La phobie du dentiste, ou stomatophobie, n’a rien à voir avec la tension que chacun ressent au moment d’ouvrir grand sa bouche, tandis que vrombit la fraise. Les stomatophobes, eux, sont carrément incapables d’entrer dans un cabinet dentaire et vont jusqu’à laisser leur santé buccale se dégrader (abcès, dents qui tombent, etc.) en se soulageant à coup d’analgésiques!
Depuis l’an dernier en Suisse romande, l’entreprise allemande GentleDentalOffice (GDO), «leader européen dans le traitement des patients souffrant de phobie du dentiste», propose sa thérapie dite «des trois rendez-vous», avec «technique d’anesthésie OLA-ITN».
Le premier entretien, à Genève, sert de consultation. Le deuxième se déroule dans un cabinet dentaire bâlois équipé pour les narcoses. Le patient y est opéré durant cinq à sept heures. «Après le traitement, les patients se réveillent sans douleur et débarrassés de leur phobie», selon Rita Frormann, responsable des relations internationales chez GDO.
Lors du troisième rendez-vous, la pose des couronnes ou bridges peut donc se faire sous anesthésie locale uniquement.
Mais si l’on réussit à se libérer de sa phobie avec GDO, c’est au prix fort: entre 7500 et… 22 500 francs! (lire encadré).
«Rien de révolutionnaire»
Peter Jaeger, porte-parole de la SSO (Société suisse d’odon-to-stomatologie), se montre perplexe: «Il n’y a rien de révolutionnaire. Les dentistes pratiquent l’anesthésie totale depuis longtemps, mais à l’hôpital, et la réservent généralement aux cas extrêmes ou aux personnes présentant un sévère handicap mental.» Toutefois, selon GDO, les cas extrêmes ne passeraient justement pas par un cabinet dentaire traditionnel ou un hôpital, puisqu’ils les fuient comme la peste.
Quant à la technique d’anesthésie «OLA-ITN» (de l’allemand ohne Lokalanästhetika-Intubationsnarkose), Peter Jaeger n’y voit rien d’innovant non plus. Car elle consiste simplement à faire une narcose par intubation, sans anesthésie locale.
Traitements alternatifs
Quoi qu’il en soit, d’autres traitements qu’une narcose à prix assommant existent.
> La psychothérapie: thérapie de désensibilisation, comme pour toutes les phobies spécifiques, par exposition graduelle aux sources de la terreur: fraise, seringue, sang, douleur, etc.
> L’hypnose médicale: René Rumley, dentiste à Prilly (VD), est un des pionniers de cette méthode en Suisse: «Le traitement ne commence qu’après une mise en confiance, au mieux au deuxième rendez-vous. Une fois le patient en état de relaxation profonde, je procède aux anesthésies locales, à son rythme. Il doit maîtriser son traitement: c’est à lui de dicter ses conditions! Déjà qu’il se sent vulnérable, allongé là, bouche ouverte…»
D’autres prônent la prévention, à l’instar de Jean-Marc Zurcher, dentiste à Martigny: «L’origine de la phobie remonte souvent à un traumatisme vécu pendant l’enfance chez un dentiste peu scrupuleux. Les parents jouent aussi un rôle. Certains enfants pleurent en venant pour la première fois, car on leur a dit: si tu ne te brosses pas les dents, tu iras chez le dentiste! Je préfère donc les voir seuls et établir une complicité, en utilisant par exemple un langage enfantin comme l’escargot pour désigner la pompe à salive.»
Carole Pellouchoud
prix des traitements
Entre 160 fr. et 22 500 fr.
Le traitement de la phobie du dentiste, considéré comme maladie psychiatrique, est pris en charge par l’assurance maladie de base si un spécialiste (psychiatre) le juge nécessaire.
> Psychothérapie: trois à douze séances environ, selon l’origine de la phobie; environ 160 fr. la séance. Adresses sur: www.irhys.ch
> Traitement sous hypnose: compter 150 fr. supplémentaires par heure d’hypnose, par rapport au traitement prévu.
> Opération sous anesthésie totale, à l’hôpital, par le dentiste: environ 5000 fr. pour un traitement lourd.
> GentleDentalOffice: entre 5000 € (env. 7500 fr.) et 15 000 € (env.
22 500 fr.), selon le traitement et les matériaux choisis par le patient, et son budget. L’opération est effectuée par une équipe de trois médecins, deux anesthésistes et trois assistantes.