C’est sûr: à l’heure de la libéralisation à tout va, les ramoneurs sont bien chanceux. Alors que les entreprises doivent faire preuve de plus en plus d’imagination pour gagner de nouveaux marchés, l’homme en noir continue de jouir d’un monopole absolu. Avec pour avantage premier de ne pas avoir à séduire le client.
Dans la zone de concession qui lui est attribuée par l’Etat, le maître-ramoneur règne en grand seigneur: c’est lui qui impose au client sa date et son heure de passage. Malgré les délais d’avisage relativement courts (de 24 à 48 heures selon les cantons), le locataire ou propriétaire est légalement obligé de lui ouvrir sa porte. Il est aussi tenu d’accepter les travaux préconisés, ainsi que leur prix, puisque les tarifs sont fixés par des règlements cantonaux.
Ce système, farouchement défendu par la corporation des ramoneurs, tend à prévenir les incendies et à protéger l’environnement des émanations toxiques dégagées par les conduits encrassés. Chaque maître ramoneur tient à jour un fichier des visites effectuées dans sa circonscription. Il doit s’assurer que les nettoyages sont bien réalisés aux cadences imposées par les dispositions cantonales.
Clients irrités
Mais comme tout monopole, ce système n’est guère confortable pour le consommateur. Se voir imposer des interventions, ne pas pouvoir changer de professionnel en cas de mésentente, et surtout n’avoir aucune emprise sur le montant des factures, voilà qui a de quoi irriter! Nombreux sont ceux qui crient au scandale de ne pouvoir faire appel, par exemple, au ramoneur du canton voisin, sachant que les tarifs varient fortement d’une frontière à l’autre (voir tableau).
Ouvrir le marché
Il n’est pas certain pourtant qu’une ouverture du marché conduirait à une baisse des prix. Les expériences menées dans les cantons de Zoug, Schwytz, Glaris et Bâle-Ville montrent même une tendance contraire.
En 1997, la Commission de la concurrence a ouvert une enquête pour déterminer si le monopole des hommes en noir constituait une entrave illicite à la libre concurrence. Elle a clos le dossier, après avoir constaté qu’une libéralisation serait défavorable au consommateur.
L’étude a montré qu’à Bâle-Ville, l’ouverture du marché avait engendré une hausse des prix de 40 à 80%. Le canton de Fribourg est parvenu aux mêmes conclusions deux ans plus tard. Une telle augmentation s’était également ressentie dans le canton de Zoug.
«C’est logique, commente Eric Cochard, président de l’Association genevoise des maîtres-ramoneurs. Le système basé sur le monopole permet de maintenir des prix bas, car il rationalise les déplacements. On travaille par quartier ou par village. Si on devait se déplacer aux quatre coins du pays, les frais de déplacement augmenteraient et se répercuteraient sur les tarifs. Dans les cantons libéralisés, les collègues doivent en plus supporter des frais de publicité.»
Mais alors, pourquoi de telles différences de tarifs entre les cantons soumis au monopole? «Comparer les prix est difficile, car chaque canton a son propre système de tarification, souligne Pierre Helfer, président de l’association faîtière fribourgeoise. A Fribourg, par exemple, nous facturons une taxe de base, ce que les Genevois ne font pas. Ainsi, nos prix sont plus élevés pour les petites interventions, mais après une heure de travail la tendance s’inverse.
»En plus, dans les régions rurales, les déplacements sont plus longs; il faut transporter et installer les outils dans chaque maison alors qu’en ville, on effectue ces opérations une fois par immeuble.»
Sophie Pieren
tarifs comparés
Des différences très surprenantes
Chauffage
central* 89,65 fr. 74,90 fr. 66,70 fr. 67,20 fr. 73,45 fr. 76.90 fr. 1
Cheminée 76,80 fr. 86,60 fr. 24,75 fr. 2 75,70 fr. 68,90 fr. 35,40 fr de 26,90 fr.
de salon à 35 fr. 3
Contact Préfet Préfet Inspection Assurance Commune, Service Municipalité,
en cas cantonale immobilière puis Service du feu puis ECA
de conten- du service du Jura cantonal de et de la
tieux du feu protection protection
civile civile
et du feu
* Installation typique d’une villa: chaudière de 22 kW, avec cheminée et 2 m de tuyau.
1 Seul le prix du ramonage de la cheminée et du tuyau est fixé par la loi (30,50 fr. dans ce cas de figure). La chaudière est entretenue à des prix libres.
2 Si nettoyée avec la chaudière. Autrement 32,80 fr.
3 Sans mesures de protection contre les salissures.