Le prix des céréales panifiables a baissé le 1er octobre. Les producteurs sont désormais payés environ 10 fr. de moins par quintal (100 kg) de céréales livré. Un mois plus tard, la baisse a été répercutée sur le prix de la farine des moulins (environ 10 ct. de moins par kilo de farine).
Les deux géants alimentaires Coop et Migros n’ont toutefois pas attendu cette répercussion pour effectuer une baisse du prix du pain dans leurs magasins, et l’annoncer en grande pompe. «Nous avons procédé à cette baisse dans l’intérêt du consommateur et à cause de la concurrence», se justifie Karl Weisskopf, porte-parole de Coop Suisse. «Comme il nous était impossible de modifier les prix en une seule fois, nous avons anticipé le mouvement et appliqué les premières baisses dès le 1er octobre», explique pour sa part Dietmar Löffler, directeur de Jowa SA, la boulangerie de Migros.
Baisses successives
Selon le porte-parole de Coop, la réduction est de l’ordre de 8 ct. par kilo
de pain. Mais les exemples qu’il donne sont nettement plus avantageux: 25 ct. pour un kilo de pain mi-blanc ou bis. Ce qui amène le prix du kilo à 2,70 fr. pour le mi-blanc et 2,60 fr. pour le pain bis. Exactement les mêmes prix que ceux affichés par Migros… jusqu’au 18 octobre! Depuis cette date, le géant orange a en effet procédé à une nouvelle baisse, ramenant le prix du kilo mi-blanc à 2,60 fr. et celui du pain bis à 2,50 fr.
«Les organisations faîtières recommandent de baisser le prix du kilo de pain de 10 ct. et celui de la livre de 5 ct. à partir du 1er novembre, confirme pour sa part Michel Chabloz, président de la Société des meuniers de la Suisse romande. Mais si Migros et Coop ont anticipé cette recommandation, c’est seulement pour des raisons de marketing.»
Les autres produits
Marketing ou non, la farine est certes le produit de base du pain, mais aussi de la pâte à gâteau, du croissant et de la pâte à pizza. Est-ce à dire que le prix de ces produits va également baisser? «L’utilisation de la farine dans la pizza est faible. Dans le croissant aussi. Il est difficile d’imaginer une baisse de prix de ces produits», répond Michel Chabloz. Et pourtant... «Ces prochaines semaines, affirme Maja Amrein, porte-parole de Migros, nous allons baisser le prix d’autres variétés de pain, mais aussi de certaines pâtisseries comportant une proportion élevée de farine.»
Des décisions qui irritent Yves Girard, secrétaire des artisans boulangers-pâtissiers du canton de Vaud: «Migros et Coop font de cette baisse du prix de la farine un grand argument publicitaire, sans s’occuper du prix réel des produits.» Il confirme donc que les boulangers-pâtissiers vont répercuter la diminution sur les pains mi-blanc et bis, mais pas sur les autres produits.
Autrement dit: ne comptez pas sur les boulangers pour des baisses d’ordre stratégique. Comprenez des prix ne couvrant pas les frais de base, mais permettant d’appâter le client avec un produit dans «son» magasin pour qu’il en achète d’autres. C’est d’ailleurs expliqué noir sur blanc dans une brochure à disposition dans les boulangeries. On y lit, entre autres: «Deux grands distributeurs se font la guerre et combattent ainsi aussi les artisans-boulangers avec le produit que constitue le pain normal. Ils en cassent le prix pour tenter d’inciter le client à venir acheter chez eux d’autres produits vendus, eux, à bon prix. Il est clair que, nous, les artisans, ne faisons pas le poids dans cette lutte sans merci.»
Gabrielle Desarzens
sous la loupe
Le calcul du boulanger
La farine ne représente que 26% du prix du pain. L’Association suisse des patrons boulangers-pâtissiers calcule son prix de la façon suivante :
Farine 25,6%
Autres matières premières 2%
Frais de production (salaires etc.) 25,3%
Autres charges
(entretien du matériel, réparations, etc.) 16,2%
Amortissement des machines et du matériel 11,5%
Loyer 5,3%
Salaires de la vente 7,8%
Risque de l’entrepreneur 4%
TVA 2,3%