Laver son linge sale devant le juge, priver de contribution d’entretien le partenaire adultère: c’est terminé. Le nouveau droit a introduit, voici exactement deux ans, le divorce par consentement mutuel. Et si un conjoint n’est pas d’accord, le mariage est dissous après quatre ans de séparation, à moins que de graves motifs (par exemple la violence d’un partenaire), n’empêchent de faire courir ce délai. Mais il se pourrait bien que la notion de faute fasse sa réapparition par la petite porte, par un usage détourné de cette nouvelle échéance de quatre ans.
Un exemple: Monsieur demande le divorce, mais Madame ne veut rien en savoir. Elle décide de recourir aux quatre ans. Pour cette période, le juge ordonne des mesures protectrices de l’union conjugale, notamment en fixant une contribution d’entretien en faveur de Madame. Les économies des partenaires, mais aussi leur deuxième pilier, continuent de s’accumuler. Madame sait que ce sera tout bénéfice pour elle (qui n’exerce qu’une activité lucrative réduite), puisque les économies et les deuxièmes piliers seront partagés par moitié lors du divorce.
Cet exemple est loin d’être isolé. Plusieurs avocats de Suisse romande nous ont rapporté des situations similaires, où ce n’est d’ailleurs pas toujours l’épouse qui fait traîner les choses en longueur. «On assiste à un abus des mesures de protection de l’union conjugale, dénonce Me Christine Gaitzsch, à Genève. Des conjoints essaient de tirer sur la corde, de faire payer leur partenaire au maximum en faisant courir le délai de quatre ans. Ce phénomène prend des proportions importantes.» A Lausanne, le bâtonnier de l’ordre des avocats, Me Olivier Freymond, confirme: «Certaines personnes sont tentées de s’opposer au divorce, ou alors de menacer de le faire pour obtenir des avantages de leur partenaire.» A Neuchâtel, un avocat parle de «transactions de souk», tandis qu’en Valais, on remarque une augmentation des mesures de protection de l’union.
Délai à revoir
La majorité des divorces suit pourtant une requête commune du couple, la procédure par consentement mutuel institutionnalisée par le nouveau droit. Mais l’usage du délai de quatre ans semble prendre une ampleur qui n’apparaît pas encore dans les statistiques. Une commission du Conseil national a ainsi approuvé une initiative parlementaire demandant que ce délai soit ramené à deux ans, «car il ouvre la voie au chantage entre conjoints et finalement donne un nouveau souffle à la notion de faute».
Frustration
Revoilà donc la faute… «Les juges nous disent que les partenaires abandonnés ressentent une très grande frustration, car aux yeux de la loi, il n’y a plus de coupable mais deux responsables», raconte Martine Maillard, médiatrice à Fribourg. Impossible d’évoquer les torts des uns et des autres devant le juge, inutile de le faire devant l’avocat… Il se peut même qu’un conjoint «innocent» doive payer une contribution d’entretien à son «ex». Les quatre ans restent alors la seule arme pour se battre. Suzanne Pasquier
d’un canton à l’autre
Le coût d’un divorce «simple»
Frais d’avocats Frais de justice
Fribourg 800 à 1400 fr. 700 à 800 fr. en ville de Fribourg
Genève 4000 à 5000 fr. 600 fr.
Jura 3000 à 3300 fr. 1470 fr.
Neuchâtel 1500 à 2000 fr. En ville de Neuchâtel, 1% du total
des deux revenus imposables
Valais 1500 à 2000 fr. 800 fr.
Vaud 2500 à 3000 fr. 600 fr.
La procédure simplifiée de l’ancien droit était si bien rôdée qu’elle était plus rapide et revenait parfois moins chère que la nouvelle requête commune. Aujourd’hui, il n’est plus possible de rompre un mariage en quelques jours, puisque le divorce doit être confirmé par les parties après deux mois. De plus, le partage du deuxième pilier est devenu obligatoire, ce qui peut compliquer le travail de l’avocat en quête d’attestations des caisses de pension.
Mais dans un cas simple, où les conjoints parviennent à un accord complet (y compris sur la garde des enfants), les frais d’avocat ne devraient pas être plus cher qu’avant. C’est en tout cas ce que nous ont affirmé tous les bâtonniers des ordres des avocats romands, qui nous ont fourni les
prix indicatifs ci-dessus. Il va de soi que dès le moment que les conjoints se chipotent sur un point ou un autre, les frais peuvent prendre l’ascenseur…
Pour la rédaction d’une convention de divorce, les conjoints peuvent aussi s’adresser à un service de médiation familiale. Mais celui-ci ne défendra évidemment pas le point de vue de l’un au détriment de l’autre. Il ne remplace donc en aucun cas l’avocat.