Ce que beaucoup craignaient s’est vérifié. De la viande infectée par l’encéphalite bovine spongiforme (EBS) peut toujours atterrir dans nos assiettes. Pourtant, il y a un an, l’Office vétérinaire fédéral affirmait encore: «En Suisse, aucun animal abattu pour la consommation n’est malade.» Mais le résultat d’une analyse de l’entreprise zurichoise Prionics prouve le contraire. Grâce à son test de détection rapide, effectué fin août, il a été constaté que la vache Winnie, d’Affoltern (ZH) était atteinte de la maladie de la vache folle. Les morceaux de la bête se trouvaient alors déjà à l’abattoir, prêts à être livrés aux commerçants!
A noter que cette découverte n’a été possible que parce que Prionics a réalisé son test sur 3000 vaches à titre d’essai pour le compte de l’Office vétérinaire fédéral.
Une vache infectée sur 3000, c’est un chiffre inquiétant. Et bien plus important que ne veut le croire l’Office vétérinaire qui, en juillet dernier, chiffrait la prévalence de la maladie à «moins de trois cas sur 100 000». Différence qui s’explique par le fait que Berne ne compte que les cas de bêtes se trouvant dans un stade très avancé de la maladie. A savoir, lorsque l’éleveur ou le vétérinaire peuvent en reconnaître les symptômes.
Mais au stade précoce, comme dans le cas de Winnie, l’animal ne montre pas de symptômes évidents. Seul un test en laboratoire peut alors apporter la certitude qu’il n’est pas encore porteur du virus.
C’est pourquoi le Forum des consommatrices alémaniques exige de ne mettre en vente désormais que du bœuf préalablement contrôlé. Pour cela, les autorités devraient rendre le test rapide obligatoire à chaque abattage. Mais les offices fédéraux concernés s’y refusent.
Justification d’Urs Klemm, vice-directeur de l’OFSP (Office fédéral de la santé publique): «Les mesures prises jusqu’à maintenant suffisent. Un test obligatoire ne serait d’aucune utilité supplémentaire pour le consommateur.» Même réaction à l’Office vétérinaire: les agents provoquant l’EBS se trouveraient surtout dans la cervelle, la mœlle épinière et la rate, de toute manière interdites de vente.
Pourtant, depuis un certain temps déjà, des scientifiques, tel Adriano Aguzzi, professeur à l’Université de Zurich, n’excluent plus que la viande aussi puisse constituer un risque pour l’homme. De plus, il est établi depuis deux ans que les agents responsables de l’EBS peuvent déclencher une nouvelle variante de la maladie de Creutzfeldt-Jacob chez l’humain. En Europe, 30 personnes déjà ont contracté cette variante meurtrière.
Diminuer l’abattage
Après la mort de Winnie, les 26 autres vaches et 10 génisses du troupeau de l’éleveur Bernard Jordi ont été abattues, comme l’exigent les autorités. Les tests effectués après la mort ont cependant montré qu’aucune des bêtes n’était atteinte du virus. Une telle situation n’est pas exceptionnelle: depuis 1990, la maladie est apparue dans 269 troupeaux, mais seulement huit d’entre eux comportaient deux ou trois vaches infectées. En rendant le test obligatoire, on renforcerait donc non seulement la sécurité, mais on pourrait aussi éviter d’abattre l’entier du troupeau lorsqu’une seule bête souffre d’EBS.
Reste cependant que, même si l’analyse systématique présente des avantages, le risque zéro n’existe pas encore. Car le test rapide ne peut détecter l’infection que six mois avant que la maladie ne se déclare.
la recherche se poursuit
Sur la piste des pesticides
Outre la perte de son troupeau, l’éleveur Bernard Jordi doit supporter les soupçons des autorités. Car pour l’Office vétérinaire fédéral, il n’existe qu’une explication à l’infection de Winnie: les vaches du Zurichois ont mangé de la farine animale après son interdiction en 1990.
Ce que l’agriculteur réfute vivement. Winnie est née chez lui. Sa nourriture provenait de sa ferme et l’aliment spécial qu’elle mangeait à l’époque où elle était un veau était exempt de farines animales selon le fabricant.
A noter, à ce propos, que des chercheurs britanniques ont commencé à suivre une nouvelle piste: des pesticides pourraient être responsables de l’EBS. En effet, on s’est aperçu que les paysans écologiques britanniques, qui travaillent sans pesticides, ne comptaient aucune vache atteinte d’EBS. Pourtant, elles avaient avalé des farines animales durant des années.