Le phénomène n’est pas totalement nouveau, mais il commence à prendre une ampleur inquiétante. Pour faire face à la hausse du coût des matières premières, mais aussi pour augmenter leurs marges, certains industriels de l’agro-alimentaire diminuent en toute discrétion le poids net de leurs produits tout en continuant à les vendre au même prix.
Il y a deux ans, par exemple, Mövenpick avait profité de nouveaux emballages pour faire passer ses glaces de 1000 ml à 900 ml et celles de 200 ml à 175 ml (lire BàS 7-8/2006), alors que les biscuits Prince au chocolat, de Lu, sont discrètement passés de 330 g à 300 g au cours de cet été.
A l’exception de quelques consommateurs vigilants, la plupart d’entre nous n’y voyons que du feu. Et c’est bien là le but: introduire en douce des hausses camouflées que les consommateurs remarqueront moins que s’il s’agissait d’une simple augmentation du prix de vente. De la sorte, le produit conserve son attractivité sur les rayons des supermarchés même si son poids a diminué. Et si ces augmentations restent parfois modérées, d’autres sont plus spectaculaires. Démonstration en trois exemples.
Rôtipac: du simple au double
Lorsque Migros a changé les emballages de ses paquets Rôtipac, qui contiennent des sachets pour la cuisson au four, le prix de vente de 2.80 fr. n’a pas bougé. Le contenu, par contre, est passé de quinze à huit pièces. Pour le consommateur, cela revient à un prix quasiment multiplié par deux! Si Migros avait préféré changer le prix de vente en gardant quinze sachets, ce dernier serait passé de 2.80 fr. à 5.25 fr.! Le géant orange se justifie en invoquant le nouveau look du produit et le prix du pétrole. Certes, les changements de design et la hausse du prix des matières premières constituent désormais des arguments classiques des fabricants dans ce type de situation. Il est pourtant très difficile de croire que ces éléments justifient ici une adaptation d’une telle ampleur.
Soda Club: petites soifs
Les besoins des consommateurs constituent un autre argument avancé par les fabricants. Cet été, un lecteur avait constaté que la boîte de Soda-Mix Lemon de 750 ml (18 litres de boisson), vendue par Coop était passée à 500 ml (12 litres de boisson) sans que son prix de 6.90 fr. soit revu à la baisse. Cette importante diminution de quantité (33%) équivaut quand même à une augmentation du prix au litre de 50%, ce dernier passant de 0.383 fr. à 0.575 fr. Lorsque nous l’avons contactée, Coop a renvoyé la balle au fabricant qui s’est réfugié derrière les besoins des clients: ceux-ci n’arrivaient pas, paraît-il, à utiliser l’intégralité des 750 ml avant la date d’expiration. Une argumentation qui n’explique en rien le maintien du prix.
TamTam: «pour les mamans»
Parfaitement rodés à l’art du marketing, certains industriels avancent des arguments auxquels les consommateurs sont aujourd’hui sensibles, comme la santé ou l’environnement. C’est le cas, par exemple, de Danone.
Il y a une année, ce géant de l’agroalimentaire relookait les emballages de ses TamTam. Le prix (2.15 fr.) n’a pas varié, mais les 4 x 125 g se sont discrètement mués en 4 x 100 g. Mine de rien, cela représente une baisse de quantité non négligeable de 20%. Après avoir affirmé que les quantités avaient été revues à la baisse «à la demande des mamans pour lutter contre l’obésité des enfants», le représentant du fabricant en Suisse a argué que le produit lui-même avait changé, à savoir que la nouvelle formule était plus onctueuse et surtout plus riche en calcium, donc plus saine. Des changements qui justifieraient le maintien du prix.
En invoquant de nobles motifs – lutte contre l’obésité et amélioration nutritionnelle –, Danone s’est habilement blindé pour faire passer la pilule et persuader, au besoin, le consommateur qu’il n’est pas le dindon de la farce.
Sébastien Sautebin