Le Tribunal fédéral (TF)* a frappé les esprits en décrétant récemment que de nuit, sur une autoroute non éclairée, un véhicule ne doit pas dépasser les 70 km/h (marge de sécurité comprise) avec les feux de croisement. Serions-nous des criminels en puissance, nous qui roulons allègrement à 120 km/h dans ces circonstances? Eh bien oui, estime la Cour suprême. Car comme, à cette vitesse, la distance d’arrêt est de 125 m et la visibilité avec les feux de croisement de 50 m, nous ne serions pas en mesure d’éviter un obstacle situé dans une fourchette de 50 à 125 m devant nous.
Dans l’affaire traitée par
le TF, une Mercedes roulant sur l’autoroute, de nuit, à 130 km/h, avait violemment heurté la carcasse d’une Seat Ibiza couchée sur le côté, au milieu de la chaussée. De ce fait, la conductrice qui venait de s’extraire de la Seat accidentée avait été tuée sur le coup. Le conducteur de la Mercedes a écopé d’une semaine d’emprisonnement et de 1000 fr. d’amende. Ce jugement s’appuie sur la règle selon laquelle tout conducteur doit adapter sa vitesse aux circonstances. Il ne fait que confirmer la jurisprudence du TF, dans une affaire, il est vrai, assez extraordinaire.
Grand défenseur des automobilistes, le Touring club suisse (TCS) n’y voit rien de
gênant: «La nuit est une circonstance particulière dont il faut tenir compte», remarque Myriam Bulut, du service juridique. Et le danger créé par un véhicule trop lent? «Faire l’escargot sur l’autoroute peut aussi être punissable si le trafic est dense. Le conducteur doit vraiment s’adapter, une fois de plus, aux conditions de circulation.»
Vitesse
Le TCS est davantage choqué par le durcissement progressif, depuis trois ans, de la jurisprudence du TF en matière de dépassement de vitesse. «Un excès de vitesse considéré comme de gravité moyenne, par exemple 71 km/h au lieu de 50 km/dans une localité, est quasiment toujours sanctionné par un retrait de permis, déplore Myriam Bulut. Ce n’est pas normal. Il y quelques années, ce n’était pas le cas.» Retrait aussi dès que l’on dépasse les 106 km/h en dehors des localités et le 151 km/h sur les autoroutes.
Les instances cantonales se mettent au diapason du TF, qui donne de plus en plus d’importance au dépassement objectif, par rapport aux autres critères tels que la mise en danger effective et les antécédents du conducteur. Une automobiliste vaudoise en a récemment fait la douloureuse expérience: elle s’est fait pincer à 71 km/h (marge de sécurité déduite) juste avant la sortie d’une localité. Le Tribunal administratif du canton de Vaud a tenu compte de ses bons antécédents de conductrice et s’est contenté d’un avertissement. Mais sur recours du service des automobiles, le TF a prononcé un retrait de permis d’un mois!
Suzanne Pasquier
* Jugement du 6 avril 2000, 6S.799/1999
nouvelle jurisprudence
La somnolence: une faute grave
S’endormir une seconde au volant, est-ce une faute grave? Le Service bernois des automobiles estime que non: suivant la jurisprudence du TF, il sanctionne modérément (un mois de retrait de permis) un conducteur qui a causé un accident sur l’autoroute à cause de son état de somnolence. La faute est grave, estime de son côté l’Office fédéral des routes, qui réclame un retrait du bleu de six mois. Saisi du recours de l’office en question, le TF abonde dans son sens: s’endormir au volant, ne serait-ce qu’une seule seconde, est désormais une faute grave*.
Pourquoi ce changement de jurisprudence? Parce que de nouvelles études montrent qu’il est impossible de s’assoupir sans signes avant-coureurs parfaitement reconnaissables: paupières lourdes, courtes absences, trou-
bles de la vue, pertes du tonus musculaire. Ne pas en tenir compte relève de la grave négligence. Tout conducteur se doit de rester parfaitement éveillé au volant.
Resserrement de vis, aussi, pour l’état d’ébriété. Le TF** a décidé que tout automobiliste contrôlé avec un taux d’alcoolémie de 2,5 pour mille ou plus devra automatiquement se livrer à une expertise médicale. Même si c’est sa première infraction. S’il est considéré comme dépendant de l’alcool, il pourra se voir reti-rer le permis pour une durée indéterminée. C’était la procédure jusque-là réservée aux toxicomanes et aux conducteurs alcooliques récidivistes.
*Jugement du 30 mars 2000, 6A.54/1999
**Jugement du 27 mars 2000, 6A.13/2000