Forcés à payer, oui mais avec sérieux!
Le canton de Vaud exige des garanties de la part des sociétés chargées de traquer les mauvais payeurs. Le Tribunal fédéral lui donne raison.
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Bon à Savoir 12-1998
09.12.1998
Sylvie Fischer
Lorsqu’un créancier a de la peine à se faire payer, il peut mandater un spécialiste chargé d’encaisser la dette à sa place. Et dans ce domaine, admet un connaisseur, «c’est un peu la jungle»: les services les plus sérieux côtoient les plus légers. Certains professionnels de l’encaissement ont été condamnés par la justice pénale pour tentative de contrainte, parce qu’ils menaçaient systématiquement les débiteurs de plainte pénale ou de prendre contact avec leurs ami...
Lorsqu’un créancier a de la peine à se faire payer, il peut mandater un spécialiste chargé d’encaisser la dette à sa place. Et dans ce domaine, admet un connaisseur, «c’est un peu la jungle»: les services les plus sérieux côtoient les plus légers. Certains professionnels de l’encaissement ont été condamnés par la justice pénale pour tentative de contrainte, parce qu’ils menaçaient systématiquement les débiteurs de plainte pénale ou de prendre contact avec leurs amis et connaissances: un moyen expéditif de les forcer à payer (lire Bon à Savoir de mars 1998).
Le nouvel article 27 de la loi sur les poursuites, en vigueur depuis janvier 1997, permet aux cantons de mettre un peu d’ordre dans ces pratiques. Il les autorise notamment à dire qui peut représenter un créancier dans la procédure d’exécution forcée, et à prescrire «que les personnes qui entendent exercer cette activité fassent la preuve de leurs aptitudes professionnelles et de leur moralité». Il les autorise également à fixer les tarifs de tels services.
Le canton de Vaud a saisi cette occasion de légiférer et a édicté de nouvelles règles. En matière de poursuites pour dettes, il exige désormais que seuls des avocats, des agents d’affaires brevetés ou des représentants professionnels au bénéfice d’une autorisation dans leur canton d’origine représentent des créanciers. En quelque sorte, une garantie de sérieux de la part de ceux qui traquent les mauvais payeurs.
Une société bernoise ne l’a pas entendu de cette oreille. Se prévalant de plusieurs dizaines d’années d’expérience dans des procédures de recouvrement de dettes, elle demandait à pouvoir pratiquer également dans le canton de Vaud. Elle estimait que ce dernier ne pouvait le lui refuser, étant donné que son canton d’origine ne soumettait pas l’activité en question à autorisation.
Le Tribunal fédéral lui donne tort. Certes, si un canton accorde une autorisation de pratiquer à un spécialiste de l’encaissement, tout autre canton devra la reconnaître et lui permettre aussi d’exercer. Le but est d’assurer la libre circulation des services. Mais si un canton n’a pas réglementé cette activité, comme c’est le cas pour le canton de Berne, son ressortissant ne peut prétendre pratiquer là où des garanties expresses sont exigées.*
C’est important, car dans certains cantons (à Schaffhouse, notamment), n’importe qui peut représenter un créancier dans une poursuite. Dans d’autres, comme à Fribourg, ce sont essentiellement les avocats. Les règles sont d’ailleurs fort différentes de canton à canton, relève une enquête toute récente de l’Association vaudoise des agents d’affaires brevetés.
Cette profession, sévèrement réglementée dans le canton de Vaud, assume notamment la représentation de créanciers dans des poursuites. Elle a voulu savoir quels étaient les cantons qui connaissaient le métier d’agents d’affaires, et qui avaient légiféré à son sujet. «Dans la plupart des cantons, on ne nous connaît pas, constate Jean-François Pfeiffer, leur président. A part Vaud, seul Genève parmi les cantons romands connaît et a fixé dans une loi la profession d’agent d’affaires. Et en Suisse alémanique, seul Saint-Gall connaît également une réglementation assez stricte.» En outre, le nom d’agent d’affaires ne recouvre pas toujours les mêmes réalités d’un canton à l’autre. Allez vous y retrouver! Sylvie Fischer
*Arrêt du Tribunal fédéral du 12 août 1998; 2P.94/1998.