La campagne pour la votation du 7 mars, proposant de baisser les rentes du 2e pilier, bat son plein, chaque parti brûlant ses dernières cartouches, lesquelles font souvent plus de bruit que de sens. Les syndicats et la gauche continuent de parler de «vol des rentes» et, à l’inverse, les milieux économiques et la droite persistent à prétendre qu’il manque d’ores et déjà 600 millions de francs chaque année à la prévoyance professionnelle.
Les uns comme les autres s’égarent: le fameux trou de 600 millions n’existe pas, puisqu’il s’agit d’une prévision, fondée sur des chiffres contestables et faite à partir de 2016 seulement (lire TCF 1/2010). De même, il est abusif de parler de vol des rentes, notamment vis-à-vis des caisses autonomes, qui n’ont pas possibilité de tirer profit en cas de modification de la loi, puisque, contrairement aux assureurs, ils ne peuvent pas prélever 10% des rendements du capital.
Tout Compte Fait a cependant, aux côtés de ses partenaires Bon à Savoir, K-Tipp et saldo, initié le référendum sur lequel le peuple est appelé à se prononcer, parce qu’il est persuadé qu’aujourd’hui – en 2010 – il est inutile et dangereux de décider une deuxième baisse des rentes pour 2016. Plus de 70 000 lecteurs ont approuvé cette position en signant le document.
Parmi les arguments invoqués pour justifier cette nouvelle baisse, il y en a peu qui – en l’état – tiennent la route. Les prévisions sur l’allongement de la durée de vie des retraités a déjà été prise en compte avec la première baisse et son accélération reste à prouver. Et prétendre que l’économie ne servira plus jamais les mêmes rendements que par le passé est pour le moins prématuré, preuve en est celui obtenu en 2009 (+11,8% selon l’indice Pictet LPP 25). Tout cela, nous l’avons déjà longuement expliqué dans notre supplément et dans nos précédentes éditions (lire TCF 12/2009 et 1/2010).
Hâte-toi lentement…
Nous ne sommes toutefois pas des médiums. Peut-être bien que la durée de vie va s’allonger encore et peut-être aussi que l’économie va de nouveau limiter le rendement des placements. Mais nous avons au moins trois ans devant nous pour le mesurer concrètement. En 2013 en effet, le Conseil fédéral a légalement l’obligation de revoir le taux de conversion: il devra alors, selon l’évolution des marchés et des tables de longévité, proposer son maintien à 6,8% ou sa baisse. Et, s’il s’agit d’une baisse, cette fois fondée sur des faits nettement plus concrets, il pourra sans autre demander son entrée en vigueur en 2016. Dès lors, pourquoi prendre aujourd’hui une décision irréversible (ce taux ne sera jamais revu à la hausse) sur des prévisions contestables, alors qu’on peut, le cas échéant, arriver au même résultat en se fondant sur trois années d’expérience supplémentaire?
Christian Chevrolet
Quand l’inflation s’en mêle
En 1990, le taux d’intérêt minimal était de 4% et l’inflation de 5,4%: le capital du 2e pilier a donc augmenté de 4%, mais le pouvoir d’achat était inférieur de 1,4% par rapport à l’année précédente. L’an dernier, en revanche, le taux minimal était de 2% seulement et l’inflation de – 0,5%: le capital n’a donc augmenté que de 2%, mais valait réellement + 2,5%. C’est un fait.
Toutefois, les caisses de pension n’ont pas l’obligation d’indexer les rentes, et le font donc peu. Or, ce qui se payait 1000 fr. en 1995 vaut aujourd’hui 1123 fr. Donc, dans cet exemple, le pouvoir d’achat d’un retraité a perdu 11%. Imaginons un scénario identique avec un futur retraité de 2016, nanti d’une rente calculée avec un taux de conversion baissé à 6,4%. Quinze ans plus tard, il aura perdu deux fois plus que son prédécesseur: 11% dus à l’inflation + 11% dus à la baisse de la rente initiale.