Divorcé et père de trois enfants, Alain* se sentait seul. Au début de l’année, il parcourt le Teletext suisse (swiss txt) et découvre la rubrique «rencontres». Ce service compte une quinzaine de pages (p. 815 à 830) proposant, via des numéros surtaxés, des discussions téléphoniques où le quidam peut faire la connaissance d’autres personnes et, peut-être, trouver l’âme sœur. Pour Alain, l’aventure va se terminer, deux mois plus tard, avec une facture téléphonique de 3000 fr.
Que s’est-il passé? Notre lecteur a croché sur les pages 821 et 822 du Teletext où figurent des annonces gérées par la société Cortex Communications AG, établie dans le canton d’Obwald et créée par un Romand.
Un système suspect
A la page 822, sous le titre «Parlez-vous directement en duo», on trouve un numéro de téléphone gratuit qui permet de s’inscrire et d’écouter les profils vocaux des inscrits. La page 822 fournit aussi une liste de 24 inscrits, 18 femmes et 6 hommes qu’on peut appeler directement. Le principe: celui qui reçoit le coup de fil ne paie rien, mais celui qui appelle passe par un numéro 0901 à 1.50 fr. la minute. Or, Alain va faire de nombreux appels, mais n’en recevra aucun, d’où une facture pharaonique. Certaines interlocutrices vont d’ailleurs avancer des arguments plutôt étranges («Je n’ai pas de téléphone»…) pour ne pas lui communiquer leur numéro privé et continuer la conversation sur le numéro surtaxé.
Intrigué, nous avons donc créé notre propre profil. Personne ne nous a appelé non plus. Il faut dire que notre profil n’est pas apparu sur l’écran du Teletext! Et le coup de fil que nous avons lancé à une inscrite nous a incité à nous demander si certaines interlocutrices n’étaient tout simplement pas payées pour répondre aux appels.
Nous avons donc interpellé Cortex Communications, qui a catégoriquement démenti notre hypothèse et nous a répondu que son «service Telechat de la page 822 n’a pas d’animateurs professionnels».
Des «chats» animés
Pourtant, cette société semble bien recourir à des pratiques de ce genre. Nous avons en effet découvert qu’elle possède un site mobidate.ch, qui regroupe différents services 0901, dont les annonces de la page 822. Or, les conditions générales d’utilisation figurant sur le site expliquent que «certains de ses services de «chat» sont animés ou modérés». «Animés»! Mais lesquels et de quelle manière? La société n’a pas voulu répondre à nos questions.
Nous avons alors observé soigneusement l’évolution de la page 822 et constaté que le contenu de la liste de 18 femmes et 6 hommes ne varie que peu ou prou, tout au long de la journée! Sur 118 femmes inscrites (chiffres fournis par Cortex), une vingtaine d’entre elles seulement ont quasi continuellement leur code affiché à l’écran. Qu’en est-il des 100 autres? Et les six codes masculins ne varient pas, alors que le service compte 592 profils d’hommes! Cortex aurait-elle un intérêt à ce que certains profils figurent constamment au premier plan, afin qu’ils soient régulièrement appelés? La société ne nous a fourni aucune réponse convaincante à ce sujet.
Mais, finalement, qu’Alain ait parlé ou non avec des animatrices, toujours est-il qu’il a dépensé près de 3000 fr. pour rien. En appelant un numéro surtaxé, c’est notre compte en banque, bien plus que le cœur de notre interlocuteur ou de notre interlocutrice, qui risque de fondre.
Sébastien Sautebin
*Prénom fictif.
EN PRATIQUE
Victime d’un abus?
Si vous estimez avoir été victime d’un abus avec un numéro surtaxé:
- Préparez un dossier aussi complet que possible.
- Contestez, par écrit avant la date d'échéance, la partie de la facture en cause auprès de votre opérateur et motivez votre démarche. Tant que vous vous acquittez des montants que vous ne contestez pas, votre raccordement ne peut être coupé.
- Contactez la société responsable et essayez de régler le problème à l’amiable.
- Si cette action échoue et que vous désirez régler le litige sans recourir à la justice, vous pouvez demander au médiateur des communications d’intervenir. Il faut pour cela remplir un formulaire disponible sur www.ombudscom.ch ou le demander au & 031 310 11 77.