En demandant que désormais les dentistes affichent leurs prix dans leur salle d’attente, le Préposé fédéral à la surveillance des prix et la Commission fédérale de la consommation (CFC) ont jeté un pavé dans la mare. Impossible, a immédiatement répondu la Société suisse d’odonto-stomatologie (SSO), qui regroupe 90% des praticiens, car cela ne correspondrait à rien. Et elle n’a pas tout tort...
Un calcul fondé sur deux variables
Aucun système de facturation n’est en effet plus opaque, même pas celui des médecins! Pour calculer ses honoraires, un dentiste travaille sur deux variables:
• Pour chaque prestation, il fixe un nombre de points, en fonction d’une fourchette fixée par la SSO. Pour l’élimination d’une dent de lait incluse, par exemple, il peut aller de 22 à 30 points, selon la difficulté du travail, le désir des patients, etc.
• Mais le praticien fixe aussi la valeur de ces points, qui varie également en fonction de l’emplacement du cabinet, de l’équipement, du personnel, etc. La SSO ne fixe pas de limite inférieure, mais limite les frais à 4,95 fr. le point. Si l’on se rapporte à deux enquêtes menées par Kassensturz (l’équivalent alémanique d’A Bon Entendeur) et la Fédération romande des consommateurs, cette valeur varie entre 2,80 fr. et 4,70 fr., avec une moyenne nationale de 3,43 fr.
Du coup, l’extraction de cette même dent de lait reviendra:
• au mieux à 67,20 fr. (24 points x 2,80 fr.);
• en moyenne à 89,20 fr. (26 points x 3,43 fr.);
• au pire à 141 fr. (30 points x 4,80 fr.).
Une exception
Mais pour tout compliquer, il existe une exception au système des variables. Pour les prestations remboursées par les assurances accident et militaire, le nombre de points pour chaque prestation est en effet strictement fixé dans le catalogue de la SSO et la valeur du point arrêtée à 3,10 fr. Dès lors, pour reprendre l’exemple de notre dent de lait, n’importe quel dentiste suisse devra se contenter de 26 points et facturera donc 80,60 fr. à l’assurance.
On le voit: les prix peuvent varier du simple au double, et il est impossible de comparer quoi que ce soit sans connaître au moins les deux variables de chaque prestation. Or, la Surveillance des prix demande aux dentistes d’afficher la seule valeur du point, ce qui est totalement insuffisant. «Pas d’accord, réplique Manuel Jung, le responsable du secteur santé de la Surveillance des prix. Car notre expérience nous prouve que la majorité des praticiens s’en tiennent au nombre de points fixés pour l’assurance accidents. La valeur en francs est donc une bonne référence.»
Un avis que ne partage pas la SSO, qui estime même que cet affichage pourrait être trompeur. Exemple à l’appui: une dent cassée peut être réparée au moyen d’une obturation, partiellement remplacée par une couronne ou entièrement remplacée par un implant. La facture peut donc s’élever entre 200 et 6000 fr.
Or, le dentiste qui facture un point à 2,80 fr. proposera peut-être l’implant (la solution la plus onéreuse) et celui qui demande 4,70 fr. une obturation... Tout est donc une question de confiance. Et si celle-ci est mise en doute, il n’existe, toujours selon la SSO, qu’une solution: le devis.
Au vu de ce qui précède, c’est certainement vrai. Mais comme un devis est facturé en moyenne 200 fr., on voit mal le patient en demander plusieurs avant de se décider! Christian Chevrolet
Plus d’informations sur
www.bonasavoir.ch
travaux en laboratoire
La part des techniciens
Les tarifs des dentistes excluent les honoraires des techniciens, mais le patient l’ignore souvent. La majorité des praticiens englobent en effet ces frais dans leur facture sans le mentionner, ce que regrette John Bonvin, maître-technicien dentaire à Lausanne. Exemple: s’il s’en tient aux tarifs convenus entre la SSO et l’Association des laboratoires de prothèses dentaires (ALPDS), un technicien devrait vendre environ 440 fr. une couronne en céramique. Mais le dentiste facturera, par exemple, 1020 fr. le tout, sans préciser les parts dues à l’opération clinique (son travail) et au laboratoire.
John Bonvin ne trouve rien à redire sur le montant, en l’occurrence très correct, puisque le dentiste n’a pas pris une marge supplémentaire. Comprenez qu’il a visiblement facturé son travail et simplement ajouté celui du laboratoire, alors qu’il aurait pu négocier la couronne à la baisse et la facturer ensuite au prix normal. Dès lors, le technicien lausannois estime qu’une facturation séparée, comme les laboratoires d’analyse le font avec les médecins, serait non seulement plus transparente, mais diminuerait aussi la pression économique souvent exercée sur les laboratoires. Il a transmis son opinion à la Commission fédérale de la consommation, qui nous a assuré que ses propositions seront discutées au sein de la commission chargée de préparer un projet sur l’indication des prix. A suivre.