Si le diable dirigeait une gérance, il prendrait sans doute un malin plaisir à proposer des appartements en colocation, tant ce mode d’habitation, populaire auprès des étudiants, peut se transformer en enfer en cas de problèmes. Il ne s’agit pas, ici, de pointer du doigt les petits problèmes de la vie en communauté avec ses allergiques chroniques aux tâches ménagères et ses autres radins dévoreurs de provisions, mais plutôt les contraintes relatives au droit du bail. Car le contrat de colocation transforme tous les signataires en débiteurs solidaires vis-à-vis du bailleur (lire encadré). Dès lors, avant d’apposer sa griffe, mieux vaut être parfaitement conscient des conséquences potentielles.
Tous débiteurs
Imaginons que les occupants ont confié le paiement du loyer à l’un d’entre eux à qui ils versent chaque mois leur part et que ce dernier conserve discrètement l’argent. En vertu du principe des débiteurs solidaires, la gérance a alors parfaitement le droit de réclamer l’intégralité des impayés à n’importe lequel des colocataires. Il en sera de même, par exemple, pour une facture liée à des dégâts occasionnés par l’un des occupants, même dans sa propre chambre. Bien sûr, les autres locataires peuvent tenter de raisonner le responsable pour qu’il assume ses actes, mais le succès de la démarche n’est pas garanti. Le cas échéant, il est possible de saisir la justice civile compétente.
Autre source d’ennuis: le mauvais payeur, qui ne règle pas sa part de loyer. Impossible de le virer dès lors qu’il est, lui aussi, signataire du bail. Et, même si la situation devient à tel point intenable que les autres habitants décident de résilier le bail, il faut alors l’accord de tous les signataires, dont celui du mauvais payeur! Le bail valant reconnaissance de dettes, la communauté peut toutefois tenter de récupérer les sommes dues par le biais de l’Office des poursuites.
Rigidité collective
Globalement, il est vivement recommandé de rédiger à titre préventif un contrat interne fixant précisément le paiement des loyers, l’usage des locaux et le sort de la garantie déposée en cas de départ anticipé.
En fait, même si aucun problème particulier ne survient, le bail collectif est une formule plutôt rigide qui s’accommode mal du simple départ d’un membre de la communauté d’habitation. A ce moment, cette personne a un intérêt évident à ce que son nom soit rayé du contrat, faute de quoi elle restera débitrice solidaire. La gérance peut accepter de modifier simplement le contrat en conséquence, mais rien ne l’y oblige. Dans ce cas de figure, la situation se complique singulièrement. La solution peut passer par un accord écrit avec les personnes restantes, dans lequel elles s’engagent à prendre en charge la part du sortant. Autre possibilité, plus radicale et risquée: résilier le bail pour en signer un nouveau, mais il faut être certain que la gérance ne refusera pas un nouveau contrat ou n’augmentera pas le loyer. Et, si le contrat a été signé il y a quelques années, elle pourrait aussi profiter de l’occasion pour inscrire dans le nouveau document, le taux hypothécaire actuel, bien plus bas.
Dans l’idéal, il faudrait s’assurer, au moment de signer le bail collectif, que la régie acceptera de modifier les noms figurant sur le contrat sans le résilier. Mais, à l’heure où la pénurie fait rage dans les grands centres urbains, ce sont les bailleurs qui tiennent le couteau par le manche.
Sébastien Sautebin
EN PRATIQUE
Colocation et sous-location
Les colocataires sont les personnes inscrites sur le bail collectif. Si l’on vous propose d’intégrer une communauté d’habitation sans signer ce document, vous serez en sous-location et devrez être annoncé comme tel à la gérance. Il est alors vivement recommandé – mais pas obligatoire – de signer un contrat de sous-location avec le locataire principal, qui devient de facto votre bailleur.
La sous-location a un côté précaire, car vous risquez de devoir quitter votre logement si le locataire principal résilie la sous-location ou si la gérance met fin au contrat du locataire principal.
Néanmoins, le sous-locataire est aussi protégé par le droit du bail, qui lui permet par exemple de contester la résiliation de son contrat. Cette formule offre aussi une plus grande liberté de mouvement, puisque vous ne serez pas débiteur solidaire des autres habitants et, ainsi, prisonnier de votre signature comme dans un bail collectif.