains de ses concurrents, sans les citer. Christian Neuhaus, la voix de l’opérateur, précise tout de même qu’il s’agit de sociétés «recourant à des sociétés mandataires payées au nombre de contrats» pour recruter leur clientèle.
«C’est dur d’être concurrent de Swisscom... commente pudiquement Bernhard Bürki à l’OFCOM. Il est clair que les fournisseurs de services téléphoniques pratiquent un marketing très agressif.» Il rappelle qu’il ne peut intervenir dans ce genre de cas, relevant du droit privé: «Nous conseillons de demander le rétablissement de la présélection à l’ancien opérateur, puis d’exiger du nouveau une preuve du contrat. S’il ne s’exécute pas, on peut demander à l’OFCOM de prendre des mesures de surveillance à son encontre. Dans tous les cas, le consommateur doit agir.» Car c’est bien sur son inaction que tablent les opérateurs indélicats.
Blaise Guignard
publicité mensongère
Bon à Savoir porte plainte
Parmi les documents utilisés par Com’Plus dans ses démarchages, un certificat de garantie fait directement référence à notre magazine. Com’Plus y déclare avoir choisi Econophone «pour ses tarifs exceptionnels et ses services classés premiers devant tous ses concurrents par Bon à Savoir No 3».
En fait, il faut remonter à mars 2000 pour retrouver ce classement. Et ce ne sont pas les services d’Econophone que nous avions alors comparés, mais uniquement l’information donnée via les numéros gratuits mis à disposition des clients. Enfin, Econophone n’était pas classé premier, mais à égalité parfaite avec un autre opérateur.
A trois reprises déjà, notre rédaction a prié la société Com’Plus de ne plus utiliser nos articles dans le cadre de ses démarchages commerciaux. En vain: à la fin de l’année dernière, un lecteur nous faisait parvenir le certificat de garantie, avec les mêmes mentions et références lacunaires.
En date du 13 décembre 2002, notre rédacteur en chef a donc porté plainte pour publicité mensongère devant la Commission suisse pour la loyauté. Nous vous informerons des suites qui y seront données, mais tenons d’ores et déjà à souligner que notre magazine n’a établi aucune comparaison suffisamment récente autorisant Econophone à se proclamer supérieur à la concurrence.