Il existe de bonnes et de mauvaises bactéries. Le problème, c’est qu’à force de vouloir nous prémunir contre les mauvaises, on a aussi éliminé les bonnes...
Ainsi, en pasteurisant le vacherin, on a certes éliminé le risque de la listéria, mais en même temps, on s’est privé de centaines de germes qui jouent un rôle primordial dans la lutte quotidienne contre certaines maladies allergiques, immunitaires, digestives, etc. Et les antibiotiques (sous forme de médicaments, ou cachés dans les aliments comme certaines viandes, certains miels, etc.) ont certes été conçus pour éliminer de mauvaises bactéries, mais ils font de même avec quantité de germes tout ce qu’il y a de plus bienfaisants.
Ainsi, il ne se trouve pas un jour de la semaine où le médecin Paul Corthay ne décèle une flore intestinale déséquilibrée, le plus souvent parce qu’elle manque de bactéries lactiques (bifidus surtout), essentielles au bon fonctionnement des systèmes immunitaire et digestif. «Or, commente l’allergologue genevois, nos ancêtres (mais aussi les populations actuelles des pays de l’Est, d’Asie et d’Afrique) étaient préservés de ce type d’affection, tout simplement parce qu’ils mangeaient de nombreux aliments fermentés naturellement.»
Pâle reflet
A force d’aseptiser notre alimentation, afin d’éliminer certains germes, mais aussi pour uniformiser leur goût ou améliorer leur rentabilité, nous avons en effet réduit leur équilibre et variété comme peau de chagrin. «Pourtant, rappelle le Dr Corthay, le tube digestif de l’être humain est un véritable écosystème contenant 1014 bactéries, contre 1013 cellules humaines pour la totalité de l’organisme.» Voilà pourquoi le spécialiste genevois prescrit très souvent une cure de probiotiques, ces médicaments contenant les bactéries lactiques que nous ne trouvons plus dans nos repas.
Les probiotiques (qui ne font pas partie de la Liste des spécialités et qui ne sont donc pas remboursés par l’assurance de base) sont toutefois un pâle reflet de ce que les aliments fermentés naturellement peuvent apporter. Le Lactibiane, par exemple, contient certes plusieurs milliards de bactéries lactiques par dose, mais de 4 souches différentes seulement, contre plusieurs centaines dans les produits fermentés artisanalement (choucroute, fromage, charcuterie...). «Mais pas de n’importe quelle choucroute ou quel fromage, précise le Dr Corthay, car ceux que l’on trouve dans le commerce sont, pour la plupart, pasteurisés juste avant l’emballage. Dès lors, on leur enlève tous les germes intéressants qu’ils ont développés durant la fermentation.»
Des propos confirmés par Tomaso Sozzi, qui, en iso-lant le fameux LC1, pour
le compte des laboratoires Nestlé a permis le développement des yogourts enrichis de quelques variétés oubliées de lactobacilles. «Ces produits, très en vogue dans l’alimentation commerciale, explique le chercheur italien, sont un premier pas dans la bonne direction. Mais ils ne remplaceront jamais le pain ou le vin d’antan, conservés grâce aux nombreux germes dus à la fermentation.»
Recettes d’antan
En revenant aux recettes d’antan (lire encadré ci-contre), on retrouvera donc tous les bon microbes dont la science est – lentement – en train de comprendre que non seulement ils rééquilibrent la flore intestinale, mais qu’ils jouent aussi un rôle primordial dans les défenses de l’organisme.
Christian Chevrolet
recette traditionnelle
La choucroute: de simples choux fermentés
La lacto-fermentation permet le développement naturel d’une flore microbienne qui transforme une partie des sucres contenus dans les légumes en acide lactique, paralysant du même coup les bactéries responsables de la putréfaction.
Exemple pour obtenir
une choucroute:
• Laver les choux et les râper en fines lamelles.
• Mélanger avec du sel (50 g pour 10 kg de chou), du cumin (20 g pour 10 kg) et des baies de genièvre (idem) dans un grand récipient, et mettre le tout dans un pot en grès en tassant énergiquement au fur et à mesure que l’on remplit (élimination de l’air).
• Au bout de quelques jours, les choux baignent entièrement dans leur jus. Poser alors un couvercle en bois entouré d’un chiffon propre sur les légumes, et mettre une grosse pierre sur ce couvercle.
• Laisser fermenter pendant trois semaines au moins à une température de 15 à 18 degrés.
• Prélever la quantité de choucroute nécessaire après avoir éliminé le liquide qui surnage, laver la toile et le couvercle à l’eau claire avant de les replacer et de reposer la pierre sur le tout.
• Autres recettes de fermentation des légumes (concombres, cornichons, carottes, navets, etc.) sur le site Internet http://www.multimania.
com/cepvdqa/choucrou.htm. ou dans les livres de Claude Aubert (éd. Terre vivante).