Les cantons romands règlent leurs relations avec les Eglises de deux façons: Genève et Neuchâtel considèrent qu’elles dépendent du droit privé. Vaud, Valais, Fribourg et Jura en reconnaissent toujours au moins deux (réformée et catholique romaine), parfois trois (catholique chrétienne) ou quatre (israélite) comme des institutions publiques.
Mine de rien, cela a une certaine importance pour le contribuable. Dans les premiers cas en effet, l’impôt ecclésiastique est facultatif. Mais dans les quatre autres cantons, il faut obligatoirement payer pour être membre de l’Eglise. A moins d’appartenir à une religion qui n’est pas officiellement reconnue par les autorités. Ou de «sortir de l’Eglise», c’est-à-dire de signer une déclaration comme quoi l’on désire définitivement rompre les liens avec sa religion.
Décision importante
En agissant de la sorte, on ne paiera certes plus d’impôt ecclésiastique, mais on perdra également les droits qui reviennent aux membres d’une Eglise.
Ainsi, un catholique qui renie sa religion n’a normalement plus le droit de participer à la messe (quoiqu’on voit mal qui pourrait l’en empêcher), mais aussi d’être élu ou d’élire les membres de sa paroisse, de baptiser ses enfants et de leur faire suivre le catéchisme, de se marier religieusement ou même d’être enterré par l’Eglise qu’il a
reniée, théoriquement au moins.
L’ exemple fribourgeois
Pour un protestant, cela change d’un canton à l’autre. A Fribourg par exemple, relativement restrictif en la matière, on perd bien sûr le droit de vote et d’éligibilité au sein de la paroisse, tout comme d’être parrain ou marraine (sauf si l’autre parrain ou marraine fait partie de l’Eglise). Mais, pour l’instant, on peut quand même demander le baptême de son enfant à condition de l’intégrer dans la vie paroissiale, se marier au temple et bénéficier de funérailles religieuses.
«Sortir de l’Eglise» n’est donc pas une décision anodine. Ces impôts représentent-ils des sommes suffisamment importantes pour la prendre? Tout dépend du revenu, mais aussi du canton de domicile. Petit tour de Suisse romande.
• Dans le canton de Vaud, il n’y a pas d’impôt ecclésiastique, car c’est l’Etat et les communes qui prennent en charge les frais des Eglises reconnues. Cela revient cependant au même, puisque ce sont les impôts qui financent le budget de l’Etat. Le Tribunal fédéral suit ce raisonnement sur le plan communal, mais pas sur le plan cantonal. Aucune rétrocession de l’impôt cantonal n’est en effet possible, quel que soit le canton concerné. Mais en revanche, on peut exiger que la commune rembourse une (très petite) partie des impôts communaux. Lausanne par exemple, a consacré 0,35% de son budget à ses Eglises en 1996: un Lausannois pourrait donc demander le remboursement de ce même pourcentage (0,35%) de ses impôts communaux. 270 citoyens l’ont fait l’an dernier, pour un remboursement global de 12 000 francs, soit un montant moyen de 44.40 fr. par personne!
• En Valais, chaque paroisse présente un budget aux communes, censées payer le déficit de tous les frais d’exploitation des Eglises reconnues. Huit d’entre elles ont fixé un taux propre. Celle de Sion réclame par exemple 3% du revenu imposable. Le budget communal couvre les frais des autres. Le contribuable peut donc demander qu’on lui restitue l’impôt ecclésiastique dans les communes où il existe, ou, comme dans le canton de Vaud, la part de ses impôts communaux consacrée aux Eglises.
• Dans le canton de Fribourg, les paroisses fixent elles-mêmes le taux d’imposition. Il varie entre 0 et 20% du revenu imposable. Côté catholique, il est, par exemple, de 7% en ville de Fribourg, mais était encore de 30% l’an dernier aux Grangettes (la nouvelle loi a fixé un plafond maximal de 20%). Là encore, seules les personnes ne faisant pas partie d’une Eglise reconnue ou confirmant par écrit qu’elles désirent en sortir sont exonérées.
L’effet des sectes
• Dans le Jura, ce sont aussi les paroisses qui fixent le taux d’imposition. Chez les catholiques, il varie actuellement entre 8 et 14% du revenu imposable. Même droit de restitution qu’à Fribourg. Mais sur 60 000 fidèles, l’Eglise n’enregistre qu’une quarantaine de «sorties» annuelles. Et la plupart non pas pour échapper aux impôts, mais pour entrer dans une secte.
• Dans les cantons de Genève et de Neuchâtel enfin, où l’Eglise et l’Etat sont complètement séparés, l’impôt ecclésiastique est facultatif. Dans les deux cas cependant, l’Etat facilite la tâche des Eglises en s’occupant de percevoir les taxes de ceux qui veulent bien s’en acquitter.
A Neuchâtel, si le contribuable indique sa religion dans sa déclaration fiscale, il recevra un bordereau annexe avec un montant correspondant à 15% de ses impôts. Mais il peut donner moins ou rien. Et s’il ne paie pas, il n’a pas besoin de se justifier.
Idem à Genève. L’Etat calcule, si le contribuable a mentionné sa religion dans sa déclaration, le montant de l’impôt ecclésiastique (entre 10 et 11%), mais ne met pas de bordereau spécial à disposition. Tout ce que le Genevois verse en plus de ses impôts ordinaires est automatiquement considéré comme impôt ecclésiastique et versé à son Eglise.
Christian Chevrolet