Denis Braunschweig vient de fonder une entreprise à Gland: «A peine mon inscription au registre du commerce parue dans la feuille officielle, j’ai reçu des factures d’inscription pour divers registres du commerce.» En tout, le jeune patron recevra cinq envois pour des montants allant de 290 à 1278 fr.! Expéditeurs: les sociétés GHI, NMC, IFWP, WCS et Net Publication. «Sans l’avertissement d’une amie, je n’aurais pas su immédiatement qu’il ne s’agissait de la facture de l’inscription officielle au registre du commerce», déplore-t-il.
Pratique courante
Convaincre des patrons inexpérimentés qu’ils doivent débourser des montants plus ou moins importants en leur envoyant des factures qui ressemblent à s’y méprendre aux documents officiels n’est pas un procédé nouveau. Plusieurs entreprises vendent ainsi l’inscription dans des registres sur papier ou des banques de données privées, à consulter par téléphone ou via Internet. Avec succès. Par exemple, NMC-Registre SA, active depuis 10 ans, compte 5000 inscriptions dans son registre, publié tous les deux ans. A 689,50 fr. l’inscription, l’affaire peut être rentable!
L’une des responsables de NMC justifie ainsi son prix: «Nous publions vraiment notre registre. D’autres encaissent sans jamais rien publier.» Ce que confirme un ancien collaborateur de l’une de ces firmes: «Leur registre a été publié quatre fois, puis plus jamais. Mais l’entreprise encaisse toujours des frais d’inscription.»
Pas exhaustifs
«Nous avons envoyé un avertissement, à afficher, contre ces agissements à tous les registres de commerce, rapporte Bernard Kroug, chef de l’Office fédéral du registre du commerce (OFRC). Nous avons aussi saisi plusieurs fois la justice, mais les juges ont à chaque fois estimé qu’il n’y avait pas ‹tromperie évidente›. Car ces factures mentionnent toutes, bien que de manière peu visible, qu’il s’agit d’une offre. Pourtant, bien des gens paient en les confondant avec les notes officielles.»
Hans-Rudolf Frey, administrateur de GHI à Aarau le reconnaît: «Il y a des personnes qui nous demandent d’être remboursées parce qu’elles ont cru qu’il s’agissait d’une facture officielle.»
Parmi les firmes qui ont écrit à notre lecteur, seule Net Publication (qui vend des inscriptions sur son site Internet au nom très officiel de: Registre du commerce.ch) ne mentionne nulle part sur sa facture qu’il s’agit d’une offre.
Faux, nous répond Patrice Grangier, collaborateur commercial de la jeune entreprise: «L’inscription ‹frais d’enregistrement› sur notre bulletin de versement indique clairement qu’il n’y a pas d’obligation de payer, argumente-t-il sans sourciller. Nous ne donnons pas plus d’informations par stratégie commerciale, afin d’éveiller la curiosité des gens et qu’ils nous appellent pour se renseigner. D’ailleurs, on ne paie pas n’importe quoi sans se renseigner auparavant. De nos jours, celui qui est floué est seul fautif», lance-t-il en guise de conclusion.
Face à l’impuissance de la justice contre ces procédés à la limite de la légalité, il ne reste donc aux futurs entrepreneurs qu’à être vigilants.
Et ceux qui tombent dans le panneau devraient demander à être remboursés au plus vite. Les sociétés mentionnées acceptent toutes de le faire: GHI déduit 7 à 8% de frais, et rembourse seulement si la demande lui parvient dans les 10 jours après paiement. NMC prend 5 à 10% de frais, sans délai. Tout comme IFWP, qui rembourse le total sur demande écrite. WSC ne ristourne l’argent (1278 francs!) que dans les 8 jours après paiement, moins 20 fr. de frais. Et Net Publication rembourse le total, sauf si les coordonnées de l’entreprise sont déjà publiées. Ce qui, selon M. Grangier, ne sera pas le cas avant septembre.
Publiés ou non, ces registres parallèles sont de toute façon inutiles: «Ils ne sont pas exhaustifs, car ils ne recensent que les firmes qui veulent bien s’y inscrire ou qui paient par erreur», note Bernard Kroug. Mieux vaut dont interroger le site Internet de l’OFRC et son index central des raisons de commerce (http://zefix.admin.ch), avec accès direct aux registres de plusieurs cantons (BS, BL, GR, SG, TI) et régulièrement mis à jour.
Il existe également un Annuaire suisse du registre du commerce (éd. Orell Füssli). Ce registre privé, mis à jour annuellement, recense toutes les entreprises inscrites dans les registres du commerce.
Ellen Weigand