D’un côté, les régimes. Tous plus mirobolants les uns que les autres, avec photo avant et après. Un business lucratif, où tous les coups et toutes les idioties semblent permis.
De l’autre côté, un récent article paru dans Le Matin rapportait que 60% des gens suivant un régime reprenaient le poids perdu dans l’année suivante, et pratiquement 100% cinq ans plus tard.
Au milieu de tout ça, quelques rares scientifiques qui cherchent à faire la part des choses. Parmi eux, le Dr Alain Golay, spécialiste en diabétologie et endocrinologie, responsable d’une consultation d’obésité à l’Hôpital universitaire de Genève: «Les patients qui souffrent – et j’insiste sur le terme souffrir – sont des proies rêvées à qui l’on fait miroiter n’importe quoi, à n’importe quel prix.»
• le régime miracle, de Atkins à Montignac, de l’ananas aux raisins, du dissocié aux coupe-faim, est un leurre;
• quiconque vous promet de perdre plus d’un kilo (de graisse, pas d’eau ou de muscle!) par semaine et de vous stabiliser après le régime frise la malhonnêteté.
«Mais il est tout aussi faux et agaçant de prétendre que n’importe quel régime est voué à l’échec, ajoute le Dr Golay, car cela laisse sous-entendre qu’il est inutile de chercher à maigrir! Je tiens des statistiques très précises qui prouvent que 52% des personnes qui ont reçu une éducation nutritionnelle dans mon service n’ont pas repris, cinq ans après, les kilos perdus et continuent même parfois à en perdre. Cela fait certes encore beaucoup d’échecs, mais on est loin du fatalisme récemment mis en exergue par la presse romande.»
Si les miracles n’existent pas, c’est parce que notre organisme n’est pas aussi influençable que notre cerveau: il ne va pas s’adapter aux théories fumeuses de pseudo-scientifiques.
En fait, tout réside dans le nombre de calories absorbées chaque jour. A quantité égale – qu’il s’agisse de lipide, de glucide, de protéine ou d’alcool – et quel que soit le genre de régime suivi (associé, dissocié, pauvre en hydrate de carbone, etc.), vous perdrez ou prendrez la même quantité de poids. Il n’y a donc pas 36 solutions: pour maigrir, il faut absorber moins de calories. Et/ou en perdre plus via votre activité physique.
Cela dit, certains aliments contiennent beaucoup plus de calories que d’autres: 9 pour un gramme de graisse, mais 4 pour un gramme d’hydrate de carbone (pain, pâte). Il est aussi indispensable de manger de façon équilibrée: de nombreux régimes manquent par exemple cruellement de protéines, pourtant indispensables à la santé. Enfin, il convient de répartir harmonieusement ses repas dans la journée, non seulement pour éviter la sensation de faim, mais aussi parce que l’organisme a tendance à faire des réserves (donc des kilos supplémentaires) s’il n’est pas régulièrement alimenté.
Pourquoi certains régimes donnent-ils pourtant des résultats rapides sur la balance? Parce qu’ils ne vous font pas perdre de la graisse, mais de l’eau, voire du muscle. «Jamais personne n’a transpiré ou uriné de l’huile..., rappelle le Dr Golay. En une séance de sauna, vous pouvez certes perdre 2 kg d’eau, mais vous les reprendrez en buvant dans les heures qui suivent.» L’exemple est peut-être caricatural, mais il explique comment certains régimes fonctionnent. Paradoxalement, la balance n’est pas toujours le meilleur juge qui soit.
Mais l’inverse est vrai aussi. Si une personne mange surtout des hydrates de carbone qui coupent bien l’appétit et sont nettement moins calorifiques que les graisses, elle va stocker passablement d’eau, ce qui explique la mauvaise et injuste réputation des pâtes, du riz et pommes de terre. Pas de panique toutefois: cette même personne va aussi rapidement éliminer cet excédent d’eau.
Une seule conclusion s’impose donc: maigrir sans conviction par le biais d’un régime quelconque, c’est courir à l’échec. Voilà pourquoi il vaut mieux d’abord comprendre pourquoi on a pris du poids (lire ci-dessous), puis réfléchir à ce que qu’il faut changer dans ses habitudes pour enrayer ce processus. C’est seulement alors qu’il s’agira de vraiment se restreindre.
comprendre avant d’agir
Une forme de toxicomanie
Pour une grande partie de la population obèse, la nourriture est le symptôme d’un mal-être, au même titre que la drogue, l’alcool ou la cigarette pour d’autres. Dans son service, le Dr Alain Golay cherche donc le «déclencheur», ce qui a amené ses patients dans ce mal-être. «Lorsqu’ensemble nous l’avons trouvé, on peut dire que 50% du chemin est déjà fait!»
Dans un récent ouvrage (*), remarquable tant par le contenu que par la simplicité de l’écriture, le médecin genevois a résumé et adapté la méthode employée dans son service pour le grand public. Pas de solution miracle, ni de techniques compliquées: après avoir défini sa personnalité (grâce au test Persona, utilisé par exemple pour mieux définir l’approche d’un vendeur face à son client), le lecteur se voit proposer les grandes lignes du régime à suivre. Pas de menu non plus, mais un choix à faire en fonction d’«équivalences» de laitages, de fruits, de protéines cuisinées (viande, poisson, œuf, etc.). Exemple: une équivalence d’hydrate de carbone correspond à 100 g de pâtes cuites, ou 125 g de pommes de terre, ou 50 g de pain, ou 30 g de corn-flakes, etc.
Gare aux habitudes
Mais on y trouve aussi une foule d’informations et de conseils permettant peut-être de s’épargner des régimes drastiques: «En changeant certaines habitudes alimentaires et comportementales, explique le Dr Golay, on peut déjà résoudre de nombreux problèmes de poids! C’est ce que nous appelons l’approche qualitative. Il faut faire le point sur notre façon de vivre, sur ce qu’on aime ou n’aime pas, puis voir ce qui peut être modifié. En faisant la chasse aux graisses, par exemple, on arrive souvent à en éliminer jusqu’à 30 g par jour, ce qui correspond à 270 calories. Et cela presque sans s’en apercevoir. Mine de rien, cela revient à perdre 10 kg en une année, sans grand risque de les reprendre si les mauvaises habitudes ne sont pas reprises! Dans un deuxième temps seulement, nous réduirons les quantités.»
(*) Le Perso Régime (maigrir selon sa personnalité), Dr Alain Golay, 1997, Editions Payot. 24,40 fr.
CALCUL
Le juste poids
Les médecins utilisent, pour rapidement évaluer si un patient à un excès pondéral minime ou une obésité franche, un index corporel. Ils l’obtiennent en divisant le poids (exprimé en kg) par la taille (exprimée en mètre carré). Il faut donc diviser deux fois le poids par la taille.
Ainsi, une homme de 75 kg mesurant 183 cm fera le calcul suivant: 75 : 1,83 = 40,98 : 1,83 = 22,4 kg/m2.
• Les personnes sans complication ont un poids correspondant à un index de 22,5 kg/m2: notre exemple est donc pile poil dans la moyenne.
• Au-dessous de 20,0 kg/m2 (67 kg pour notre exemple), on parle de maigreur.
• La limite de l’embonpoint est de 25 kg/m2, soit 83,7 kg pour notre exemple.
• Et dès 30 kg/m2 (100,5 kg pour notre exemple), on parle déjà d’obésité.
12 CONSEILS
Chassez les graisses
1 - Supprimez de votre vocabulaire le mot «interdit». Moins un régime coûte psychologiquement, mieux il est suivi à long terme. Il faut donc ne pas trop se priver, mais suffisamment pour maigrir! Autrement dit: mieux vaut perdre du poids lentement, mais sûrement.
2 - Vous ne pouvez, vous ne devez pas perdre beaucoup de poids très vite. Renoncez donc à vous peser tous les jours. En le faisant deux à trois fois par semaine, vous n’aurez pas de mauvaise surprise et vous assisterez tranquillement à la réussite de votre régime.
3 - Ne courez pas après une faim tenace; prévenez-la, n’attendez pas qu’elle apparaisse. Au petit-déjeuner, il faut manger comme un empereur, à midi comme un roi et le soir comme un mendiant...
4 - Mangez lentement! Le sentiment de satiété n’apparaît que 20 à 30 minutes après le début du repas. Faites une pause entre les mets, posez votre fourchette toutes les deux ou trois bouchées.
5 - Faites vos achats le ventre plein: vous achèterez moins et surtout moins de produits dangereux. Il est judicieux de faire une liste pour ne pas succomber à la tentation. Et lorsque vous commencez un régime, assurez-vous de ne pas avoir d’aliments superflus (sucrerie, alcool...) dans vos réserves.
6 - Mangez des fruits, ils ont toutes les qualités! Mais choisissez-les: les fraises, les framboises et les pastèques ne contiennent presque pas de sucre. Les bananes, les fruits en boîte ou secs en contiennent entre trois et dix fois plus. Renoncez aux régimes où il ne faut manger que du raisin (ou de l’ananas) pendant plusieurs jours: vous ne perdrez que des muscles.
7 - Les légumes aussi contiennent peu de calories, ils sont riches en fibres et volumineux. Ils donnent plus vite une impression de satiété. Ils vous apportent l’essentiel des vitamines et peuvent utilement combler une fringale entre les repas.
8 - Mangez des farineux et des céréales. Contrairement aux croyances populaires, ils sont moins calorifiques que les graisses. Ils devraient constituer 50% de votre alimentation. Préférez les aliments qui ont un index glycémique bas (lentilles, pom-mes, yaourt, oranges, pâtes, riz, pommes de terre, etc.) car leurs sucres rejoignent moins vite le sang et donnent donc une meilleure impression de satiété.
9 - Fuyez les coupe-faim: ce sont des dérivés des amphétamines qui sont des drogues!
10 - Plus on se rapproche du poids désiré, plus cela devient difficile. C’est logique: la dépense énergétique dépend en effet du poids. Plus on est gros, plus on dépense de calories. Vous avez déjà maigri, donc vous dépensez moins... Encore une fois: patience et ne vous découragez pas.
11 - A la fin de votre régime, reprenez doucement une alimentation moins restrictive. Evitez les débauches gastronomiques au début de votre stabilisation, car votre corps n’a pas beaucoup apprécié la diète que vous lui avez infligée. Il aura tendance à se venger en faisant plus facilement des réserves.
12 - Augmentez votre activité physique pour compenser les quelques écarts que vous vous autoriserez et surtout pour maintenir votre poids après le régime. Si vous pesez 80 kg et que vous courez 10 km, vous dépenserez 800 calories, quelle que soit la vitesse. Pour obtenir ce chiffre, il suffit de multiplier son poids par le nombre de kilomètres parcourus (ici, 800 X 10). En marchant une heure supplémentaire par jour (par exemple en vous rendant à pied à votre travail), vous éliminerez 14 kg de graisse par année.