Fernand Zimmermann apprend, en mars 2001, que la police zurichoise l’accuse d’avoir effectué un tourner sur route délictueux. Un agent aurait vu son véhicule franchir une ligne jaune de bus et une double ligne blanche.
Or, notre lecteur se souvient clairement de l’endroit où il a effectivement tourné sur la route et qu’il n’y avait aucune ligne, ni jaune ni blanche. La police zurichoise lui réclame néanmoins 845 fr. d’amende et de frais de dossier. De plus, il risque un retrait de permis.
Cul-de-sac?
Pour lutter contre cette injustice, Fernand Zimmermann contacte sa compagnie d’assurances de protection juridique (APJ), qui mandate un avocat zurichois pour défendre les intérêts de son assuré.
Mais l’homme de loi conclut rapidement que l’affaire n’a aucune chance d’aboutir. Il estime qu’aucun élément ne permet de mettre en cause les déclarations du policier.
Une question turlupine cependant l’esprit de notre lecteur: «Où se trouvait l’agent lorsqu’il a constaté l’effraction?» Mais l’avocat refuse d’entrer en matière.
La compagnie d’assurances avertit notre lecteur qu’il peut encore soumettre son cas à un arbitre, qui tranchera la question des chances de succès (lire encadré). Mais elle s’empresse d’ajouter que les frais de cette procédure pourraient lui être imputés si l’arbitre arrive à la même conclusion que l’avocat. Fernand Zimmermann, échaudé par le premier refus de son assurance, décline la proposition et décide de défendre son cas tout seul.
Il parvient à se faire indiquer l’endroit où était posté le policier zurichois, procède à une reconstitution et constate que, à cette distance, il est impossible de lire le numéro de plaque d’une voiture effectuant le fameux tourner sur route.
Lors du procès, en novembre 2002, Fernand Zimmermann présente cet argument au juge. L’agent de police est entendu, mais plus d’une année et demie après les faits, il ne se souvient plus de rien. Restent les notes qu’il a prises lors de l’infraction
et, heureusement pour notre lecteur, le juge trouve qu’elles sont incomplètes. Verdict: Fernand Zimmerman est libéré de toute condamnation, faute de preuve et en vertu de son apparente bonne foi. Il reçoit même 150 fr. de dédommagement.
La morale de cette histoire pourrait être: «On n’est jamais mieux servi que par soi-même.» Encore faut-il en avoir le temps et les moyens! Fernand Zimmermann s’est bien battu et a résilié son contrat d’assurance depuis mais, à sa place, la plupart des assurés auraient probablement baissé les bras.
Conflits fréquents
La procédure d’arbitrage n’est pourtant pas dénuée d’intérêt. Notre lecteur a préféré s’en passer, mais la loi l’a spécialement prévue pour les cas de conflit d’intérêt entre l’assuré et l’assureur. Lesquels ne sont malheureusement pas rares. Notre rédaction en est régulièrement témoin. Souvent, le litige porte sur une petite somme, pour laquelle, on l’imagine, la compagnie d’assurances n’a guère envie de dépenser des centaines de francs en honoraires d’avocat.
Or, une assurance ne peut refuser de défendre un client pour une question d’argent, exception faite des contrats prévoyant une franchise, une limite par cas ou des clauses d’exclusion. Me Thierry Thonney, président de la section vaudoise de l’Association suisse des assurés (ASSUAS) précise d’ailleurs: «Si le montant en jeu est faible, l’assurance préférera souvent mettre l’argent sur la table, afin d’éviter les frais d’une procédure.»
Zéro chance de succès
Pour avoir le droit de botter en touche une affaire, l’assureur doit établir qu’elle est dénuée de toute chance de succès. S’il estime que tel est le cas, il doit aussitôt proposer par écrit une solution à son assuré et l’avertir qu’il peut faire appel à un arbitre.
L’intervention de l’arbitre se justifie si l’assuré estime que son affaire a des chances raisonnables d’aboutir en poursuivant les démarches juridiques.
L’arbitre sera choisi d’un commun accord entre l’assureur et l’assuré. Il peut s’agir, par exemple, d’un avocat indépendant, d’un professeur de droit ou d’un juriste spécialisé. Sur la base des éléments à disposition et d’un éventuel complément d’enquête, celui-ci fera un pronostic. Si l’arbitre trouve qu’effectivement l’affaire est dénuée de toute chance de succès, l’assureur peut laisser tomber. En revanche, s’il décide que le jeu en vaut la chandelle, bien que le cas soit épineux, l’assureur devra défendre les intérêts de son client jusqu’au bout.
Procédures remboursées
Les compagnies d’assurances n’aiment pas trop ces procédures d’arbitrage. «Elles préfèrent encourager l’assuré à poursuivre les démarches seul, en lui disant que, s’il gagne, elles rembourseront ses frais de procédure», commente Me Thierry Thonney de l’ASSUAS. L’Ordonnance sur l’assurance de la protection juridique prévoit ce remboursement des frais de procédure jusqu’à concurrence du montant maximum garanti.
En revanche, l’assuré victorieux ne pourra réclamer ni dédommagement ni remboursement des primes versées. Mais il peut toujours se départir de son contrat et aller voir ailleurs... Une assurance de protection juridique reste en effet utile: elle facilite tout de même l’accès à la justice et une petite procédure judiciaire peut aisément amortir dix années de primes.
Joy Demeulemeester
procédure
Qui paie l’arbitre?
La procédure d’arbitrage est payante. En général, l’arbitre demande une avance de frais, qui varie en fonction du montant de ses honoraires et de la complexité du cas. Cela peut donc coûter plusieurs centaines de francs. Assureur et assuré payent chacun la moitié de cette avance. Ensuite, c’est la partie en tort qui règle la facture totale.
2e encadré
points à vérifier
Avant la conclusion du contrat d’assurance
Lors de litiges dans le domaine du travail, du bail ou de la circulation, les conseils d’un spécialiste sont souvent les bienvenus. Une assurance de protection juridique (APJ) couvre les frais de conseil juridique, d’avocat, d’expertise et de procès dans deux principaux domaines, dits de «vie privée» et «circulation». Or, les APJ n’offrent pas toutes les mêmes services. Avant de vous plonger dans les conditions générales de chacune, déterminez dans quelles situations une aide juridique pourrait vous être utile:
• Vos principaux risques sont-ils déjà couverts par des assurances perte de gain, vie, responsabilité civile, incendie ou ménage?
• Bénéficiez-vous déjà d’une protection juridique au travers d’une assurance, d’un syndicat, d’une association de défense des locataires ou des consommateurs, par exemple? Et quelles sont leurs limites? Vous ferez des économies en évitant les doublons.
• Avez-vous la possibilité d’étendre les couvertures existantes?
• Risquez-vous d’être engagé dans une coûteuse procédure judiciaire concernant des cas non couverts actuellement?
Si, après analyse, vous estimez avoir besoin d’une APJ, voici les points à vérifier:
• Une prime élevée ne garantit pas des prestations supérieures.
• L’APJ privée doit couvrir les principales sources de conflits juridiques, soit tous les types de litige en matière de contrat (bail, travail, assurances, vente, etc.).
• Les APJ n’accordent pas de protection dans les conflits d’ordre familial (divorce, successions), les procédures fiscales ou administratives, l’achat ou la vente d’immeuble. Mais certaines donnent droit à une consultation annuelle pour ces problèmes.
• Veillez aux montants assurés (souvent maximum 250000 fr. par cas), aux franchises, aux nombres de procédures autorisées par an (parfois limitées à une seule pour les conflits de voisinage), aux exclusions prévues par certains contrats (p.ex. les prêts).
• Examinez qui est couvert par la police. L’APJ assure-
t-elle aussi les concubins? Et, dans le cas d’une APJ circulation, tous les véhicules et tous les membres de la famille?
• L’APJ circulation devrait aussi couvrir les litiges concernant l’achat, le leasing, les réparations et la location du véhicule.
• Préférez une APJ qui vous laisse choisir librement votre avocat.
• Optez pour un contrat d’une durée d’un an. Ainsi vous pourrez ensuite facilement l’adapter à vos besoins.
• Prenez garde aux réductions de prestations en cas de négligence grave. Demander à l’assurance ce qu’elle entend par là.