Quand Cupidon frappe, rien de plus naturel que de voir ses deux «victimes» emménager ensemble, avec ou sans bague au doigt. Dans le dernier cas, les tourtereaux oublient pour la plupart que cette union «libre» l’est à tel point que, contrairement au mariage, elle ne donne guère de droits. Et si la passion devait s’éteindre, ou si l’un des deux venait à décéder, conflits et/ou soucis matériels sont annoncés. Pour les prévenir, mieux vaut conclure un contrat d’union libre écrit*, qui aborde notamment les points repris ci-après. Les tribunaux en tiendront compte en cas de litige.
Location
Au moment d’emménager, interrogez-vous sur la forme de cohabitation à adopter (lire encadré ci-dessous).
Biens du ménage:
Etablir un inventaire dès le départ, évitera qu’un jour on ne s’arrache non seulement les yeux mais aussi les draps, collection de timbres et autres bibelots. Car si le Code civil règle le partage des biens des couples mariés, il se tait sur les concubins. Et sans inventaire et autres preuves (gardez vos factures, contrats, lettres, témoignages), difficile de prouver que l’argenterie est vraiment un cadeau de votre défunte grand-mère.
L’inventaire recensera donc:
– les objets appartenant à l’un et l’autre, en précisant qu’en cas de séparation, chacun les récupérera;
– les acquisitions et les économies communes, et aussi comment les répartir si le couple ne devait pas perdurer. En principe, les biens acquis au nom des deux concubins appartiennent à chacun pour moitié.
Soyez exhaustif, et indiquez par exemple: qui va récupérer les négatifs des photos du couple? qui doit rendre quels cadeaux? etc. Et pensez à tenir l’inventaire à jour au fur et à mesure d’achats nouveaux.
Un couple peut aussi se constituer en société simple (Code des obligations art. 530 et ss), p.ex. pour les achats importants, telle une voiture. Il suffit de prouver que les concubins ont décidé d’unir leurs efforts ou leurs ressources en vue d’atteindre un but commun. Pas besoin de preuves écrites – mais établir un contrat dans ce sens vous évitera toute mauvaise surprise.
Dès lors, en cas de séparation, chacun reprend les biens apportés (ou leur équivalent en argent), et chacun assume à parts égales bénéfices ou pertes, par exemple de la vente d’une voiture (CO art. 548 et ss).
Propriété foncière
Si les partenaires achètent leur foyer, ils sont copropriétaires et se répartiront les obligations (p.ex. entretien) en raison de leurs parts de propriétés respectives.
Mais que se passe-t-il en cas de rupture, ou si l’un des concubins meurt? Si l’autre veut vendre sa part, doit-il avoir l’accord de l’ex-partenaire, des enfants du défunt? etc. Des questions complexes à régler impérativement avec l’assistance d’un notaire.
Frais communs
Quelle que soit la forme de la cohabitation, fixez une clé de répartition écrite pour le partage de frais communs divers tels l’électricité, le téléphone, le téléréseau, les assurances et même la nourriture pour animaux etc.
Si vous ouvrez un compte commun pour le ménage, indiquez par écrit à raison de quel montant chacun l’alimentera (en fonction de vos revenus respectifs), à quoi ces versements sont destinés et jusqu’à quel montant chacun pourra s’en servir, si ce n’est librement.
Tâches ménagères
Si l’un des deux assume plus particulièrement les tâches ménagères, il serait judicieux de le rémunérer. Etablissez un contrat écrit. En cas de rupture, il permettra de prévoir le paiement d’une indemnité équitable proportionnelle au nombre d’années de concubinage.
Assurances
Vérifiez vos couvertures d’assurance respectives, notamment les polices:
Ménage: les assureurs offrent trois possibilités:
– si l’un va habiter chez l’autre, ce dernier peut demander à son assurance d’inclure les biens de son conjoint dans sa police;
– les concubins peuvent conclure une assurance commune (cosignataires);
– chacun peut garder sa police individuelle.
RC: à moins de garder chacun la sienne, optez pour une police familiale (aussi pour concubins), qui couvre les dégâts causés par tous les membres d’un ménage.
Dettes
Chacun est responsable de ses propres dettes. Et il est déconseillé de cosigner une reconnaissance de dette ou de contracter un prêt à son nom pour régler les problèmes financiers de l’autre. Car si un jour l’amour s’en va, les dettes restent!
Saisie de biens: lorsque le partenaire endetté fait l’objet d’une saisie de biens, il doit être clairement établi ce qui appartient à l’autre (dans un inventaire ou par les factures précieusement conservées).
Saisie sur salaire: dans ce cas précis, les concubins sont pour une fois considérés comme un couple marié, bien qu’ils ne soient pas tenus de s’assister comme des époux. L’Office des poursuites établit en effet le minimum vital en présumant que le concubin, s’il travaille, verse une contribution (max. 50% des charges communes) aux frais du ménage.
Pension alimentaire
La personne séparée ou divorcée qui vit en concubinage de manière stable, et qui perçoit une rente/pension alimentaire de son ex-conjoint, risque de la perdre. Cela, s’il est établi que l’union libre présente les mêmes avantages économiques que le mariage pour le concubin qui reçoit assistance et entretien de son nouveau partenaire (Bon à Savoir 3 et 10/98). La pension versée pour des enfants reste, elle, due. Sauf modification du jugement de divorce ou de séparation.
Pour prévenir une éventuelle perte de votre rente/pension, discutez avec votre partenaire d’une compensation de cet argent. Cela également pour le cas de son décès ou d’une séparation. Autre solution, bien plus radicale: renoncez à la cohabitation.
Caisse de pension / rente de survivant*
Contrairement aux couples mariés, en cas de décès du partenaire, la concubine n’a aucun droit à une rente de la caisse de pension. Excepté dans certaines caisses, dont celle de la FTMH: l’amie ou l’ami survivant(e) bénéficiera d’une rente, à condition que le couple se soit engagé par écrit au soutien mutuel, que leur vie commune dure depuis 5 ans, que le/la survivant(e) ait au moins 45 ans et que le ou la défunt(e) n’ait pas un ou une ex-époux(se). Si le couple a des enfants communs, le survivant touchera une rente même avant l’âge de 45 ans, et même si la liaison a duré moins de 5 ans.
Mariage d’urgence
Il est donc judicieux d’étudier le règlement de vos caisses actuelles pour savoir si, et à quelles conditions, elle verse une rente de survivant.
Sachez encore qu’on peut se marier d’urgence, juste avant sa mort pour éviter des problèmes financiers à son partenaire. Cela même sur un lit d’hôpital.
Impossible de citer ici tous les autres points que devrait contenir un contrat de concubinage. Pour en savoir plus, nous vous recommandons l’excellent ouvrage du Centre social protestant**. Avec notamment un modèle de contrat de concubinage détaillé, que nous reproduisons sur notre site Internet www.bonasavoir.ch (à imprimer).
Ellen Weigand
*Lire à ce sujet et concernant l’AVS et la succession: «La mort n’aime pas les concubins», Bon à Savoir 2/98.
**Aspects juridiques de l’union libre, Editions La Passerelle, en vente au CSP de Lausanne, ( (021) 320 56 81, Prix actuel: 15 fr. Edition révisée disponible au printemps 2001.
A lire également: L’union libre: droit actuel et réformes nécessaires, Bernhard Pulver, Edition Réalités sociales, Lausanne, cop. 1999, Prix: 34 fr.
contrat de bail
Solidaires ou sous-locataires
Bail commun: il évite que l’un ou l’autre se retrouve dans la rue sans délai en cas de séparation ou de décès. Les concubins signataires sont alors solidaires (mêmes droits et devoirs).
Si l’un emménage chez l’autre, modifiez le bail dans ce sens, si le bailleur est d’accord. Ajoutez aussi une clause, permettant aux partenaires de résilier individuellement le bail et fixez la participation financière de chacun. Cela évitera que le bailleur n’exige que l’un des concubins paye l’entier du loyer si l’autre ne verse pas sa part. Un accord de répartition écrit entre les seuls concubins suffit pour, le cas échéant, se retour-ner l’un contre l’autre.
Bail au seul nom de l’un des concubins: dès lors l’autre doit partir si le locataire officiel le met à la porte, déménage ou décède, sauf si la régie l’autorise à rester.
Sous-location: le bailleur doit l’accepter, à condition d’en connaître les conditions et qu’elles ne soient pas abusives (par exemple loyer trop élevé) par rapport au bail principal, et que cela ne présente pas d’inconvénients majeurs pour le bailleur. Avantage: le respect de l’échéance et du délai de congé légaux ou fixés par le contrat. Là aussi un contrat de sous-location écrit (durée, conditions de résiliation, loyer, etc.).
pense-bête
Les bonnes questions
A l’établissement d’un contrat d’union libre, pensez aussi aux aspects suivants:
- En cas d’avance ou de dépenses d’argent de l’un des partenaires pour l’autre, doit-il le restituer? Quand et comment?
- La/le partenaire doit-elle/il bénéficier d’une part de la succession en cas de décès? Si oui, de quelle part?
- Faut-il assurer la retraite de l’autre de manière complémentaire (assurances, autres)?
- L’entretien du partenaire et des enfants, communs ou non, est-il assuré en cas de séparation/décès? Faut-il des disposition spéciales pour cela (prestations d’assurances sociales, caisse de pension, assurance vie, testament, etc.)?
- Les droits et devoirs du partenaire qui n’a pas l’autorité parentale d’enfants (communs ou non) sont-ils clairement définis, même en cas de séparation (pension alimentaire, droit de visite, etc.)?
- Faut-il rémunérer le travail de l’un des partenaires au sein de l’entreprise de l’autre? Si oui, comment et quand?