Tout le monde se souvient de la campagne publicitaire accrocheuse et très ciblée menée par La Poste l’an dernier pour inciter les jeunes à ouvrir un compte jaune: «Pas d’compte, pas d’pager, pas d’carrière de mannequin», etc. Opération semble-t-il couronnée de succès, de nombreuses personnes ayant cédé à des arguments de choc: cadeaux de bienvenue, pas de frais (ce ne sera plus vrai dès le 1er avril), postcard gratuite, etc.
Découvert doublé
«Et après avoir commandé sans aucune difficulté la panoplie du parfait utilisateur
du compte jaune, commente Pierre-Yves Bassin, éducateur au Relais de Morges, les jeunes n’ont plus qu’à puiser de l’argent là où il n’y en a pas, puisque La Poste autorise, durant vingt-huit jours, un découvert jusqu’à 1000 fr., voire plus. En effet, le temps que l’entreprise constate l’état du compte et qu’elle adresse ses rappels, quelques centaines de francs peuvent encore être tirés avant qu’il ne soit définitivement bloqué!»
C’est ainsi qu’un jeune adulte, aidé par Pierre-Yves Bassin dans la gestion de son dossier administratif et financier, s’est retrouvé avec un commandement de payer de 2000 fr. Comment est-il possible de doubler un découvert que La Poste est déjà le seul établissement à accorder sans négociation préalable? L’explication viendra en deux temps.
«Dès que le découvert atteint 200 fr., nous a d’abord expliqué Cyrill Luchsinger, de Postfinance, nous envoyons un premier avertissement, sans plus. Mais dès qu’il dépasse la limite de 1000 fr., nous faisons parvenir une sommation et bloquons les comptes dans les heures qui suivent.»
La mécanique n’est malheureusement pas aussi bien huilée. Si tel était le cas, le jeune adulte épaulé par Pierre-Yves Bassin n’aurait en effet jamais dû arriver à un solde négatif frôlant les 2000 fr. En fait, il s’est passé cinq jours entre le moment où La Poste a constaté le dépassement des 1000 fr. et le blocage de la carte. L’historique de la gestion du compte incriminé que La Poste nous a transmis le confirme:
• Le compte est ouvert le 5 novembre 1997 et différents retraits et versements – jamais importants – sont effectués dans le courant du mois.
• Le 4 décembre, le découvert dépasse la limite de 1000 fr. Première sommation, mais le compte n’est pas bloqué.
• Le 9 décembre, le client retire encore de l’argent, augmentant le solde négatif à 1855 fr. et le compte est enfin bloqué.
Pour expliquer cette situation précise, le service de M. Luchsinger revient sur ses premiers commentaires en précisant que le blocage de la carte n’est pas immédiat, car La Poste laisse une chance, surtout en fin de mois (le temps qu’un éventuel salaire soit crédité sur le compte) de combler le découvert durant les dix jours suivant la sommation. Mais si le solde négatif augmente, la carte est bloquée sans délai.
Un raisonnement qui irrite Pierre-Yves Bassin: «C’est vrai, ces retraits sont illégaux et irresponsables, mais je suis bien placé pour savoir que si certains jeunes savent gérer leur maigre salaire d’apprenti, ce n’est pas le cas de tout le monde. En acceptant un découvert de 1000 fr., et beaucoup plus pour des raisons de procédure, La Poste facilite l’endettement des jeunes de 18 ou 20 ans. Ce n’est pas admissible.»
Son discours a été à moitié entendu: dès le 1er avril, le découvert sera ramené à 500 fr. pour tous les jeunes, ce qui reste quand même supérieur à la plupart des salaires d’apprentis...
Christian Chevrolet
3 questions
Les lésés de SWA
«J’ai eu le malheur d’acheter en décembre dernier deux billets d’avion Genève-New York à la compagnie Swiss World Airways (SWA). Or, les passagers lésés n’ont pas été, comme on a pu le lire, repris gratuitement par British Airways; ils pouvaient seulement lui acheter des billets au tarif pratiqué par SWA. Je me retrouve donc avec deux titres de transport pour un montant de 1575 fr.
1. Existe-t-il une possibilité d’action en justice contre les administrateurs de la compagnie pour abus de confiance et gestion déloyale?
2. Est-il possible pour moi de saisir la justice, car je suis devenu par la force des choses un créancier?
3. Quels moyens puis-je employer pour me faire rembourser?»
Joël Pastre, Genève
1. Bien sûr, il est toujours possible d’intenter une action en justice comme vous l’entendez, mais, à notre connaissance, cela n’a pas été fait contre SWA.
2. SWA est actuellement en sursis concordataire. Si la faillite est prononcée, vous ne serez certainement pas un créancier de premier ordre et aurez donc peu de chances de vous faire rembourser. En revanche, lorsqu’un sursis se conclut positivement, les créanciers sont généralement remboursés, mais partiellement.
3. Demander son remboursement (si ce n’est déjà fait) et attendre... L’avenir de SWA est incertain. Si la société est renflouée, nous a déclaré Cédric Bonvin, responsable du service à la clientèle, il est vraisemblable que votre cas, comme d’autres (moins d’une centaine selon SWA), sera pris en considération. Mais impossible de dire dans quelle mesure.
C. C.