Le naufrage des actions des deux plus grandes banques de Suisse est en tout point comparable au cours des 10 dernières années. Alors que le titre de Credit Suisse (CS) a sombré de 70 fr à 37.70 fr. (–46%) entre le début de 2000 et la fin de 2010, l’action UBS plongeait de 32.50 fr. à 15.35 fr. (–53%) au cours de la même période. Les pots cassés, ce sont les propriétaires des banques qui les ont ramassés, autrement dit les actionnaires.
Or, ces derniers ne sont pas exclusivement des investisseurs privés, mais également les assurés que nous sommes, affiliés aux nombreuses institutions de prévoyance. Parmi les plus grandes, la caisse fédérale de pension Publica détient pour quelque 110 millions et 150 millions de fr. d’actions CS et UBS. Celle de La Poste affiche près de 60 millions de fr. de titres CS et autant d’actions UBS respectivement. Et les institutions publiques romandes ne sont pas en reste, à l’instar du portefeuille de la Caisse de prévoyance du personnel du canton de Genève (CIA) qui contient 90 millions de fr. d’actions UBS. Autant de valeurs qui représentaient encore le double il y a 10 ans!
Si les assurés ont de quoi craindre pour leur retraite, les membres des directions des deux grandes banques, en revanche, ne souffrent pas du manque de performance boursière. C’est du moins ce que laisse penser le contraste entre la progression de leurs revenus et celle des titres de leur banque respective. Alors que l’action UBS reprenait 6,2% entre la fin de 2009 et la fin de 2010, les salaires de sa direction générale, eux, s’envolaient de 24,5%. Et la plongée de l’action CS (–17,8%) au cours de la même période n’a pas empêché une hausse de l’enveloppe salariale de sa direction générale de 7,1%.
Les CEO épargnés
Cette enveloppe englobe évidemment les salaires des grands patrons. Si celui de Brady Dougan (CS) ne s’élevait qu’à 12,3 millions en 2010 – contre 19,2 millions en 2009 –, un bonus sous la forme d’actions lui a rapporté pour plus de 70 millions, le printemps passé. A UBS, Oswald Grübel a certes eu la sagesse de renoncer à son bonus pour se contenter d’un salaire fixe de 3 millions en 2010, mais continue à profiter des options sur les actions qui lui ont été offertes à son arrivée pour plus de 13 millions de francs.
Fatalement, les revenus des CEO dopent le salaire annuel moyen des employés. Entre 2000 et 2010, il a ainsi progressé de 190 000 fr. à 219 000 fr. (+15%) à UBS et de 230 000 fr. à 291 000 fr. (+26,5%) à Credit Suisse. S’il n’est pas certain que tous les employés de banque aient constaté cette hausse sur leur fiche de salaire, il est, en revanche, évident que les pertes endurées par les actionnaires, et donc, indirectement, par les assurés des caisses de pension, ne troublent pas la course au profit effrénée des instances dirigeantes.
L’impuissance des actionnaires
En Suisse, les salaires des top managers sont généralement fixés par les conseils d’administration qui, au passage, déterminent leur propre rémunération. Les actionnaires n’ont pas leur mot à dire, bien qu’ils soient copropriétaires de la banque par le biais de leurs titres. Leur vote sur le système de rémunération, lors de l’assemblée générale (AG), n’a, en effet, qu’une valeur consultative. Contrairement à des pays comme la Suède ou les Pays-Bas, où le choix des actionnaires sur les salaires des hauts dirigeants a force contraignante.
Pour disposer d’une telle influence, les actionnaires des banques suisses ne peuvent miser que sur une dissolution de leur conseil d’administration. Scénario peu probable, sachant que de nombreux actionnaires sont représentés à l’AG par leur banque de dépôt, qui suit presque toujours l’avis des conseils d’administration…