Choquée! Christa Calpini, pharmacienne indépendante à Chexbres et présidente de la Société vaudoise de pharmacie, n’a pas d’autres termes pour qualifier son sentiment vis-à-vis de la Fidelity Card, la carte de fidélité du groupe Capitole. Il y a quelques semaines, elle découvre dans la presse, y compris dans les colonnes de Bon à Savoir (janvier 05), la publicité de Capitole affirmant que les «ordonnances se transforment en argent cash!» Depuis, devant le tollé général, la direction du groupe a décidé de remplacer l’expression «argent cash» par «points bonus». Le principe reste toutefois le même: pour chaque ordonnance présentée à l’officine, quels que soient le prix et le nombre de médicaments inscrits, le client se voit restituer 10 points bonus, soit 1 fr.
A cheval sur les principes, la pharmacienne vaudoise n’en démord pas: «Je trouve anormal que des personnes dont la prime d’assurance maladie est payée, partiellement ou totalement, par les collectivités publiques, puissent toucher de l’argent en allant avec une ordonnance dans certaines pharmacies.»
Même son de cloche du côté des Fribourgeois. Christian Repond, président de la Société des pharmaciens du canton de Fribourg, s’indigne contre la pratique de certaines pharmacies qui consiste à reverser «un pourcentage en liquide ou à offrir des bons d’achat sur les ordonnances.»
Fidéliser le client au groupe
Car le groupe Capitole n’est pas le seul à offrir de tels avantages à ses clients. Dans les pharmacies Coop Vitality, une ordonnance permet par exemple d’obtenir 300 superpoints sur sa Supercard. Et les pharmacies Victoria accordent pour tout article inférieur à 500 fr., y compris un médicament prescrit sur ordonnance, cinq fois son montant en étoiles sur la StarCard, soit une ristourne de 5%.
A ceux qui prétendent que ce système pousse à la consommation de médicaments, Nazih Sultan, responsable des officines Victoria et GaleniCare en Suisse romande, répond: «Les ordonnances sont prescrites par des médecins. Nous, nous ne sommes que des exécutants spécialisés, incapables d’influencer les prescriptions médicales.»
La réponse des juristes
Mais qu’en dit la loi? Selon Marc Léderrey, juriste à l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), «il n’y a pas de dispositions qui interdisent aux pharmacies d’offrir des avantages sur les médicaments délivrés sur ordonnance». Daniel Wiedmer, chef de la division surveillance des assurances maladie de l’OFSP, précise toutefois: «Le problème ne se pose que lorsqu’un pharmacien pousse à la vente d’un médicament précis en proposant des rabais ou encore lorsqu’il rembourse la quote-part de 10%, la participation obligatoire de l’assuré (art. 64 de la LAMal). Or, dans le cas des pharmacies Capitole, les avantages accordés sur l’ordonnance ne sont pas liés au produit, puisque le calcul des points bonus se fait indépendamment du contenu de la prescription médicale. Par ailleurs, le montant minime (n.d.l.r.: 1 fr.) accordé pour une ordonnance ne constitue pas une façon déguisée de rembourser la quote-part, sauf pour les médicaments d’un montant inférieur à 10 francs».
Mais qu’en est-il pour Victoria, où le nombre d’étoiles accordées au client varie en fonction du prix? «C’est vrai, mais le rabais n’est pas consenti directement sur la facture, explique Daniel Wiedmer. Le client est donc libre d’aller retirer cette somme ou d’y renoncer.»
Notons enfin que d’autres chaînes ou groupements de pharmaciens proposent des cartes de fidélité prêtant moins à la controverse. Elles n’accordent en effet des avantages que pour des achats sans ordonnance. Nous en présentons également trois des plus courantes – la carte Avantages VIP, la Carte Plus et la Pharmacard Family – dans le tableau ci-dessous (à droite).
Marisa Dürst