L’étiquette n’a pas menti, mais le jambon ne sent pas bon ou la salade est flétrie... La date limite de consommation figurant sur l’emballage d’un produit n’est pas toujours fiable. Normal: elle n’indique rien sur la manière dont la denrée a été conservée. L’échéance est seulement fixée en fonction de l’appréciation – par le producteur ou le distributeur – des conditions de conservation du produit. Or, si la dégradation intervient avant la limite, le consommateur n’a pas d’outil pour la déceler, sinon son nez et ses yeux. Mais toutes les altérations ne sont pas perceptibles aux sens.
Alors, pourquoi ne pas faire figurer sur l’emballage des produits à conserver au-dessous de 5 degrés une indication plus réaliste de leur état de fraîcheur? Ce type d’indicateur existe: une pastille adhésive imprimée d’une encre spéciale qui enregistre de façon irréversible les écarts de température, et peut être programmée en fonction d’une durée et d’une température plafond.
Sur l’emballage d’une côtelette, par exemple, la «puce-fraîcheur» dit tout en un coup d’œil. La viande est encore fraîche, mais devrait être consommée sans tarder? La côtelette a dépassé la température et la durée de conservation fixées lors de son conditionnement? Le réactif en témoigne en changeant de couleur (voir encadrés).
Adopté en France
En France, la chaîne de supermarchés Monoprix est très satisfaite de ce système, adopté en 1991. «Cela a créé une relation de confiance envers les produits de la marque», commente chez Monoprix Olivier Beyer. Mais il est vrai que la mise en place de cet étiquetage high-tech a demandé des efforts considérables aux fournisseurs des quelque 160 produits frais concernés (de
la viande aux produits laitiers en passant par les salades en portion).
En Suisse, la société Digipel commercialise l’une de ces puces et l’a proposée voici trois ans à Coop et Migros. Sans succès: les deux ténors de la distribution ont préféré s’en tenir à la double date limite-vente et consommation.
Chez Coop, le porte-parole Karl Weisskopf impute ce refus à la «précision insuffisante» de la puce en regard de son prix (5 cts. l’unité): «Elle ne permet pas de déceler avec précision les étapes où la chaîne du froid a été rompue. Quant au consommateur, elle ne lui dit pas à l’avance quand le produit cesse d’être consommable, contrairement à la date limite». Même réponse chez Migros, où l’on estime que «le système Migros-Data est parfaitement à jour par rapport aux exigences de la loi suisse». Alfredo Schiliro, responsable adjoint de l’information, proclame même que «la chaîne du froid de Migros respecte constamment les températures indiquées».
Dates «poussées»
Pourtant, c’est souvent lorsque les produits arrivent au magasin que la chaîne du froid est mise à mal. Dès ce moment, c’est la maintenance des frigos et la vitesse à laquelle les produits y sont entreposés qui comptent. «Tout repose sur l’homme», résume Adolf Fritschi, directeur de Bell, fournisseur de Coop (entre autres) dans de nombreux cantons. «Les petites quantités sous emballage sont particulièrement sensibles aux hausses de température», ajoute-t-on chez Micarna, qui fournit la viande à Migros. Au laboratoire cantonal vaudois, le chimiste Pierre Beaud est plus direct: «La loi ne fixe pas de barème pour définir la date limite de consommation. Dans de nombreux cas, on «pousse» les dates sans tenir compte des aléas du conditionnement, du transport ou de l’entreposage.»
Alors, à quand la puce-fraîcheur chez nos géants orange? «On changera de système si nos clients l’exigent», répond-on en chœur chez Bell et chez Micarna. L’adoption de la puce serait l’occasion d’une révision en profondeur du maillon faible de la chaîne du froid. Une révision nécessaire, comme l’a prouvé début octobre l’émission A Bon Entendeur: les tests menés sur la charcuterie vendue dans huit grandes surfaces romandes ont révélé dans cinq cas un taux de germes bien au-dessus des valeurs limite. Quant aux températures des frigos, elles dépassaient les 5 degrés dans sept magasins sur huit -dont Denner, Placette, Waro, EPA, Magro, Coop et Migros.
Blaise Guignard
témoin de fraîcheur
La fraîcheur
du produit
est garantie
témoin de fraîcheur
Limite
de garantie
Il faut consommer
témoin de fraîcheur
La fraîcheur
n’est
plus garantie
Précisions parues dans BàS 11/99
Faux distributeur
Contrairement à ce que la société Digipel nous a communiqué, ce n’est pas elle qui représente auprès des distributeurs suisses la pastille adhésive réactive fabriquée par Lifelines, mais la maison Advance Products Sàrl à Vandœuvres (GE).
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