Qui voudrait d’une pomme véreuse? L’élimination des parasites va de pair avec les cultures et le mot «pesticide», qui signifie «tuer les nuisibles», résume bien ce combat. Mais, alors qu’on se débrouillait autrefois avec des traitements naturels, 2000 tonnes de pesticides de synthèse sont déversées annuellement dans les champs helvétiques.
1. Herbes, insectes, champignons
Chaque famille de pesticides a sa mission. Les herbicides sont les plus utilisés. Le plus connu, le glyphosate, se retrouve notamment dans le célèbre Roundup.
On distingue deux sortes d’insecticides. Les organochlorés (DDT, dioxines) ont été utilisés jusqu’à leur interdiction dans les années 1970, car toxiques et difficiles à éliminer. Les organophosphorés s’attaquent aux cellules nerveuses. Ils appartiennent à la famille des gaz de combat ou lacrymogènes. Quant aux fongicides, ils préviennent l’apparition de champignons parasites dans les cultures et les éliminent, le cas échéant.
2. Flou artistico-chimique
Certains résidus de pesticides sont considérés comme cancérigènes. D’autres agissent sur l’équilibre hormonal: ce sont des perturbateurs endocriniens, qui modifient l’organisme à long terme, voire sur plusieurs générations. Et ce, même à faibles doses. Pour y voir plus clair, la Confédération a lancé, en février dernier, une vaste étude de biosurveillance visant à évaluer l’exposition de la population aux produits chimiques. En France, on a en effet trouvé jusqu’à 54 molécules toxiques différentes dans les cheveux d’un seul enfant.
Ce résultat est inquiétant, sachant que l’effet cocktail peut renforcer l’impact des différentes substances présentes simultanément. Une étude a ainsi prouvé que, chez les femmes prenant la pilule, un pesticide normalement inoffensif modifie le système de défense des cellules du foie.
3. Ce que dit la loi
Les limites autorisées sont définies dans l’Ordonnance sur les substances étrangères et les composants dans les denrées alimentaires. Elles ne tiennent toutefois pas compte de l’effet cocktail: une valeur est fixée pour chaque substance, sans tenir compte du cumul possible. De plus, les consommateurs n’ont aucun moyen de savoir ce qu’ils absorbent, puisque ces traitements ne figurent pas sur l’étiquette.
4. Zoom sur les abeilles
En juin dernier, la revue Science a publié deux études décrivant les effets dévastateurs des néonicotinoïdes sur les abeilles. Cet insecticide est utilisé sur les semences depuis les années 1990. Lorsque la plante pousse, tous ses tissus (tige, feuilles, nectar, pollen) en sont recouverts avec, pour effet indirect de raccourcir la durée de vie des pollinisateurs et modifier leur comportement ainsi que le processus de reproduction.
Les néonicotinoïdes seront interdits en France à partir de 2018. Emboîtant le pas à l’UE, la Suisse a prononcé un moratoire sur trois substances utilisées pour les cultures de colza et de maïs, mais ce, seulement pendant les périodes de floraison.
5. Mouvements citoyens
Face aux lobbys chimiques et agricoles, les autorités ne sont pas pressées d’interdire les pesticides, si bien que les consommateurs font pression de leur côté. En Europe, une pétition pour interdire le glyphosate, un désherbant très efficace mais suspecté d’être cancérigène, a déjà rassemblé un million de signatures. En Suisse, le Conseil national a rejeté un postulat allant dans ce sens.
Et, en mai 2016, une initiative fédérale a été lancée pour bannir les pesticides de synthèse ainsi que les aliments qui en contiennent ou qui ont été produits par ce biais.
6. Dans nos assiettes
On estime qu’une pomme subit plus de 30 traitements avant d’être cueillie. Les fraises ne font guère mieux. Bien que les producteurs doivent respecter un délai entre le traitement et la récolte, un sondage réalisé en juin 2017 par notre partenaire alémanique K-Tipp sur 25 emballages de fraises vendus dans les grandes surfaces a révélé la présence de quelque 25 pesticides différents dans les fruits!
Pour limiter la consommation de pesticides, privilégier les fruits et légumes de culture biologique. Laver soigneusement fruits et les légumes issus de l’agriculture traditionnelle et bien les frotter. Peler ou éplucher les avant de les manger.
Et, pour en savoir davantage, consulter le guide pratique «Poisons quotidiens», à commander dans notre boutique.