En rendant son verdict au mois de juin 2001, la Cour suprême allemande s’est rangée du côté des consommateurs: les télécommunications nationales doivent désormais rembourser les montants restant sur les cartes téléphoniques échues. Depuis 1998 en effet, ces cartes à 12 ou 50 DM comportent une date d’échéance (valable jusqu’au...) et une mise en garde en petits caractères indiquant aux client que, celle-ci passée, il devient impossible de récupérer le solde encore disponible. Or, en encaissant les sommes que ses clients n’avaient pas eu le temps de dépenser, l’entreprise a agi contrairement à la législation allemande.
Le verdict de la Cour suprême de Karlsruhe se réfère à la loi sur la réglementation du droit des conditions générales d’affaires.
Un joli pactole
Elle stipule que les clauses
de contrat inscrites en petits caractères ne sont pas valables «si elles désavantagent un partenaire contractuel contrairement au principe de la bonne foi». Il n’est
donc pas admis que la validité des cartes téléphoniques soit limitée, à moins que le client puisse récupérer le montant restant en espèces ou que ce dernier soit crédité à l’achat d’une nouvelle carte. En d’autres termes,
les télécommunications allemandes n’ont plus le droit d’amasser ces petites sommes, qui, à la longue, leur procuraient un joli pactole.
Bénéfice en millions
Et en Suisse? Swisscom aurait tort de se priver d’une telle source de revenus, car elle n’est aucunement inquiétée par la loi. Celui qui achète une Taxcard valant 5, 10 ou 20 fr. risque fort de perdre une partie de cette somme, dans le pire des cas après seulement six mois, ou selon la date d’échéance inscrite sur la carte. A côté, figure en effet la mention «pas de remboursement». Swisscom n’est donc pas non plus obligée de créditer le montant restant à l’achat d’une nouvelle carte.
Combien représente globalement l’addition de ces petites sommes? Impossible de le savoir de source officielle! Mais Rolf Brand de l’Association des collectionneurs de Taxcards, estime que, grâce à ce procédé, le géant de la téléphonie a engrangé entre 20 et 30 millions de francs durant ces cinq dernières années sur
le dos de ses clients.
Pratique répandue
Pour justifier l’existence d’une date d’échéance, Swisscom avance des raisons techniques. Et contrairement à l’Allemagne, elle propose des cartes à partir de 5 fr. déjà: «Engager des moyens pour rembourser les crédits restants sur de si petites sommes ne serait vraiment pas rentable financièrement», se justifie-t-on à l’entreprise nationale de télécommunications.
Sur le marché suisse, Swisscom n’est pas seule à pratiquer ainsi. D’autres sociétés, offrant des cartes à prépaiement pour les téléphones «longues distances» ou pour les mobiles, empochent les crédits inutilisés après la date d’échéance.
• Longues distances: ces cartes servent à téléphoner à l’étranger depuis un hôtel ou une cabine pour une somme oscillant entre 10 et 100 fr. sans argent comptant. La plupart des sociétés proposant ce service – dont Swisscom, Profitel (produit de Teleline), Econophone, Global One et Telecom FL – ne remboursent pas leurs clients après l’échéance de la carte. Seul Sunrise affirme ne pas avoir prévu de date d’échéance pour ses cartes.
• Mobiles: avec les trois opérateurs suisses proposant des cartes à prépaiement, les utilisateurs peuvent perdre l’argent investi à l’achat, s’ils ne rechargent pas leur mobile avant la date d’échéance inscrite sur la carte.
Carences juridiques
Les chances que la Suisse interdise ce genre de pratique sont maigres, car notre législation ne comprend pas de loi particulière sur la réglementation du droit des conditions générales des affaires. Seuls les principes généraux de droit – telles l’interdiction de l’abus de droit ou la protection de la bonne foi – prévu par le Code civil et le Code des obligations, pourraient être appliqués en la matière.
Les Associations de défense des consommateurs exigent pourtant depuis des années la mise en place d’une législation spécifique indispensable... Mais, apparemment, Ruth Metzler, qui aurait pourtant la compétence de légiférer, ne voit aucune raison d’agir!