Rares sont les locataires qui n’ont jamais pesté contre les horaires imposés pour faire leur lessive dans la buanderie commune. En revanche, les systèmes de gestion (à carte, à monnaie, etc.), tout comme les prix pratiqués ne semblent pas faire autant de vagues. Et pourtant, d’aucuns se sont certainement demandé sur quelle base les gérances les fixent. Nous avons donc posé la question à huit grandes régies immobilières de Lausanne.
Une seule a bien voulu jouer le jeu, mais a ensuite refusé que son nom soit publié. Les autres n’ont simplement pas répondu ou nous ont redirigés vers les fabricants de machine, sous prétexte que ce serait eux qui établiraient les prix. Ni une ni deux, nous avons pris contact avec ces derniers. Autre son de cloche: ils nous affirment que les tarifs sont arrêtés par les gérances ou les propriétaires. De quoi faire tourner les locataires en bourriques!
Une vraie loterie
Le Service du logement et des gérances de la Ville de Lausanne, qui gère un parc immobilier de 4000 logements, a finalement bien voulu nous donner quelques explications. Pour fixer le prix d’utilisation d’une machine à laver ou d’un sèche-linge, il tient compte de plusieurs éléments: les coûts de l’énergie consommée par ces appareils (électricité), de l’eau, des réparations et l’amortissement de la machine ainsi que les frais inhérents au système de gestion de prépaiement desdites machines. Selon ce service: «Le but n’est pas de faire de l’argent, mais de rentrer dans nos frais.» Depuis mai 2013, il faut donc compter 1.60 fr. pour une heure de lave-linge et 1.20 fr. pour une heure de sèche-linge.
Toutes les gérances ne semblent cependant pas faire un tel calcul. La seule régie immobilière qui nous a répondu fixe, par exemple, un coût moyen en fonction du programme utilisé. Ainsi, une machine à 30°C, 40°C, 60°C et 95°C coûte respectivement 1.50 fr., 2 fr., 2.50 fr. et 3 fr. Et il faut compter 1.50 fr. par heure de séchage. Mais, comme le propriétaire a le dernier mot, le prix peut varier d’un immeuble à l’autre.
Un vrai casse-tête
Face au silence persistant des différentes régies, nous avons évalué le coût d’une lessive pour un programme standard coton à 60°C (voir tableau). Indicatifs, les montants mentionnés dans le tableau ci-dessous ne sont en effet pas représentatifs, car le coût d’amortissement et d’entretien, tout comme la consommation énergétique varient d’une machine à l’autre. Et, pour compliquer encore la tâche, le prix de l’eau et de l’électricité fluctuent d’une commune à l’autre.
Pour notre simulation, nous avons décortiqué la fiche technique d’une machine généralement installée dans les buanderies. Nous avons, ensuite, contacté les Services industriels de Lausanne (SiL) pour connaître le prix du kWh. Puis, grâce aux calculs du Service des eaux de la ville (eauservice), nous avons déterminé le prix moyen d’un litre d’eau. Finalement, nous avons réparti les frais d’entretien et ceux d’amortissement en fonction du type de machine et du nombre de logements dans l’immeuble et en comptant 130 lessives par an et logement (deux à trois lessives par semaine). Résultat: 1.70 fr. pour un immeuble six appartements.
Interpellé, Jacques-André Mayor, de l’Asloca Lausanne, reste perplexe: «Chaque gérance fixe ses tarifs selon son humeur et ses calculs. Personne n’a cependant contesté avec suffisamment de persévérance pour que cette question soit creusée. Le locataire se trouve, en effet, souvent démuni face à des prix excessifs.» Une des manières de les contourner reste d’installer sa propre machine, mais là, «certaines gérances empêchent encore de le faire, sous prétexte qu’il existe une machine commune», déplore Jacques-André Mayor.
Carole Despont