Adeptes lausannois de natation et souffrant d’une maladie de la peau visible, vous risquez désormais de vous retrouver au sec. A moins de fournir aux piscines de la ville un certificat attestant que vous n’êtes pas contagieux. Ainsi le veut le chef de la Direction de police et des sports lausannois, Bernard Métraux.
Au départ, la mésaventure de Gudrun Pichonnaz: pour faire plaisir à son fils Florian, la jeune mère atteinte de psoriasis s’est rendue à la piscine couverte de Mon Repos. «J’ai dû prendre sur moi pour oser me montrer en costume de bain. Mais quand j’ai annoncé à la caisse que j’avais du psoriasis et que ce n’est pas contagieux, on m’a refusé l’entrée et exigé un certificat médical.»
Notre lectrice a finalement produit l’attestation demandée. Mais elle n’a guère aimé s’entendre qualifier de «problème» par le personnel de la piscine. «Je ne m’étais jamais considérée ainsi. De plus, le directeur m’a dit que le certificat sera transmis à tous les employés de la piscine. Je serais donc fichée en quelque sorte!»
Enfin, comble de l’indélicatesse, le Service des sports lausannois a soumis le certificat à son médecin-conseil: «Ils ne croyaient donc pas mon dermatologue! Ce n’est pas en discriminant ainsi les gens souffrant de maux visibles, souvent difficiles à porter, qu’on va les aider à sortir de leur isolement», déplore Mme Pichonnaz.
«Il faut rassurer la population sur les risques de maladies contagieuses, répond Bernard Métraux. Ces derniers temps, il y a eu de nombreux abus et certificats médicaux de complaisance.» L’adjoint du chef du Service des sports, Jean-Paul Gaillard, tente également d’écarter toute idée de discrimination: «Même si une maladie, tel le psoriasis, n’est pas contagieuse, l’apparence de personnes qui en souffrent peut effrayer le public, par exemple des mamans qui viennent nager avec leurs enfants», a-t-il expliqué à Mme Pichonnaz et à Bon à Savoir.
Exclure la différence
«Le but inavoué est donc de dissuader d’aller à la piscine les gens qui sont différents et qui dérangent les clients habitués qu’on veut garder, commente Mme Pichonnaz. C’est un scandale. On oublie que tout le monde a les mêmes droits. Quelle intolérance!»
M. Métraux, manifestement agacé par nos questions et fort pressé, n’a pas su répondre à cet argument: «Je me base sur les recommandations du médecin-conseil», déclare-t-il simplement. Or pour ce dernier, Jean-Pierre Randin, il serait «abusif de demander un certificat médical pour chaque affection cutanée. Outre les malades concernés, qui auront aussi à payer les frais médicaux, cela va agacer les médecins qui devront établir des certificats pour la moindre rougeur. Il serait plus indiqué d’aborder une personne ayant une affection dermatologique avec délicatesse pour savoir si c’est contagieux».
A noter que les responsables du Service des sports ont fini par légèrement atténuer leurs propos. Mais cela seulement après que Bon à Savoir eut insisté auprès de M. Métraux pour obtenir des réponses claires sur les détails d’application de cette mesure: «Nous n’exigerons pas un certificat médical indiquant la nature de la maladie, mais une attestation que ce n’est pas contagieux, nuance ainsi Jean-Paul Gaillard. Un garde-bain qui voit un baigneur avec un problème de peau le signalera au gérant qui décidera comment agir. Les démarches exactes restent à définir.»
Les critères d’intervention – rougeurs, boutons? – restent aussi à définir. «Nous interviendrons avec une attitude empreinte de délicatesse», rassure M. Gaillard. Il veut aussi s’informer sur les pratiques d’autres piscines. A noter qu’ailleurs, p.ex. au Service des sports de Genève, on n’exige pas de certificat. Et on estime ne disposer d’aucun moyen légal pour interdire l’accès des bassins aux gens atteints de problèmes non contagieux. Bernard Bally, secrétaire de l’Association des piscines romandes, n’a jamais entendu parler d’une telle exigence.
n Confiance
Interrogé sur la base légale de cette demande d’«attestation», M. Gaillard ne peut citer que l’arrêté vaudois sur l’hygiène des piscines. Or celui-ci stipule que seules les personnes souffrant d’une maladie de la peau contagieuse sont interdites d’accès aux bassins. Ces maladies n’étant pas toujours visibles, comment appliquer une telle mesure? «Nous comptons sur la bonne foi des gens», répond M. Gaillard.
Résumons: on va donc faire confiance à tous les nageurs, excepté à ceux qui présentent un problème de peau visible. Et en tel cas, il ne suffira pas de préciser que la maladie n’est pas contagieuse. Il faudra, comme Mme Pichonnaz, le prouver en bonne et due forme!
Ellen Weigand