Le nouveau droit du divorce entrera en vigueur le 1er janvier 2000. Pas mal de choses vont changer (lire l’encadré en p. 9), entre autres en ce qui concerne la garde des enfants. A condition que les époux désunis soient d’accord et en fassent ensemble la demande, le juge pourra maintenir l’autorité parentale conjointe. Comprenez que les parents élèveront leur(s) enfant(s) en partageant les responsabilités comme lorsqu’ils étaient mari et femme, alors qu’ils ne sont plus que père et mère.
Un tel dénouement est impossible dans le droit actuel, même si les époux le désirent. Dès lors, que doivent faire les parents souhaitant divorcer rapidement mais qui désirent conserver l’autorité parentale conjointe? Car le nouveau droit n’entrera en vigueur que dans six mois, mais il sera applicable à tous les procès en divorce pendants dès le 1er janvier 2000. «La réponse varie forcément de cas en cas, répond l’avocat lausannois Jacques Micheli, coauteur du récent ouvrage Le nouveau droit du divorce (voir l’encadré). Mais en règle générale, je conseille de patienter et de profiter des mois à venir pour préparer la convention indispensable à une telle demande.»
Le partage de l’autorité parentale ne sera en effet pas accordé à la légère, c’est le moins que l’on puisse dire! Les parents ne doivent pas seulement être d’accord entre eux, ils doivent s’engager, par écrit et au préalable, à participer à la prise en charge des enfants et à la répartition des frais d’entretien. Cette convention écrite devra aborder:
• La garde des enfants – Elle sera rarement alternée (père et mère hébergeant l’enfant à 50%), car cela nécessite une très bonne collaboration entre les parents. En règle générale, l’enfant vivra essentiellement chez l’un de ses parents, mais en entretenant de larges relations personnelles avec l’autre parent, qui participera à toutes les décisions importantes concernant sa vie (éducation, santé, loisirs, etc.).
• Les frais d’entretien – En cas de garde alternée, chaque parent assumera les frais de nourriture et de logement lorsque l’enfant est chez lui. En cas de garde chez l’un des parents, la participation de l’autre parent sera en général plus ou moins proportionnelle à son revenu (15% pour un enfant, 25% pour deux enfants, 30 à 35% pour trois enfants et plus).
Dialogue indispensable
Un vrai dialogue et une concertation régulière sont donc indispensables à l’heure de régler la convention comme de l’appliquer. S’ils sont impossibles, l’autorité parentale conjointe le sera vraisemblablement aussi... S’ils sont simplement difficiles à mettre en place, l’intervention d’un médiateur familial* peut être une bonne solution.
La nouvelle loi laisse cependant un large pouvoir d’appréciation au juge, qui devra tenir compte avant tout du bien de l’enfant. Il va donc non seulement prendre connaissance de la convention, mais aussi entendre les parents, et même – c’est nouveau – les enfants. S’il ne s’estime toujours pas suffisamment informé, il pourra compléter son instruction en recueillant des témoignages (par exemple des proches ou des voisins) ou l’avis d’un expert (par exemple d’un pédopsychiatre).
Trois possibilités
Selon Jacques Micheli, les conjoints qui désirent entamer une procédure de divorce mais garder l’autorité parentale conjointe ont donc trois possibilités:
• Patienter en préparant la convention jusqu’en octobre 1999, date à laquelle ils pourront engager la procédure. «Selon toute vraisemblance, estime l’avocat lausannois, les juges accepteront d’instruire durant le dernier trimestre 1999 sur l’autorité parentale conjointe en organisant l’audition des enfants et des parents avant la fin 1999. Le nouveau droit prévoit en effet un délai minimal de deux mois entre ces auditions et le jugement. Ce dernier n’aura donc pas lieu avant le 1er janvier 2000.»
• Les parents qui désirent commencer immédiatement la procédure peuvent déjà mettre en place le système par une convention de mesures provisionnelles et suspendre la procédure de divorce jusqu’à la fin de l’année. Le juge pourra ainsi ratifier la convention finale après le 1er janvier 2000.
• Pour les conjoints qui ne veulent pas attendre l’an prochain, il y a encore la possibilité de prévoir dans la convention que l’autorité parentale sera exercée par l’un des deux conjoints jusqu’au 31 décembre 1999. Mais d’ores et déjà convenir que, dès le 1er janvier 2000, elle sera partagée. Il suffira, à partir du 1er janvier 2000, de faire ratifier cet élément de la convention par l’autorité tutélaire.
n Modification possible
A noter d’ailleurs que la modification d’un jugement prononcé avant le 1er janvier 2000 sera examinée à la lumière du droit actuel, sauf en ce qui concerne précisément l’autorité parentale. Ce qui revient à dire que des parents désirant bénéficier d’un droit qui n’existait pas lors de leur divorce pourront faire ratifier un nouvel accord prévoyant le partage de l’autorité dès l’an 2000.
Christian Chevrolet
*Numéros de téléphones des associations pour la médiation familiale:
CH: 041/340 35 70
GE: 022/320 59 94
JU: 032/422 66 44
NE: 032/725 05 66
FR: 026/402 10 78
VS: 027/323 14 87
VD: 021/864 40 96
NOUVEAU DROIT
Les autres innovations
• Le rôle de la faute – Dans le droit actuel du divorce, la faute joue un rôle prépondérant, même dans les divorces à l’amiable. Le nouveau droit prévoit trois causes de divorce. Deux nouvelles: le divorce sur requête commune et le divorce unilatéral après suspension de la vie commune pendant quatre ans. La troisième rend le divorce possible lorsque, avant le délai de quatre ans, la continuation du mariage est insupportable pour le demandeur en raison de motifs sérieux qui ne lui sont pas imputables.
• Le consentement mutuel – Le nouveau droit consacre officiellement le divorce par consentement mutuel, sans l’obligation de «prouver» l’échec irrémédiable de l’union conjugale. En tel cas, le juge pourra entendre deux fois les conjoints en laissant s’écouler un délai de réflexion d’au moins deux mois entre les deux auditions. Cette forme de divorce sera non seulement valable pour les époux qui se sont mis d’accord sur tous les effets du divorce, mais aussi pour ceux qui ne seront arrivés qu’à un accord partiel et qui confieront au juge le soin de régler les seuls aspects litigieux.
• Le partage de la prévoyance professionnelle Depuis 1995, le partage de la prévoyance professionnelle est régi par la Loi fédérale sur le libre passage. Or, ce partage peut dépendre de la faute des époux. Cette anomalie sera corrigée avec le nouveau droit, puisque le 2e pilier accumulé en commun lors du mariage sera partagé en deux parts égales, indépendamment d’une éventuelle faute dans la désunion. Chaque époux reprendra en revanche le capital qu’il avait apporté au moment du mariage.
• Le logement familial Désormais, le juge pourra non seulement attribuer le logement familial à un ex-époux, mais encore imposer ce choix au bailleur lorsque le logement est loué. Lorsque le logement est propriété, le juge pourra aussi imposer un droit d’habitation d’une durée limitée en faveur de l’autre ex-conjoint.
• Prestations d’entretien Dans le droit actuel, seul l’époux «innocent» a droit au versement par son ex-conjoint d’une rente ou d’une pension après divorce. Le nouveau droit abolira cette notion de la faute, qui sera remplacée par toute une série de facteurs objectifs.
Source: Le nouveau droit du divorce, Jacques Micheli, Philippe Nordmann, Catherine Jaccotet Tissot, Joël Crettaz, Thierry Thonney et Erica Riva. Ed. Pépinet, 1999. Prix: 80 fr. Commande: (021) 319 90 80.