Les conséquences de la récente faillite de l’autocariste alémanique Jann-Voyages sont connues: quelque 4000 clients, dont des dizaines de Romands, ont vu leur voyage annulé et les montants payés volatilisés. Parmi eux, Simone et André Piguet, de Montpreveyres (VD), sont indignés par cette dure réalité. Ils racontent leur déception: «Nous devions partir pour la Sicile le 11 mai dernier. Six jours avant, une lettre d’annulation annonçait que les 2370 fr. payés ne seraient pas remboursés pour cause de faillite. Nous nous sentons d’autant plus floués que ce voyage nous était offert par nos enfants et des amis pour nos 50 ans de mariage!», déplore le couple.
Abus de confiance
Comme les autres clients de Jann-Voyages, Simone et André Piguet estiment avoir été trompés par la mention erronée de l’appartenance du voyagiste au fonds de garantie de l’Astag (Association suisse des transports routiers), qui couvre précisément les sommes versées par les voyageurs en cas de faillite de l’organisateur. Pire, le nom de l’entreprise alémanique figurait clairement sur le site internet de l’Astag jusqu’à la faillite. En toute confiance, de nombreux clients ont donc réservé des vacances, portant ainsi la totalité des créances à 3 millions de francs.
Or, en réalité, Jann-Voyages n’avait que provisoirement été affilié au fonds de garantie. Le contrat définitif, qui aurait dû remplacer le texte provisoire échu l’automne dernier, n’a jamais été signé par le voyagiste! Ainsi, juridiquement parlant, l’absence d’un contrat valide entre le voyagiste et le fonds de garantie en question délie ce dernier de toute responsabilité contractuelle.
Selon un spécialiste du droit de la consommation, les victimes de la faillite pourraient déposer une plainte civile contre l’Astag pour abus de confiance au titre de sa responsabilité extra-contractuelle. En effet, ils pourraient lui reprocher de ne pas avoir veillé à ce que l’autocariste régularise sa situation. Toutefois, les chances de succès restent incertaines et les frais de justice sont élevés. De plus, la répartition des frais entre plusieurs plaignants n’est pas envisageable, car la loi suisse exclut les plaintes collectives en la matière.
L’ombudsman au créneau
A l’instar des nombreuses victimes de la faillite, le couple de Montpreveyres a porté sa douloureuse créance dans la masse en faillite. Mais, là aussi, ses chances d’être remboursé sont maigres. Dès lors, pour obtenir réparation, il ne reste plus qu’à convaincre l’Astag d’assumer tout ou partie de ses responsabilités au titre de sa crédibilité et de son image de marque qui, dans cette histoire, sont fortement mises en péril.
C’est la voie retenue par Nicolas Oetterli, ombudsman de la branche suisse du voyage: «Résolument opposée au départ, l’Astag assouplit sa position de jour en jour, rapporte-t-il. Des négociations sont en cours et une décision, que j’espère satisfaisante, ne devrait plus tarder à tomber.».
A l’heure où nous mettons notre magazine sous presse, Nicolas Oetterli revendique une indemnisation appropriée des clients lésés: «Il n’y a toutefois pas de miracle, l’Astag prétend ne pas être en mesure de rembourser à 100% les clients. Cependant une forme de dédommagement doit leur être proposée, par exemple sous la forme d’une réduction importante à faire valoir sur un prochain voyage réservé auprès d’un voyagiste affilié».
Absence de sanction
La faillite de l’autocariste met également en évidence les lacunes de la Loi fédérale sur les voyages à forfait (LVF). Les spécialistes du droit de la consommation ne cessent d’ailleurs de relever l’absurdité de ce texte qui, d’un côté, impose aux voyagistes de s’affilier à un fonds de garantie et qui, de l’autre, ne prévoit strictement aucune sanction en cas de non-respect.
Tant que la LVF ne sera pas complétée d’un arsenal de sanctions, les voyageurs ne seront donc pas à l’abri de nouveaux déboires. Mais, comme nous l’apprend l’Office fédéral de la justice, cette loi
ne fait l’objet d’aucune révision allant dans ce sens. Son porte-parole, Folco Galli, ajoute que «la faillite de Jann-Voyages est un cas particulier et il n’est pas représentatif de la branche du voyage». Et c’est tant mieux... Mais combien de faillites et de clients trompés faudra-
t-il avant l’adaptation de la législation?
Conseils de prudence
En attendant, c’est donc aux consommateurs de veiller à ce que leurs vacances ne se terminent pas en séjour sur le balcon. Cela en suivant quelques conseils:
> Avant tout, vérifier que l’agence est bel et bien affiliée à un fonds de garantie.
> Toujours préciser s’il s’agit d’une réservation ferme ou d’une simple demande de renseignements.
> Conserver soigneusement toutes les factures. En cas de problème, elles seront indispensables pour justifier les sommes payées.
> Si tout ou partie du voyage est déjà payé au moment où l’on apprend que l’agence n’est pas affiliée à un fonds de garantie, le client est en droit d’annuler le voyage et d’en exiger le remboursement.
Zeynep Ersan Berdoz