Elio Marazzi, directeur de la caisse de pension de la FTMH (*), le proclame avec fierté: «Nous sommes des pionniers.» Et c’est vrai que, depuis 1996, sa caisse est l’une des rares à traiter les concubins presque de la même façon que les couples mariés.
Plus concrètement, nous parlons de la rente que touche le partenaire survivant lors du décès de l’autre. Pour les couples mariés, tout est prévu: en cas de décès du mari, la veuve touche – à vie – une rente mensuelle de la caisse de pension, pour autant qu’elle doit s’occuper des enfants ou qu’elle a au moins 45 ans et que le mariage a duré plus de 5 ans. Rien de tel pour les concubins: en principe, la femme n’a pas le droit à une rente, ce qui suscite toujours plus de critiques.
Et c’est là que la FTMH fait œuvre de pionnier. Pour sa caisse de pension, le concubinage est presque considéré comme le mariage. En effet, l’amie ou l’ami survivant(e) bénéficiera également d’une rente, pour autant que le couple s’est engagé par écrit à se soutenir mutuellement, que la vie commune dure depuis 5 ans, que le ou la survivant(e) a au moins 45 ans et que le ou la défunt(e) n’a pas un ou une ex-époux(se).
En revanche, si le couple a des enfants communs, le survivant touchera une rente même s’il n’a pas encore 45 ans et que la liaison dure depuis moins de 5 ans, car ce droit est applicable pour toute descendance de sang, indépendamment de l’état civil.
D’autres caisses suivent
La caisse de la Migros (50000 assurés) a non seulement suivi le mouvement, mais l’a amélioré depuis le début de l’année, pour les concubins comme pour les couples mariés: la personne restant seule et sans enfants peut prétendre à une rente à partir de 35 ans déjà.
Quelques autres (mais peu nombreuses) caisses de pension vont dans la même direction, en Suisse alémanique surtout.
Tous ces pionniers peuvent cependant moduler leur offre en fonction d’une circulaire de l’administration fédérale des impôts, qui souligne qu’une tierce personne – le concubin dans notre cas de figure – ne peut bénéficier d’une telle rente que si elle a «massivement soutenu» le ou la défunt(e). Que faut-il comprendre par «massivement soutenu»?
La FTMH a contourné le problème en l’ignorant: cette notion ne figure pas dans son règlement et ses assurés bénéficient donc d’une protection maximale. Mais pour la Migros, le ou la défunt(e) doit avoir payé au moins la moitié des frais du ménage commun; autrement dit, elle doit avoir gagné au moins autant que sa ou son partenaire.
Lorsqu’il y a des enfants communs, la preuve du soutien ne devrait pas poser de problème, surtout si l’un des partenaires s’en est plus spécialement occupé.
Points à analyser
Les exemples de la FTMH et de la Migros démontrent qu’il existe des solutions hors mariage pour deux partenaires travaillant et finançant plus ou moins ensemble le ménage. Dès lors, toute personne se trouvant en pareille situation ferait bien d’analyser le règlement de sa caisse actuelle en prenant garde aux points suivants.
• En cas de décès du partenaire, le survivant touchera-t-il une rente à vie ou une indemnisation unique (capital en cas de décès) avant l’âge de la retraite? Et en tel cas, devra-t-il prouver son «soutien massif» au défunt? Combien de temps le concubinage doit-il durer avant le décès? Pour information: si le partenaire survivant n’a pas le droit à une rente, l’argent cotisé sera – suivant le règlement – distribué aux héritiers ou restera la propriété de la caisse de pension.
- Les caisses exigent certains documents, par exemple une déclaration écrite de bénéficiaire, un contrat de concubinage, une déclaration de soutien, etc.
- Les fonds déposés dans un compte de libre passage sont bloqués, à moins, précisément, de pouvoir justifier un «soutien massif» au défunt. Conseil: faire transférer l’argent du compte de libre passage à la caisse de pension, pour autant qu’un tel transfert soit encore possible et que cette caisse paie une rente aux concubins ...
Mariage d’urgence
Sans vouloir tomber dans la morbidité, nous nous devons enfin, pour être complets, de signaler qu’il est possible de se marier juste avant sa mort et ainsi d’éviter des problèmes financiers à son survivant, qu’il s’agisse d’AVS ou d’héritage (lire les encadrés). Un tel mariage, dit d’urgence, peut même être conclu sur un lit d’hôpital.
(*) Syndicat de l’industrie, de la construction et des services .
TROISIÈME PILIER
Des limites aussi
Dans le cadre d’une assurance vie, l’assuré est libre d’en désigner le bénéficiaire, même s’il a des héritiers légaux (conjoint, enfants, etc.).
Sauf dans le cas d’une police de prévoyance liée (3e pilier), où l’assuré – en cas de décès avant l’échéance du contrat – pourra certes désigner sa ou son concubin(e) comme bénéficiaire, mais pas au détriment de l’éventuelle conjointe survivante ni des enfants. Les parents, frères et sœurs et autre héritiers légaux devront en revanche se plier aux vœux du défunt. Parce que ce dernier les aura obligatoirement précisés par écrit à sa banque ou à son assureur, mais aussi sur son testament.
RETRAITE
Problèmes de l’AVS
L’AVS aussi est injuste vis-à-vis des concubins. Lorsqu’un des deux partenaires meurt, le survivant n’aura pas droit à une rente de veuf(ve), contrairement aux couples légitimes. Idem pour la rente complémentaire: elle est réservée aux gens mariés. Or, lorsqu’un concubin cesse ses activités professionnelles pour s’occuper du ménage commun, il va sérieusement diminuer la rente à laquelle il aura droit à sa retraite: de 11% pour 5 ans d’arrêt, 22% pour 10 ans et plus d’un tiers pour 15 ans.
C’est pourquoi les couples vivant en concubinage et se trouvant dans une telle situation ont intérêt à payer tout de même leur cotisation: une femme (ou un homme) au foyer sera taxé(e) selon un salaire fictif de 810 fr. plus un peu d’argent de poche. Il est possible de rattraper son retard et de payer, rétroactivement, ses cotisations pour les cinq années écoulées.
Il est également possible de contracter une police d’assurance en cas de décès et d’en faire bénéficier son partenaire sans restriction aucune. Mais cela n’est pas donné! Un homme de 42 ans qui assurerait un capital de 300 000 fr. à verser à son amie s’il meurt avant 65 ans, paiera, par exemple, entre 320 à 400 fr. par mois.
Autre possibilité: la rente viagère sur deux vies. Rappel: une rente viagère est une assurance qui permet, contre le versement régulier ou unique de certaines sommes d’argent, de toucher, depuis une date fixée dans le contrat (souvent à la retraite) et jusqu’à la mort du bénéficiaire, une rente, annuelle ou mensuelle. Si la rente est sur deux vies, les versements ne cessent qu’avec la mort du deuxième partenaire. Si, par exemple, un homme de 65 ans et une femme de 62 ans ont fait un versement unique de 100 000 fr. le 1er février 1998, ils recevront ensemble et dès le 1er mars 1998, une rente annuelle d’environ 5500 fr. jusqu’à leur décès.
SUCCESSION
La famille de sang ne peut être déshéritée
Le concubin qui survit à son partenaire n’a aucun droit légal sur la succession du défunt. Selon le droit successoral, seuls les parents de sang et les époux ont de tels droits.
Pour que le partenaire concubin puisse avoir sa part, il doit donc obligatoirement figurer dans un testament ou dans un pacte successoral. Mais attention: il ne pourra prétendre à la totalité de l’héritage que si le défunt n’a plus d’héritiers réservataires, à savoir de descendance (enfants et petits-enfants), d’ascendance (les parents) et de conjoint légitime (femme ou mari).
La réserve héréditaire correspond à une fraction de la part qui revient aux parents s’il n’y a pas de testament. Exemple: une personne qui vit en concubinage et qui a des enfants ne peut pas léguer plus d’un quart de sa fortune à sa ou son conjoint(e), parce que le Code civil prévoit une réserve héréditaire pour les enfants des trois quarts du droit de succession (art. 471).
Faut-il préférer le pacte successoral au testament? Le testament a l’avantage de pouvoir être modifié ou même annulé en tout temps, par exemple en cas de rupture. Le pacte successoral, qui permet aux héritiers réservataires de renoncer – avec ou sans contreparties – à leur droit à la succession, est établi et signé par plusieurs personnes: ces dernières doivent donc logiquement aussi approuver et signer toute modification ou annulation.
Enfin, les impôts, qu’il s’agisse de successions ou de donations, sont également impitoyables pour les concubins. Alors que le fisc de la plupart des cantons accordent – totalement, partiellement ou avec des franchises – une exonération au survivant d’un couple marié, son équivalent concubin devra payer entre 30 et 60% de l’héritage selon son lieu de domicile!