Quand, l’an dernier, des traces d’antibiotiques ont été décelées dans des miels sud-américains, les gastronomes ont eu des frissons. Après la côte de bœuf, réserve éventuelle de prions, les convalescents risquaient de ne plus oser plonger à la louche dans le petit pot de mère-grand. Si même le miel n’était pas forcément bon pour la santé, autant passer aux pilules tout de suite.
Heureusement, l’alerte – qui n’a jamais concerné les miels suisses – fut de courte durée. Restait une découverte pour les flemmards qui n’avaient jamais lu une étiquette: le miel est souvent un mélange d’origine multiple. Et certains pots restent anonymes malgré un étiquetage réglementé (voir encadré).
Pour le consommateur habitué à déchiffrer des étiquettes dignes d’un inventaire de Prévert revu par un chimiste déjanté, les informations sur le miel paraissent pour le moins laconiques. L’ordonnance sur les denrées alimentaires permet des indications floues. Comme le lait, la farine ou le sucre, le miel est une substance de base, non industrielle, vendue en principe sans adjonction: seule son origine varie. En clair: le miel, c’est du miel, et voilà. Les assoiffés de détails peuvent retourner leur pot en tous sens et découvrir, éventuellement, qu’il contient quelque 355 calories aux 100 grammes, dont 95% sous forme d’hydrate de carbone, glucose, fructose et autres sucres.
Côté santé, les pots de miel du commerce sont contrôlés: les laboratoires cantonaux vérifient qu’ils ne soient ni périmés, ni modifiés et ne contiennent pas de traces importantes de produits toxi-ques. A cela s’ajoutent les contrôles de la Fédération suisse des sociétés d’apiculture qui portent sur la production helvétique, environ 3000 tonnes par an (6000 autres sont importées). Bernard Cherpillod, responsable pour le canton de Vaud, délivre des certificats après vérification du goût, de l’odeur, de l’aspect visuel et de la teneur en eau, pour éviter une fermentation. Les productions se distinguent alors par un bandeau doré avec l’inscription «contrôlé par la SAR» pour Société romande d’apiculture.
En fait, le miel, dont les propriétés nutritives et antibactériennes intéressent les scientifiques et les gourmands,
demeure un aliment à con-seiller, qu’il provienne d’un mélange de grande surface ou d’un petit producteur. Stefan Bogdanov, de la section apicole de la Station de recherches laitières de Liebefeld, rappelle que le miel perd simplement de ses propriétés en même temps que sa fraîcheur – au-delà d’environ deux ans de conservation – et s’il a été surchauffé, à la mode américaine.
Reste que, pour satisfaire ses papilles et sa curiosité aromatique, le gastronome doit avoir du flair: s’il achète, comme la majorité des Suisses, son miel directement chez l’apiculteur ou au marché,
son nectar condensé sera en principe issu d’une seule production, précisée sur le pot.
Spécialités étrangères
En revanche, il est plus difficile de trouver du miel suisse d’une sorte spécifique de fleur ou d’arbre, même s’il existe d’excellents miels d’acacia, de châtaignier, de colza et de pissenlit. Cela est dû notamment à la taille des champs et à la composition des forêts qui garantit rarement une proportion suffisante de pollen d’un type précis pour justifier une appellation. Le miel de Monsieur Ours sera donc puisé dans les différentes espèces végétales rencontrées sur un rayon d’environ quatre kilomètres autour des ruches.
Les adeptes du miel de lavande ou de fleur d’oranger devront, eux, dénicher, la spécialité étrangère. Mais autant oublier tout de suite la Migros, la Coop et la majorité des grands distributeurs qui proposent des pots aux mélanges standardisés réunissant de nombreuses sortes de multiples origines: ils coûtent souvent moitié moins cher, mais plus question de s’amuser à chercher l’effluve de romarin ou de rhododendron.
Sonia Zoran
CE QUE DIT LA LOI
Une étiquette très sobre
Les indications obligatoires selon l’Ordonnance sur les denrées alimentaires :
– La dénomination spécifique, soit: miel.
– Le nom et l’adresse du producteur ou de l’entreprise de conditionnement.
– Le pays de production.
– Le poids, brut et net.
– L’indication du lot: la dénomination ou le numéro permettant d’identifier la récolte.
Une origine géographique plus précise est autorisée, mais pas obligatoire, tout comme la spécialité. Mais, dans ce cas, la déclaration doit être vérifiable chimiquement. Pour éviter toute accusation de fraude, les étiquettes privilégient les notions vastes et floues: le miel de forêt de la Migros, par exemple, peut provenir ainsi d’à peu près n’importe quel arbre et, sous origine, il est écrit «Europe, Amérique, Asie et Océanie»...