Rien ne ressemble moins à un pinot noir qu’un autre pinot noir. Le terroir, l’état de la vigne, la vinification et le travail du vigneron sont autant de facteurs qui font de chaque vin un produit unique. Dès lors, confronter le prix de deux nectars a priori semblables, mais issus de producteurs distincts, ne fait pas sens dans un comparatif objectif.
C’est pourquoi notre enquête, menée en collaboration avec l’émission On en parle (RSR-La Première), s’est attelée à dénicher des crus strictement identiques chez plusieurs distributeurs. Comme les enseignes cherchent à se différencier en s’approvisionnant auprès de producteurs différents, la quête tient de la gageure. Quelques classiques échappent partiellement à la règle, à l’instar des cinq vins retenus (voir tableau): le chasselas vaudois Clos des Moines 2010, la Dôle des Monts 2010 du Valais, l’Œil-de-Perdrix neuchâtelois du Château d’Auvernier 2010 ainsi que deux Bordeaux 2008: le Château Chasse-Spleen et le Château Giscours.
Migraine assurée
Pour cadrer notre comparatif, nous avons prospecté sur l’ensemble du canton de Vaud en tapant «commerces de vin» sur l’annuaire en ligne «Les pages jaunes». Les 259 adresses obtenues ont de quoi donner la migraine aux consommateurs avant même de passer à la dégustation. C’est que, sous le terme «commerces de vin», l’annuaire recense aussi bien des boutiques, des grands magasins que des vignerons.
Au terme de nos investigations, 21 commerces du canton disposaient de l’un des cinq vins sélectionnés au moins. Parmi eux, des enseignes au vaste assortiment et de modestes échoppes, au choix plus restreint. Raison pour laquelle, notre tableau distingue les grands commerces (assortiment de 200 vins au moins) des plus petits (moins de 200 vins). Egalement passées au crible, les grandes surfaces ont été regroupées dans une catégorie à part.
Fossés importants
Nos relevés trahissent des différences de prix stupéfiantes. L’écart le moins marqué (33,1%) a été relevé pour l’Œil-de-Perdrix du Château d’Auvernier 2010 qui se négocie au mieux 15.70 fr. à la cave, au pire 20.90 fr. dans un petit commerce. La variation la plus abyssale (72,4%) concerne le Château Chasse-Spleen 2008 qui est affiché 31.32 fr. chez Gazzar, à Ecublens, pour culminer à 54 fr. dans une minuscule enseigne. Ces différences peuvent néanmoins varier, sachant que les crus ne sont parfois disponibles qu’en carton ou en caisse de six, voire de douze bouteilles.
Fatalement, les négoces de taille modeste ne peuvent pas dégager des marges aussi confortables avec des volumes restreints. Leurs atouts? Un conseil personnalisé et un assortiment souvent plus exclusif. Pour autant, certains savent se montrer compétitifs, comme le révèle la large fourchette de prix cons tatée.
Quoi qu’il en soit, les disparités ne sont pas l’apanage des commerces indépendants. La preuve par Globus qui monnaie le Clos des Moines 2010 plus cher que tous, avec une différence de 24% par rapport à Coop. Sans compter le Château Giscours 2008 qui est jusqu’à 44,3% plus onéreux qu’ailleurs. «Notre offre vaut cependant son prix, car elle va de pair avec de nombreux avantages: outre la qualité, nous proposons notamment un large choix, un conseil et une ambiance inspiratoire», se défend Jürg Welti, porte-parole de Globus.
Yves-Noël Grin
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.
DÉCRYTAGE
Ce que raconte l’étiquette d’un vin
Les mentions obligatoires
Le nom: la législation suisse veut que le nom ou la raison sociale ainsi que l’adresse du producteur, de l’encaveur, du négociant, de l’importateur, de l’embouteilleur ou du vendeur soient indiqués.
Le volume: la contenance des flacons est variable (37,5 cl, 50 cl, 75 cl, etc.). Elle doit figurer sur l’étiquette. Si la plus classique a un volume de 75 cl, les producteurs vaudois utilisent encore fréquemment des bouteilles de 70 cl qui puisent leurs origines dans l’ancien pot vaudois de 140 cl.
La teneur en alcool: exprimée en pourcentage du volume, elle doit être spécifiée avec une marge de tolérance de plus ou moins 0,5%. Selon l’ordonnance fédérale sur les boissons alcoolisées, un vin doit contenir au moins 7% d’alcool.
La dénomination spécifique: la législation en reconnaît trois types: les vins avec appellation d’origine contrôlée (AOC), les vins avec indication de provenance – appelés «vin de table» ou «vin de pays» – et les produits sans AOC ni indication de provenance. Les vins étrangers doivent, pour leur part, répondre aux exigences de leur pays en matière d’appellation et de dénomination.
Sulfites: le soufre est couramment employé, soit comme traitement contre des maladies comme l’oïdium, soit comme stabilisateur lors de la vinification. Il n’est d’ailleurs pas interdit dans la culture des vins biologiques. Dans certains pays comme la France, les vignerons sont obligés d’indiquer la présence de soufre dans le vin par «contient des sulfites». En Suisse, la mention est imposée aux vins présentant une concentration supérieure à 10 mg de dioxyde de soufre par kilogramme ou par litre.
Les mentions facultatives
Millésime: il correspond à l’année de la récolte. Reflet des conditions climatiques, le millésime donne de précieuses indications sur les caractéristiques d’un vin, même s’il n’en détermine pas, à lui seul, sa qualité. Il occupe une importance toute particulière lorsqu’il s’agit d’évaluer l’aptitude au vieillissement d’un vin de garde. Il reste néanmoins propre à chaque région et à chaque cépage. Le millésime 2000, par exemple, est considéré comme exceptionnel pour les bordeaux rouges, alors qu’il est très moyen pour les bordeaux blancs (sauternes, etc.) et les bourgognes rouges.
Cépage(s): il s’agit de la variété de raisins. Les chercheurs du pôle national de recherche Survie des plantes ont dénombré 103 cépages de vigne à vin (vitis vinifera) en Suisse. Le chasselas, le pinot, le gamay et le merlot se taillent près de 80% des 15 000 hectares cultivés. En Valais, certains cépages ont donné leur nom à des appellations spécifiques comme le chasselas (appelé fendant), le sylvaner (johannisberg), le pinot gris (malvoisie) ou la marsanne (ermitage). L’indication du nom du ou des cépages sur les étiquettes est autorisée par la loi suisse, à condition que le vin en soit composé d’au moins 85%. Ils doivent en outre être mentionnés dans l’ordre décroissant de leur importance pondérale.
Classement: depuis quelques années, les producteurs suisses se sont inspirés de leurs voisins – français notamment – pour distinguer certains vins en «Grand Cru» ou «Premier Grand Cru». Ces mentions misent sur la qualité, en édictant un cahier des charges plus strict avec, par exemple, des rendements plus faibles et des teneurs naturelles en sucre plus élevées. Mais, comme chaque canton édicte ses propres règles, ces désignations ont des valeurs diverses.