Françoise, la trentaine, qui sent encore le goût des petites pastilles blanches croquées chaque soir durant son enfance, n’a pas de peine à suivre l’avis de son dentiste: oui, sans aucun doute, elle fera avaler à son propre fils, âgé d’un an, les comprimés de fluor garants de dents saines.
Ni maniaque, ni laxiste
Arrive le jour où elle rencontre Martine qui, elle, ne se fatigue pas à faire mâcher quoi que ce soit à son bébé de quinze mois avant le coucher. Négligence? Non, cette maman-là a simplement consulté le pédiatre de la famille, fermement opposé à la prescription de comprimés de fluor.
Ceci n’est pas l’histoire isolée d’un dentiste maniaque ou d’un pédiatre laxiste. Chacun de ces spécialistes a simplement suivi les recommandations de sa fédération, qui, on le voit, divergent singulièrement!
Pour mieux comprendre, remontons aux années septante: excepté dans le canton de Vaud, qui joue les pionniers, le sel de cuisine n’est additionné que de peu de fluor (abréviation de fluorure de sodium). La grande majorité des dentistes et médecins recommandent par conséquent l’absorption de pastilles fluorées pour les enfants, dont la dentition est en formation. L’efficacité de cette substance pour lutter contre la carie dentaire ne fait plus aucun doute. En 1983, la Suisse entière se rallie aux dosages vaudois, encore en vigueur aujourd’hui. Seul Bâle choisit de traiter l’eau potable plutôt que le sel. Désormais, et hormis à Bâle évidemment, les responsables de la prophylaxie recommandent les «paquets verts», par opposition au sel en paquets bleus, qui ne contient pas de fluor (tous les deux contiennent en revanche de l’iode, pour prévenir les goitres).
Les praticiens, de leur côté, renoncent peu à peu à prescrire des comprimés aux fidèles des paquets verts, c’est-à-dire la quasi-totalité de la population. Aujourd’hui, une tranche d’âge suscite néanmoins la controverse: les enfants de moins de 3 ans. La SSO (Société suisse d’odonto-stomatologie), qui regroupe 95% des dentistes, considère que les petits enfants ont tendance à ne pas consommer suffisamment de sel pour prévenir la carie. «Nous recommandons des comprimés à absorber quotidiennement avec 0,25 mg de fluor jusqu’à deux ans et 0,5 mg jusqu’à 3 ans», explique son porte-parole. «Inutile! rétorque le médecin secrétaire de la Société suisse de pédiatrie, la nourriture d’un petit enfant additionnée de sel en paquets verts suffit largement. Et les bébés trouvent leur fluor soit dans le lait maternel, soit dans les laits en poudre.» Pas de soucis à se faire, non plus, pour le bébé qui boit déjà du lait de vache et mange très peu salé: ses premières dents peuvent «patienter» quelques mois avec de faibles doses de fluor.
Qui croire? Les sociétés faîtières des dentistes et des pédiatres ne font qu’émettre des recommandations. Or, il semble que les dentistes soient plus enclins à s’en écarter que les médecins. «Les avis divergent parfois entre dentistes et pédiatres, reconnaît le Dr Berberat, président de la Société neuchâteloise des médecins-dentistes. Je considère pour ma part qu’à tous les âges, il faut éviter de cumuler les différents apports de fluor.» Dans le canton de Vaud, le responsable du service dentaire scolaire est catégorique: «Des comprimés pour les moins de 3 ans, ça ne sert à rien du tout! Même le sel alimentaire, contenu dans le pain ou les pâtes, est fluoré.»
En résumé, le clan des inconditionnels des comprimés se réduit comme peau de chagrin. Et la SSO pourrait prochainement revoir ses recommandations concernant les petits enfants. Ne l’attendons pas pour adopter une attitude raisonnable!
Suzanne Pasquier
LA BONNE VOIE
Le choix du bon dentifrice
La fluorose (trop de fluor) se traduit par l’apparition de petites taches blanches sur les dents, plus rarement de taches brunes (c’est le cas dans certains pays méditerranéens, où l’eau et la nourriture sont naturellement enrichis de fluor). On peut éviter cette affection en veillant à ne pas cumuler les apports de fluor par voie interne. Il est bon de savoir que les eaux minérales et même le thé froid en contiennent souvent!
Concernant l’apport externe, tous les responsables de la prophylaxie recommandent le dentifrice fluoré pour renforcer l’émail. Les enfants jusqu’à 6 ans utiliseront les pâtes à faibles doses (0,025%), conçues pour leurs besoins. Et pas destinées à être avalées ...