Depuis le début des années 1990, le pangasius – appelé aussi «panga» – a progressivement colonisé les rayons des poissonneries. C’est qu’il a tout pour séduire: un prix canon, une saveur passe-partout – pour ne pas dire insipide – et des filets sans arêtes. Sauf que sa production, basée principalement au Vietnam, suscite la méfiance de nombreux consommateurs. Beaucoup dénoncent son élevage dans le Mékong, dont les eaux sont réputées sales, voire contaminées.
Parmi les autres griefs récurrents, on retrouve l’injection d’une hormone humaine, la chorionique gonadotrope, pour doper le processus de reproduction des femelles pangasius. Leur alimentation est, elle aussi, sous le feu des critiques: les granules contiennent un mélange de farine de poisson, de riz, de vitamines et de manioc. Mais, si certains s’émeuvent de la composition de la farine (cadavres et déchets de poissons), elle n’est pas réservée au seul pangasius. Les aliments d’autres poissons d’élevage – comme le saumon, entre autres – en contiennent également.
Au début des années 2000, des analyses ont démontré que les éleveurs vietnamiens utilisaient massivement des antibiotiques pour optimiser leur production. Aujourd’hui, les autorités sanitaires constatent que les normes sont respectées: «Nos contrôles n’ont pas révélé de problèmes particuliers au pangasius», confie Christian Richard, le chimiste adjoint du canton de Vaud.
Mystère des analyses
Reste une grande interrogation: les éleveurs de pangasius ont-ils réellement fait des efforts ou abusent-ils des services d’hygiène en recourant à des substances absentes des plans de contrôle? Cette question n’est de toute évidence pas propre au pangasius. Ce qui est certain, c’est que ce poisson est un puissant symbole de la mondialisation. Sa production et son transport de l’Asie jusqu’en Europe sont tout sauf écologiques.
Mais son élevage industriel est-il plus condamnable que la pêche intensive d’espèces menacées?
Yves-Noël Grin