Chassez le naturel, et il revient au galop... La phytothérapie (le traitement des maladies par les plantes) est en train d’acquérir ses lettres de noblesse. Et cela cent ans après que des chercheurs aient réussi à isoler les premières substances de plantes pour en fabriquer des médicaments synthétiques. Exemple le plus célèbre: l’aspirine, tirée de l’écorce de saule.
Puis, cette science traditionnelle a progressivement été mise à l’écart, pour cause d’inefficacité. Tout au plus lui accordait-on un effet placebo. Mais depuis peu, la résistance des autorités de la santé publique, dominée par la médecine classique, commence à s’effriter. Les signes de cette évolution:
• Après plus de 20 ans, la firme Padma SA de Zollikon (ZH) a enfin réussi à obtenir le remboursement, depuis le 15 mars 1998, de son Padma 28, à base d’herbes tibétaines (voir tableau), par l’assurance maladie de base, pour autant qu’il soit prescrit par un médecin.
• Après 30 ans, l’Iscador, préparation de gui issue de la médecine anthroposophique et efficace dans le traitement contre le cancer, est aussi remboursé.
• L’extrait de millepertuis, remède le plus vendu contre les dépressions en Allemagne, est également remboursé depuis peu.
«Enfin les extraits de plantes sont des médicaments à part entière», se réjouit Monika Mennet de l’association médicale pour la phytothérapie. Beaucoup de patients pourront donc désormais se soigner comme ils le désirent: par des remèdes naturels, quasi sans effets secondaires et souvent nettement moins chers.
Le nombre de ces remèdes naturels couverts par l’assurance maladie de base va d’ailleurs aller croissant. L’OICM (Office intercantonal de contrôle des médicaments) qui juge quelles préparations sont «efficaces, adéquates et économiques» et donc à rembourser par les caisses, compte désormais un groupe pour les médecines complémentaires. Auparavant il ne comptait que des représentants de la médecine classique, guère compréhensifs à l’égard de la phytothérapie et exigeant des preuves tangibles, scientifiques. Or, «c’est aberrant de poser les mêmes jalons pour les médicaments naturels que pour les médicaments chimiques agressifs qui ont souvent des effets secondaires», explique Herbert Holliger de l’association pour une médecine élargie anthroposophiquement.
«Une plante est composée de centaines de substances actives», rappelle le médecin et phytothérapeute zurichois, Valerio Rosinus. Il est souvent impossible d’expliquer scientifiquement quelles substances agissent et comment.» Et il n’est pas toujours possible d’en faire une étude en double-aveugle (un groupe reçoit le médicament, l’autre un placebo), car la plupart des remèdes naturels ont un goût caractéristique.
Les médicaments naturels les plus facilement reconnus par les autorités sont ceux dont l’efficacité, et pas seulement en cas de troubles légers, a été démontrée par des études récentes. On en compte déjà un certain nombre, dont quelques-uns sont même supérieurs aux dernières nouveautés de l’industrie pharmaceutique. Exemple: le professeur allemand d’urologie, Dieter Bach, a comparé trois études à long terme et découvert que l’extrait de fruits de Sabal (palmier) réduit nettement plus une hypertrophie bénigne de la prostate que les deux médicaments synthétiques existants contre ce problème; et avec bien moins d’effets secondaires.
Toutefois, les remèdes phytothérapeutiques ont encore quelques obstacles à vaincre: d’une part le coût des études d’efficacité avoisine vite le million de francs, quasi inabordable pour les petits fabricants; d’autre part les médicaments de la liste des spécialités sont interdits de publicité. Mais les médecins sont le principal obstacle. Beaucoup ignorent tout de la phytothérapie, qui n’est pas une discipline obligatoire des études de médecine. La Société médicale suisse pour la phytothérapie s’efforce actuellement de les motiver à suivre des cours. Et «l’intérêt croît», estime Valerio Rosinus, constatant que tous les cours sont
bien fréquentés.
Enfin, ce sont aussi les patients qui peuvent motiver leur médecin à utiliser la phytothérapie en leur réclamant des remèdes naturels, dans la mesure où ils existent, au lieu de médicaments chimiques.