Les solariums en libre-service renseignent-ils parfaitement leurs clients sur les dangers qu’ils encourent? A l’issue de notre enquête, notre réponse est clairement négative! Aucun des 24 établissements que nous avons visités ne donne une information préventive complète (voir tableau). Et pourtant, les lits de bronzage ne sont pas anodins. Depuis plusieurs années, de nombreux organismes, dont l’OMS, tirent la sonnette d’alarme.
Mises en garde méconnues
Selon la Ligue suisse contre le cancer, le solarium entraîne «une surexposition de la peau aux rayons ultraviolets (UV), ce qui augmente le risque de cancer de la peau et active son vieillissement précoce». Un avertissement à ne pas prendre à la légère quand on sait que le nombre de mélanomes cutanés a doublé, ces vingt dernières années en Suisse! Le monde politique commence d’ailleurs à s’en préoccuper. Depuis le 1er janvier, le Jura interdit l’accès des solariums aux mineurs et exige que les prestataires «fournissent tous les renseignements nécessaires concernant les risques liés à ces appareils et leur utilisation adéquate».
La Confédération ainsi que quelques cantons – dont Vaud – mènent aussi une réflexion sur le sujet. Une situation plutôt paradoxale, vu qu’il existe déjà une norme, celle EN 60335-2-27, calquée sur l’UE, qui fixe toute une série de mises en garde devant être communiquées aux usagers. Gros problème: de l’aveu même de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), elle est totalement méconnue et personne n’en vérifie le respect!
En partenariat avec l’émission On en parle (RTS-La Première), Bon à Savoir a donc voulu voir si, dans les faits, les clients sont bien informés. Nous avons demandé conseil à l’OFSP pour établir une liste de critères d’évaluation, basés principalement sur cette norme EN 60335-2-27 (lire encadré).
Vingt-quatre solariums visités
Nous avons décidé de nous intéresser plus particulièrement aux établissements en libre-service. En effet, il existe un peu partout, en Suisse romande, des locaux, sans aucun personnel, où le quidam peut s’enfermer dans une cabine pour bronzer aussi longtemps qu’il le souhaite au tarif moyen d’environ 1 fr. la minute. Nous avons aussi visité plusieurs solariums situés dans des instituts de beauté et des fitness, mais accessibles en libre-service, sans carte de membre. L’objectif était d’analyser l’information fournie par écrit dans la cabine et aux alentours immédiats, comme la découvrirait un client lambda. En tout, nos enquêteurs se sont rendus dans 24 solariums situés dans le canton de Vaud.
Des lacunes criantes
Outre tout ce qui concernait la prévention, nous avons aussi jeté un œil à l’hygiène globale des lieux sans toutefois leur attribuer de note. Il n’y a d’ailleurs rien à redire sur ce point, les lieux sont généralement propres et équipés de sprays de désinfection. Les cabines se ferment aussi à clé et il y a des caméras dans le local principal, ce qui est une sécurité bienvenue, à défaut d’être optimale.
Concernant l’état de fonctionnement des appareils, l’objectif était de vérifier notamment si les filtres des lampes à haute pression ne présentaient pas de fissure, car cela entraîne des expositions trop importantes. Aucun problème n’a été constaté à ce sujet.
En revanche, de gros progrès sont possibles quant à l’information. Principal constat, le danger le plus grave, le cancer de la peau, n’était pas, à une exception près, mentionné en tant que tel. Le vieillissement précoce de la peau, certes moins grave, n’était pas signalé non plus comme risque potentiel.
Pour les autres critères, l’information variait d’un établissement à l’autre, mais ne répondait jamais totalement à notre liste. Parmi les conseils les mieux véhiculés: celui, fondamental, de porter des lunettes de protection ainsi que celui de demander l’avis d’un médecin lorsqu’on prend des médicaments ou encore celui de se démaquiller avant de faire bronzette. En revanche, il était, par exemple, rarement mentionné de ne pas s’exposer au soleil et au solarium le même jour.
Nous avons aussi été stupéfaits de lire quelques publicités, dont l’une qui affirme que «soleil et solarium» «soutiennent la santé», «ren dent fort», «rendent heureux» et «peu vent prévenir le cancer». Dans les cantons de Zurich et d’Argovie, des établissements ont dû enlever une affiche de ce genre après une action en justice, relève l’OFSP.
Si l’information est loin d’être complète, et même parfois inquiétante, nos enquêteurs ont encore relevé un autre problème: sa mise à disposition. Elle figure certes souvent dans la cabine, mais il arrive aussi qu’elle manque dans l’une d’entre elles, qu’elle soit en allemand ou encore qu’elle se trouve derrière un coin de mur, une porte ou disséminée dans plusieurs endroits et sur plusieurs supports: affiches, brochures, feuilles volantes. Il n’est pas sûr dès lors que les utilisateurs fassent l’effort de tout lire. Leur santé, pourtant, en dépend…
Les réactions des solariums
Ces établissements ont réagi diversement à notre enquête. Quelques-uns ont contesté nos relevés. Une gérante, qui souhaite conserver l’anonymat, nous a affirmé que le solarium est «super bon contre l’ostéoporose et le rachitisme».
Administrateur du Fitness Form 24, à Aigle, Gérard Emeri remarque que l’information fournie dans son centre est celle que lui a remise le fournisseur de l’appareil. Il souligne également qu’il ne connaissait pas la documentation informative publiée par l’OFSP et estime que ledit office pourrait mener une politique plus active auprès des centres. Mais il a néanmoins décidé de réagir. Ce dossier «Solarium, rayonnements et santé» de l’OFSP est dorénavant disponible sur le site web du fitness et a été distribué au personnel ainsi que placé dans la cabine. Gageons que cette initiative en inspirera d’autres…
Sébastien Sautebin
Pour télécharger le tableau comparatif, se référer à l'encadré au-dessous de la photo.
DANS LE DÉTAIL
Une grille de 26 critères
Pour évaluer les informations des solariums, nous avons demandé à l’OFSP quelles sont les recommandations essentielles qui devraient être fournies aux clients. La présence d’un conseil donnait un point; son absence, zéro point. Sur cette base, nous avons établi une liste de 26 critères, divisée en cinq catégories.
> Contre-indications: les situations où il est fortement déconseillé d’utiliser un lit de bronzage, par exemple lorsqu’on a systématiquement un érythème en s’exposant au soleil.
> Conseils d’utilisation: par exemple, enlever ses produits de maquillage ou demander un avis médical en cas de réaction allergique.
> Auxiliaires de protection: soit l’avertissement de porter des lunettes de protection et la mise à disposition de ces dernières.
> Etat de l’appareil: quatre critères dont la présence de fissures ou de dommages et l’avertissement que, dans ce cas, l’appareil ne doit pas être utilisé.
> Information sur les risques globaux: mises en garde en termes clairs des plus gros dangers potentiels: cancer, vieillissement précoce de la peau et lésions oculaires, faute de lunettes adéquates.
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