Une étude romande démontre l’importance de ventiler les espaces inté-rieurs: nous y passons plus de 80% de nos journées, alors que l’air y est cinq à dix fois plus pollué qu’au-dehors! Le constat est sans appel, mais pas désespéré: en faisant les bons choix au moment de planifier les travaux, en adoptant les bons réflexes, on évitera les moisissures et on évacuera les polluants.
1. Humidité et polluants piégés
Dans les vieilles constructions, mastics fatigués, fenêtres vétustes et portes mal ajustées laissent passer les courants d’air. Pour preuve, les factures de chauffage sont souvent salées. Depuis 2010, la Confédération et les cantons encouragent, par conséquent, les propriétaires à lutter contre ce gaspillage d’énergie par le biais du Programme Bâtiment (lire «Energies fossiles: la guerre est déclarée» dans notre édition de février).
Revers de la médaille: fenêtres étanches et isolation périphérique bloquent les échanges d’air pour éviter les déperditions de chaleur. Avec, pour résultat, de piéger l’humidité et les polluants à l’intérieur, alors qu’un ménage de quatre personnes rejette chaque jour quelque 20 litres de vapeur d’eau.
Or, s’il est obligatoire de ventiler un bâtiment pour obtenir le label Minergie (lire ci-contre), il n’en est rien pour les autres constructions et les assainissements énergétiques. Quel air les Romands respirent-ils en s’endormant? Une équipe de chercheurs de la Haute Ecole d’ingénierie et d’architecture de Fribourg s’est penchée sur la question dans le cadre de l’étude du projet collaboratif Mesqualair.
2. Moisissures et polluants
L’enquête a impliqué plusieurs centaines de bâtiments en Suisse romande, dont 75% de maisons individuelles. Les recherches se sont concentrées sur trois problèmes.
⇨ Les moisissures se développent notamment quand le taux d’humidité dépasse 60%. Une tache dépassant 10 cm2 et située dans une chambre à coucher peut déclencher de l’asthme chez les enfants en bas âge ou d’autres maladies respiratoires.
⇨ Dans la famille des composés organiques volatils (COV), solvants et hydrocarbures se déclinent sous mille formes. Les chercheurs ont pu identifier 73 substances différentes allant des hydrocarbures aromatiques ou chlorés, aux alcools, solvants, aldéhydes et autres terpènes. Dans les concentrations usuellement rencontrées dans l’habitat, ils sont essentiellement associés à des irritations des voies respiratoires plus ou moins graves, selon la sensibilité des occupants.
⇨ Le radon est issu de la désintégration de l’uranium 238 omniprésent dans la croûte terrestre. La présence de ce gaz radioactif naturel est intimement liée à la nature géologique du terrain. Il s’infiltre dans le bâtiment par les défauts d’étanchéité des surfaces bâties en contact avec le terrain. En Suisse romande, les principales régions concernées se situent dans l’Arc jurassien et le massif du Mont-Blanc. Le radon est à l’origine de 200 à 300 décès par an en Suisse: c’est la deuxième cause de cancer du poumon après le tabac.
3. Le diagnostic
«L’étude Mesqualair révèle que les recommandations de l’Office fédéral de la santé publique ne sont, en principe, pas dépassées. Elle confirme toutefois que la qualité de l’air laisse à désirer dans le bâtiment étanche non ventilé: le mieux est parfois l’ennemi du bien», explique Joëlle Goyette Pernot, responsable du projet et déléguée radon de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) pour la Suisse romande.
On a ainsi trouvé de la moisissure dans près de la moitié des 160 bâtiments analysés. Parmi eux, 75% étaient rénovés sans mesures de ventilation (pièces à vivre et sous-sol) et 25%, récents, étaient labellisés Minergie. Dans ces derniers, la cave, habituellement non ventilée, était la plus touchée.
Les concentrations de composés organiques volatils (COV) mesurées sont en moyenne une fois et demie plus élevées dans les maisons rénovées que dans les constructions Minergie. Un peu moins d’un bâtiment sur dix ne respectait pas le seuil recommandé par l’OFSP de 1000 µg/m3 pour les COV totaux. A noter que les quantités d’hydrocarbures doublent, voire triplent, quand le garage est intégré au bâtiment.
Après un assainissement énergétique global, la concentration de radon augmente de 42% dans les bâtiments qui ne sont pas ventilés. A partir de 2018, la nouvelle valeur de référence sera de 300 becquerels (Bq) par m3. Or, sur les 650 bâtiments auscultés, 11% dépassaient ce seuil. La configuration du bâtiment est également déterminante (cave en terrain naturel, rez adossé au terrain ou absence de sous-sol).
4. Ventilation sur mesure
Qui aurait l’idée d’étouffer un bébé en l’emmitouflant? Le réflexe devrait être le même dans la construction: une maison doit respirer.
La pose d’une ventilation mécanique contrôlée (VMC) est obligatoire dans les bâtiments labellisés Minergie (lire «Pas si chère, la villa Minergie-P*)». Ce système d’aération, qui renouvelle l’air en permanence en expulsant l’air vicié, coûte entre 15 000 fr. et 20 000 fr. Et, contrairement aux idées reçues, il n’empêche pas d’ouvrir les fenêtres.
Si on renonce à l’investissement ou dans le cadre d’une rénovation, on peut aussi opter pour une ventilation à simple-flux hygroréglable, avec des fenêtres munies de grilles d’aération et des bouches d’extraction dans les pièces humides. Ces dispositifs modulent le débit en fonction du taux d’humidité dans la pièce. Le supplément de prix varie entre 120 fr. et 150 fr. par châssis.
Pour éviter l’accumulation du radon, on agira en amont en assurant l’étanchéité du bâtiment à l’air du terrain (dalle étanche, drainage radon sous dalle). Le diagnostic (avant et après rénovation) peut être posé au moyen de deux ou trois dosimètres (entre 80 fr. et 100 fr. la pièce*).
5. Les bons gestes
⇨ Ouvrir grand les fenêtres entre cinq et dix minutes au réveil, en rentrant du travail et au coucher. Ne pas laisser les fenêtres en imposte: la note de chauffage grimpera inutilement.
⇨ Eviter de sécher le linge à l’intérieur ou aérer en conséquence.
⇨ Vider régulièrement les récipients à compost et éviter d’appuyer les meubles contre les murs pour repérer les éventuelles taches.
⇨ En présence de moisissures, nettoyer immédiatement la surface atteinte. Les locataires signaleront le problème au bailleur, photo à l’appui. Idem en présence d’une odeur de moisi.
⇨ Renoncer aux bougies parfumées et autres diffuseurs de fragrances: ils dégagent des solvants et des émanations irritantes. Idem pour les bâtons d’encens qui émettent, en prime, des particules fines cancérigènes.
Claire Houriet Rime
Lire le bonus web: Moisissures, polluants, radon