Lorsque leur père décède en mai 2007, Alexandre et Luc Portianucha de Genève font paraître deux avis mortuaires, l’un dans la Tribune de Genève et l’autre dans Le Nouvelliste, quotidien du Valais, où le défunt avait de solides attaches. Luc, graphiste de métier, conçoit l’avis en format PDF sur son ordinateur et l’envoie directement par internet aux deux journaux. Mais lors de la parution, les deux frères découvrent avec stupeur que Le Nouvelliste a «recadré la photo et quasiment doublé les dimensions initiales de l’annonce». Sans compter qu’une croix catholique a été ajoutée. Un miracle? Pas sur la facture en tout cas. Le montant demandé par Le Nouvelliste s’élève à 457 fr. contre 295 fr. pour La Tribune. Et puis, la croix passe plutôt mal: le défunt était athée!
Croix automatique?
Nos lecteurs demandent des explications à Publicitas Genève qui, lié par contrat avec les deux quotidiens, leur a envoyé la facture. Dans sa réponse écrite, Publicitas précise que «chaque éditeur se réserve le droit de gérer ses règles typographiques». Comme les dimensions de l’avis envoyé ne correspondaient pas à ses règles, Le Nouvelliste l’a donc tout simplement redimensionné. Quant à la croix, elle a été «automatiquement ajoutée» par le quotidien valaisan, soutient Publicitas. Une méthode que ce dernier nous a d’abord confirmée avant d’affirmer exactement le contraire, soit ne pas mettre de croix si cela n’est pas demandé. Difficile, dans ces conditions, d’y voir clair… Le sujet est en tout cas d’actualité puisque La Liberté, quotidien fribourgeois établi comme Le Nouvelliste en canton catholique, a changé sa pratique l’an dernier et n’insère désormais plus la croix que si le client en fait la demande.
Quoi qu’il en soit, Le Nouvelliste, contacté par Publicitas après réaction de nos lecteurs, avait accepté à l’époque de déduire de la facture le coût engendré par l’insertion de la croix, soit une quarantaine de francs. Un geste jugé toutefois insuffisant par les deux frères qui souhaitaient tout simplement un alignement du prix
de l’annonce sur celui de la Tribune de Genève. Ils décident alors de régler la facture de
la Tribune mais pas celle du Nouvelliste.
Justitia entre en scène
Les mois passent, la situation reste bloquée, jusqu’à ce que Publicitas décide de confier l’affaire à la société de recouvrement Justitia Inkasso (lire l’encadré).
Au printemps 2008, celle-ci demande, outre le montant initial de la facture du Nouvelliste, la bagatelle de 227 fr. de «frais de clients, frais de retard et intérêts». Luc et Alexandre Portianucha nous font alors part de leur cas, afin, notamment, «que d’autres lecteurs ne se fassent pas avoir». Sur conseil de notre service de Premier conseil juridique (voir page 41), ils s’acquittent du montant initial et de 5% d’intérêts, mais refusent de payer les frais demandés par Justitia Inkasso.
De notre côté, nous contactons Publicitas Genève, qui se dit ouvert à la discussion. Un rendez-vous est finalement arrangé entre nos lecteurs et John Rossi, chef de vente. Ce dernier s’engage alors à contacter la société de recouvrement pour qu’elle cesse de harceler nos lecteurs et propose d’intercéder en leur faveur, sans toutefois garantir de résultat, auprès du Nouvelliste. Après plus de quinze mois de blocage, l’affaire touche enfin à sa fin.
Sébastien Sautebin
Face aux maisons de recouvrement
Les entreprises font de plus en plus appel à des sociétés de recouvrement qui ajoutent souvent des frais très élevés à la créance de base. Ne payez que cette dernière, en y ajoutant l’intérêt moratoire (5%) et contestez les «frais de retard» et autres «frais supplémentaires selon l’article 106 CO» demandés. Ceux-ci ne sont en général pas dus car, selon l’article 27 al. 3 LP, une maison de recouvrement ne peut pas mettre de frais de représentation à la charge du débiteur sauf si elle est en mesure de prouver que l’intérêt moratoire ne couvre pas le dommage. Cette preuve est en pratique très difficile à apporter*.
* Tiré de notre hors-série «Acheter sans se faire arnaquer», commande en p. 40