Pour les usagers des trains, ce sera bientôt une tradition. A chaque changement d’horaire, le deuxième dimanche de décembre, les tarifs des billets et des abonnements prennent l’ascenseur. A peine les hausses de 2010 (+5,9%) et celle de 2011 (+1,2%) sont-elles digérées que la prochaine est en vue: +5,6% à la fin de 2012. Et autant être avertis: d’ici à 2018, le surcoût par rapport aux prix actuels se chiffrera à 20%!
Ces renchérissements doivent certes être justifiés pour être avalisés par Monsieur Prix, mais les CFF ont un argument imparable: Berne a décidé d’augmenter le prix du sillon, la redevance versée par les entreprises de transport pour circuler sur le réseau, afin de financer et d’améliorer l’infrastructure ferroviaire suisse. Pour ces dernières, la hausse des coûts sera de quelque 10%.
Objectifs stricts
Pas question toutefois de terminer l’année dans les chiffres rouges. «La Confédération détient 100% des actions de l’ancienne régie, et c’est elle qui fixe les objectifs financiers», précise Patricia Claivaz, porte-parole des CFF. Les CFF vont donc s’en sortir, d’une part, en lançant un vaste programme d’économies qui devrait leur permettre de retrouver 500 millions de francs par an d’ici à 2017, et, d’autre part, avec des hausses de tarifs.
Pour les passagers, la première mesure engendrera, inévitablement, une baisse des prestations. Alors que, par exemple, deux gares sur trois ont déjà été fermées, on peut s’attendre à de nouvelles réductions. Si bien que les clients du rail paieront davantage… pour en faire toujours davantage par eux-mêmes.
Les consignes fixées par Berne sont en effet très claires (lire encadré). On attend des CFF, non seulement une hausse de la productivité, mais même encore un bénéfice, chiffré à 402 millions de francs en 2012. Cette dernière exigence fait sourire. Comment une société portée à bout de bras par les pouvoirs publics pourrait-elle être rentable? Le géant ferroviaire a reçu, en 2010, 3,224 milliards de francs de la Confédération, des cantons et des communes. Et, si «bénéfice» il y a, à quoi sert-il?
«Ces recettes sont entièrement réinvesties dans l’achat de nouveaux trains», répond Patricia Claivaz. En 2010, les CFF ont réalisé un bénéfice de 292,6 millions de francs. Or, ils ont investi 1 milliard, soit trois fois plus, dans l’achat de nouveaux trains. L’endettement de la société augmente en conséquence et se montait à 8 milliards à la fin de 2010.
Mieux avec moins
A la lecture de ces objectifs financiers (lire encadré), toujours plus draconiens, se pose, toutefois, la question de savoir si la Confédération n’est pas en train de se dés engager du transport des voyageurs dans une stratégie de profit. «Rien à voir, proteste la porte-parole. Le Conseil fédéral veut augmenter les recettes pour améliorer l’infrastructure ferroviaire, très sollicitée.»
Question d’interprétation. On peut, en effet, voir cette évolution par l’autre bout de la lorgnette. Les améliorations promises se feront en effet sans solliciter davantage les pouvoirs publics. Le train deviendra-t-il un luxe réservé aux plus aisés? Cette évolution va à l’encontre d’une politique en faveur de transports publics accessibles à tous.
Claire Houriet Rime
LES OBJECTIFS FIXÉS PAR BERNE
La pression est croissante
Quelque 350 millions de passagers montent chaque année dans un train CFF. Pendant de longues années, le rail suisse n’avait pas d’autre but que d’amener les passagers à bon port dans les meilleures conditions. En 1999, l’ancienne régie est devenue une société anonyme. Une privatisation purement formelle, puisque la Confédération détient toujours la totalité des actions, mais qui a modifié de fond en comble la philosophie de l’entreprise.
Dans les objectifs fixés pour 2003–2006, Berne demandait ainsi aux CFF de réaliser un «bénéfice convenable» et d’appliquer une stratégie «conforme aux principes éthiques et à ceux du développement durable», en améliorant continuellement «la satisfaction de ses clients». Le volet 2007–2010 visait un bénéfice annuel de 170 millions de francs, «tout en accroissant l’utilité pour les clients».
La pression sur les coûts s’est accrue depuis. Pour les années 2011–2014, le bénéfice annuel doit atteindre 402 millions de francs, tout en développant et en fournissant, certes, des «solutions de mobilité attrayantes, sûres, ponctuelles et de qualité». Mais la satisfaction des clients revendiquée pour 2003 a disparu du tableau.