Lorsque Pierre Piguet a compris qu’un jour il ne verrait plus, il a refusé de se résigner. Aujourd’hui que cela est arrivé, il mène une
activité qui impressionne nombre de «bienvoyants»! Dans son bureau de production de Corcelles-le-Jorat, où il a installé toutes les machines qui lui permettent de surmonter son handicap, mais aussi un petit studio sonore très professionnel, il écrit, communique, fait des montages et, depuis peu, lit Bon à Savoir.
«J’ai pu bénéficier du premier ordinateur privé de Suisse romande conçu pour les malvoyants, se rappelle-t-il amusé. J’ai su par la FSA (Fédération suisse des aveugles) que l’AI pouvait nous en mettre gratuitement à disposition. Il m’a permis de réaliser des choses inespérées: qui aurait imaginé, il y a quelques années seulement, qu’un aveugle pourrait pratiquer la presse écrite?»
Car effectivement, Pierre Piguet écrit régulièrement dans la presse régionale, après avoir animé pendant plus de douze ans des émissions radiophoniques. Sa passion: la chanson, d’expression française surtout. Ses huit mille disques, il les a tous répertoriés dans son ordinateur. Tout comme les entretiens qu’il a eus avec plus de 500 artistes (parmi les derniers en date: Jean-Jacques Goldman, Patricia Kaas, Claude Nougaro, Florent Pagny...). Une mine d’or qui fait de lui l’un des meilleurs spécialistes en la matière en Suisse romande. Avis aux médias: il a encore du temps à disposition et cherche à pouvoir en faire profiter de nouveaux lecteurs ou auditeurs! (*)
Voix de synthèse
Il faut voir la dextérité avec laquelle Pierre Piguet travaille sur son clavier pour comprendre combien un tel équipement est effectivement révolutionnaire. Grâce à certains logiciels, n’importe quel texte informatique peut être reproduit par une voix de synthèse ou activer les aiguilles d’un clavier permettant de lire en braille. Pierre peut donc communiquer via Internet (e-mail) ou par modem. C’est ainsi qu’il peut, depuis bientôt deux ans, aller charger une vingtaine de journaux dans le Kiosque électronique, et les faire lire par son ordinateur. Titres romands à disposition: Clin d’Œil (le journal de la FSA), le quotidien 24Heures, L’Hebdo et, depuis mars, dernier, Bon à Savoir.
Mais les possibilités qu’exploite Pierre Piguet, par ailleurs membre du comité de la section vaudoise de la FAS, ne s’arrêtent pas là. «Vous n’imaginez pas tout ce qui est à notre disposition», explique-t-il avec enthousiasme. Le Télévox par exemple, ce système téléphonique permettant aux malvoyants de communiquer entre eux: les sections y enregistrent les informations à faire passer, les utilisateurs peuvent y laisser de petites annonces, et Pierre y tient par exemple une rubrique discographique régulière. Mais il y a aussi la Bibliothèque sonore romande (021 /321 10 10) qui envoie gratuitement
des livres enregistrés sur cassette.
Exposition
Sans parler des nombreuses associations faisant preuve d’un rare dynamisme, à commencer, bien sûr, par les différentes sections de la FSA (pour la Suisse romande: 021/311 22 11). Mais aussi, plus intime, l’association Pour un touchant regard, que Pierre Piguet affectionne particulièrement: «Nous souhaitons monter une exposition itinérante d’une douzaine de modules thématiques, permettant de démontrer à chacun, quelle que soit la qualité de sa vue, que les cinq sens (grâce à un parfum, le relief du sol, la musique, des images en trois dimensions, etc.) sont le rapport le plus évident que nous avons au monde.» Le premier module sera d’ailleurs présenté lors d’une plus large exposition, organisée par de nombreuses associations œuvrant pour les handicapés de la vue, pour fêter les 50 ans de la section vaudoise de la FSA (**).
C. C.
(*) 021/903 25 14
(**) Forum de l’Hôtel de ville de Lausanne, du 15 au 28 octobre.